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la plage de Robinson - Page 12

  • les mensonges de l'Histoire

    la france juive.jpgLes plus monumentales des fautes humaines consistent à ne pas vouloir laver l'Histoire des miasmes qui la salissent, à refuser la rigueur des faits, à ne pas les dénouer des ressentis.

    On finit par ne voir de la vérité que des crasses obscènes, des mensonges adulés et entretenus, et par léguer aux générations futures des galets de mémoire émoussés, aux faits mentis, qui finissent en interrogations inconscientes, en legs de non-dits qui tuent la spontanéité politique.

    (c)- 03/2010 -

  • Ombre de toi

    Il me reste de toi
    ton odeur, ta bouche, tes doigts,
    le touché de ta main sur mon corps,
    appuyée sur moi quand tu dors....
    Il me reste l'insomnie, le silence,
    et tout ce que tu es dans ton absence ...

    Comme si tu revenais, espérance,
    hallucination, je caresse le vide
    et mes bras dansent en l'air, évidence
    de ma mémoire stupide.

    Comme si tu revenais, là, maintenant,
    je prépare la soupe, celle aux oignons,
    écoutant dans le bouillon un instant
    un murmure, un souffle, un son.

    Sur la table ton couvert est mis
    et ta serviette est posée sur ton assiette.
    Une louche pour toi, une louche pour moi,
    et ce silence de pendule, ce silence de cri
    qui m'enserre la gorge et me fait tout petit.

    Rien. En face, la montagne est seule
    maintenant comme moi, sans toi, sans rien.
    murmure des peupliers au soir
    et la soupe est là qui reste froide.

    A la cheminée même il n'y a plus de chaud
    des flammes seules qui allument la pièce,
    des tisons qui ne chauffent pas
    comme le faisaient tes bras le soir
    quand tu m'embrassais.

    Au silence, et je reste, et j'attends.


    Pablo Robinson - Noces d'algies 1 - (c) 03/2010 -

  • Vérité de Foi ou mensonge d'amour ?

    il 070807 033.JPGOn peut se dire amis. Il suffit de croire qu'on aime quelqu'un assez pour espérer que c'est réciproque. Des fois ça ne l'est pas. Ou ça ne l'est plus. L'ami(e) sincère le dirait clairement, avec plus ou moins de douceur, de "tact", comme on dit sous certaines latitudes aux parquets boisés, avec franchise au moins. Mais la lâcheté qui nous fait humains pousse à trahir l'amitié par un silence, un oubli, un dos tourné, ou plus simplement encore en ne répondant pas aux sollicitations sincères de celui ou celle qui croit encore avec naïveté à cette amitié. Les douleurs affectives qui en résultent sont lourdes, longues, et elles ne diparaissent qu'avec des calendriers comptés, plusieurs calendriers si l'amitié était sincère, plusieurs calendriers si c'était un mensonge d'amour, une illusion de partage, une vraie préhension de l'affectif de celui (celle) qui y puisait une éspérance de bonheur. c'était un leurre. C'était un jeu.

    On peut se dire amours. Le jeu n'est plus un jeu. Le partage est profond, durable, chacun mettant dans la foi qu'il porte à l'amour de l'autre tout ce qu'il croit y puiser qui a une importance. Il (elle) en fait une oblation, il (elle) en donne une mesure d'offrande posée sur un autel à la prière de ce qui le (la) lie à l'autre. Un sacrifice. Ce mot là en fait toujours sursauter quelques uns ou quelques unes. Cela ne m'étonne pas : le sacrifice est une légende d'un autre temps, l'on ne retire rien de soi, ni le temps, ni les choses, ni les convictions, car l'amour n'a de valeur aujourd'hui qu'à condition de ne rien coûter. Enfin, c'est ce que j'entends de certains de mes contemporains, et de beaucoup de plus jeunes que moi.

    Mais c'est faux. La condition qui nous fait mériter l'amour de l'autre est celle de ce que l'on est capable d'y sacrifier, d'offrir, de compenser de ce que l'on est de soi-même et qui ne serait pas compatible avec ce que l'on aime chez l'autre. Les femmes savent mieux y voir que nous les hommes, à ce jeu. Il n'y a qu'à comptabiliser le bonheur que le commerce santo-valentinois suscite auprès de ceux qui y sacrifient quelques pécunes, une tablée de restaurant, un bijou, ou quelque autre chose qui "ferait plaisir" . J'ai lu sur un blog quelques relations de femmes aux offrandes reçues à ces occasions. Leurs confidences en font le plus souvent une misère aux efforts de leur amoureux, lorsque ce n'est pas une comptabilité en règle, du genre "il m'a offert une bague. Comme à noël. Il ne vaut que ça, son amour ?"

    L'amour se signe en actes de foi. Tout le monde ne sait pas y faire. J'ai un souvenir de fleurs cueillies à l'arrache dans un champ de fin d'été qui ont eu plus d'effet qu'un bouquet ordonné et dispendieux acheté sur un boulevard à l'occasion de cette "fête". Le temps que j'y avais consacré ? Le choix des fleurs des champs, parures minables mélées d'épis sauvages ? La misère de ma brassée à la porte ouverte ? Elle m'avait sauté au cou, ravie de ma collecte, plus heureuse que si je lui avais offert un diamant. Je suis resté marqué par cette simplicité, elle y avait vu la vérité de ma foi en elle. Mille ans plus tard, je doute du cadeau "à faire". Je préfère lui consacrer ce que je suis, poser dans le panier de ce qui fait notre amour la franchise de mes idées, le curage de nos casseroles, l'écoute de ses histoires, l'éffleuré de ses caresses, et si elle préfère trouver un contentement à dévorer une salade landaise dans le boui-boui d'à coté, alors je l'y emmenerai sans discuter, le jour qu'elle le voudra. Pas forcément le 14 février.

  • Les patayos: -2- Les pieds au mur

    pieds au mur.jpgSi certains français de Martinique ont des volontés politiques marquées, s'ils ont des idées d'émancipation, s'ils souhaitent partager leur amour indéfectible d'une liberté de pensée ou d'opinion, tout en restant dans leur pays de naissance qui (qu'ils le veuillent ou non) appartient à la France, alors ils seront respectés, adulés parfois, dans tous les cas écoutés.

    Le texte cinglant de Raphael Confiant ( lire en annexe ci-dessous) est d'une illogique implacable. Je ne doute pas que les quelques milliers d'agitateurs et de bloqueurs de zones économiques vitales qui ont "agi" entre les mois de février et mars 2009 aient tous voté pour le OUI à l'adoption de l'article 74 de la constitution française. Ils sont très probablement parmi les 32 453 votants adeptes du OUI.

    Ils étaient bien moins nombreux dans les rues de Fort de France à faire fermer les commerces sous la menace de pillages ou à bloquer les zones commerciales. Et effectivement, ils l'ont fait avec la complicité lascive des autorités, manipulées probablement par le machiavélisme Sarkozien qui voyait là une bonne opportunité pour monter un coup politique et une manipulation de grande envergure.

    Le résultat du referendum en est aujourd'hui la preuve éclatante.

    Mais voilà : ils ne sont pas seuls. Ils sont ce qu'on appelle une "minorité agissante" . Laquelle ne tient pas devant l'inertie pacifique de la démocratie. 126 648 autres français de Martinique ont dit NON. Peut-être ont-ils eu en arrière pensée que sous une autonomie partielle un autre coup d'état serait possible avec encore moins d'acteurs... et encore moins de protection...

    Ceux qui ont dit NON sont probablement les mêmes que ceux qui ont été assignés à résidence pendant plus d'un mois, probablement les mêmes salariés aujourd'hui chômeurs par la seule faute de ceux qui ont voté le OUI franc et massif des patayos.

    Ceux qui ont dit NON sont les Tamoins et les Tanous, ceux qui construisent chaque jour la Martinique avec autre chose que des paroles utopiques ou des mensonges truqués par les vitrines des fausses libertés environnantes: Cuba, Haiti, Saint Domingue...

    Ceux qui ont dit NON sont les milliers de familles désemparées, privées de toute espérance, privées des droits les plus basiques: se déplacer, travailler, apprendre.

    Ceux qui ont dit NON sont les artisans, les commerçants, les professions libérales, ceux qui ont perdu leur droit légitime à gagner leur vie par leur propre travail.

    Non! Tous ceux-là ne sont pas titulaires, comme l'auteur Confiant, d'un poste dans une administration de l'état français, qui octroie plus qu'un salaire, une vraie pension, augmentée de 40% de la valeur travail, à des gens qui seraient probablement incapables de gagner le même salaire s'ils travaillaient dans le "vrai" monde du travail : celui de l'effort, celui de la concurrence, celui de la jungle des affamés de la vie, celui des diplômés sans travail.

    Les insulter de la sorte relève d'inintelligence. Ceux qui devaient dire OUI l'ont fait. Mais ils ne sont ni le peuple, ni même le ferment du peuple, car le levain qu'ils portent est un poison qui détruit, un virus qui étouffe, une fausse espérance, une insulte au bon sens et à l'intelligence.

    Les insulter, c'est reconnaître sa propre impuissance, c'est porter en soi la fange excrémentale qu'on ose vomir sur ceux qui ont été probablement les plus cohérents avec leurs idées, c'est admettre que ceux qui ont porté ces idées-là en matière de dogme irrésolu ne sont pas des démocrates, mais des hommes violents, de futurs tyrans sans doute.

    Mais par dessus tout, ce molard craché à la tête de nos concitoyens permet de mesurer la vraie valeur de la démocratie, le vrai poids du nombre. Et par comparaison, l'étrange sensation que le venin peut sembler salutaire à petite dose, mais qu'il est bel et bien mortel dans son essence.

    Un jour, il faudra que Monsieur Confiant nous raconte sa petite enfance, qu'il nous parle de "ce peuple" qui est le sien, et comment il a pu vivre au milieu de "sous-merde, un ramassis d’aliénés, d’alimentaires et de lâches. Une tâche sur la carte du monde, une salissure. Un étron." (sic).


    annexe: le texte paru le lundi 11 janvier 2010 par la rédaction de Montray Kreyol

    « PÉYI-A SÉ TA NOU, SÉ PA TA YO ! » (« CE PAYS EST À NOUS, PAS À EUX ! »), CLAMAIENT-ILS EN FEVRIER 2009…


    Jamais à Cuba (communiste), ni à Barbade (capitaliste) Saint-Domingue (social-démocrate), on ne verrait le pays bloqué durant plus d’un mois à cause d’une grève générale.

    JAMAIS!

    Au bout d’une semaine, les forces de police ou l’armée débloqueraient les routes, rouvriraient les commerces et entreprises, rétablirait la libre circulation des personnes et des marchandises. Il n’y a que dans ces colonies de consommation que sont la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane qu’une telle chose est possible. Dans ces OVNI politiques, le Papa Blanc autorise ses chers enfants nègres à brailler, défiler, réclamer, exiger autant qu’ils le veulent. De toute façon, personne ne mourra de faim! Il les autorise même à proclamer que «le pays leur appartient désormais» et que le temps de la «profitation» est fini et bla-bla-bla…

    Le Papa Blanc se marre. Ses enfants nègres ne sont pas sérieux. Ils ne croient pas un mot à ce qu’ils disent. D’ailleurs, pourquoi ont-ils «déboulé» en février, mois du carnaval, et pas en octobre ou en novembre? La preuve: quand on leur organise une consultation pour savoir s’ils seraient prêts à entamer un tout petit début de commencement d’autonomie, ils battent aussitôt en retraite comme des «crabes-c’est-ma-faute». Oublié le «Péyi-a sé ta nou!»! Aux orties les rodomontades du genre «Jou nou ké ajounou pòkò wè jou»!

    Tout le monde aux abris!

    73% de «NON» en Guyane et 80% en Martinique. Donc si l’on comprend bien, les mêmes qui ont défilé et braillé en février pour faire plier l’État «colonialiste» votent aujourd’hui comme un seul homme pour rester à jamais enlacés dans les bras de ce même état colonialiste. Français jusqu’ad vitam aeternam, voilà ce qu’ils veulent être et rester!

    À ces gens, je dis: allez vous faire foutre! À ce peuple, je dis qu’il n’est qu’une sous-merde, un ramassis d’aliénés, d’alimentaires et de lâches. Une tâche sur la carte du monde, une salissure. Un étron.

    Je comprends pourquoi vous ne voulez ni de l’autonomie et encore moins de l’indépendance. Dans un Martinique libre, comme à Cuba, à Barbade ou à Saint-Domingue, jamais vous n’auriez été autorisés à foutre la merde et à bloquer tout le pays pendant plus d’un mois.

    Vous avez raison: restez français jusqu’à la fin des temps et continuez à brailler et à manifester régulièrement pour que le Papa Blanc vous accorde 200 euros d’augmentation de salaire et n’augmente pas le prix de l’essence, même si le cours du brut augmente sur le marché mondial.

    Adieu (ou plutôt «Au Diable!»)…

    Raphaël Confiant

  • voeux 2010

    voeux 2010 03.jpgSous les ombres tropicales, je me suis réveillé décembre, déjà dans le creux du matin, déjà saoûlé de ces temps qui émaillent la vie, déjà repu de chaleur, en faim d’autres choses inconnues. J’attends des jours qui viennent qu’ils m’apportent une renaissance, un croisé du soleil avec mes yeux, un éblouissement qui m’éveillerait de l’aveugle que je suis devenu.

     

    A entendre les ressacs de la mer, les allées et venues de l’eau perpétuelle, l'usure des roches altérables, en chuintements imparfaits et sonores, je mesure à petits pas les limites de nos mondes, le franchi d’un jour de marche sur la grève, tandis que les vagues effacent mes pas derrière moi.

     

    Et lorsque je m’endors, rien de la nature ne change autour de moi, sinon la course des astres, sinon le remuement fébrile du végétal et de l'animal, qui, petits ou grands, finissent par s’endormir aussi, après un bref parcours, se croyant déjà plus loin dans leur temporel inimaginé.

     

    Mes songes de Socksann ne me donnent plus l’éveil de l’initié, ni la trempe d’acier du vent gelé qui fouette mon visage à la douloureuse marche de la nuit, ni la force têtue qui me faisait marcher sans trêve sur des traces inconnues…

     

    Et quoi ? A la ville, il ne resterait rien de l’effleurement minéral, du touché des doigts sur le velours de la pierre, de ces senteurs subtiles d’essences remontées de la forêt, il n’y aurait plus que des dégradés gris, froids, lointains, comme des brumes de marais à la lune sortie, dans un univers urbain, solitaire, écœurant, triste, où l’âme serait perdue, périe de solitude, d’abandon, d’indifférence, errante dans des rues sans lumière où les murs n’auraient plus que la chaleur des mots tracés du désespoir de tous…

     

    Mais justement, voici que les nuages se déchirent. Et je m’approche du mur. Les mots gravés, peints, écrits, tracés, sont des mots d’amour, jetés les uns sur les autres, en couleurs chaudes comme du sang.

     

    A la lumière nouvelle du soleil renaissant, les serments d’amour gravés là prennent leur force, le volume des cœurs grandit, les noms inscrits pétillent et donnent à la fresque des allures festives, des tons de liesse que le soleil tout à coup enflamme.

     

    Ils sont deux, ils sont quatre, ils sont cent, des milliers, qui chaque jour sont venus confier à ce mur sombre leurs espérances les plus douces, à graver dans le stuc, par-dessus d’autres noms déjà exaucés, leurs propres initiales, mettant ainsi en scène l’alliance de leur amour, pour un futur radiant.

     

    Ma vision s’épuise, au loin disparaît Vérone, la maison de Juliette, les dalles usées par les pas de danse, les brumes lacustres et alpines, et je retrouve le calme sérénal de ma forêt tropicale qui s’endort. De ce crépuscule naîtra une vie nouvelle, faite de pas de deux, faite de tendresses, faite d’espérance. A l’aurore nous irons voir danser les frégates dans l'alizé revenu, jusqu'à toucher les nuages, et nos yeux s’empliront des bleus du monde….  

  • Les Tamoins, les Patayos et les Tanous

    devise shadock 01.jpgEn Martinique, le slogan des évènements de février 2009 était: "matinik cé patayo, matinik ceta nou":
    (la martinique c'est pas à eux, la martinique c'est à nous) .

    De ce slogan, j'ai tiré 3 profils:
    les "tamoin" (à moi),
    les "patayo" (pas à eux),
    les "tanou" (c'est à nous)


    le "tamoin" : Martiniquais de souche, ou "étranger" qui s'est installé depuis longtemps, il travaille pour son compte ou est salarié dans le privé: il travaille beaucoup, participe à l'économie du pays, a réussi à mettre un peu d'argent de coté, s'est acheté un bout de terrain ou a hérité, s'est construit par les moyens du bord sa petite maison. Il adore la France, est fier de son passeport, paye tant bien que mal ses impôts. Il tient au statut de son île, déclare facilement que ce qu'il a, il ne l'a volé à personne, et revendique que la Martinique "c'est à moi" (cé ta moin)

    le "patayo": Martiniquais de souche ou "négropolitain" revenu au pays, il travaille (si l'on peut dire) dans une collectivité municipale, départementale ou régionale, ou encore est "fonctionnaire" de "l'Administration". Il revendique avec force les 35 heures, touche les 40% de vie chère, avec lesquels il investit dans l'immobilier défiscalisé. Lorsqu'on lui reproche d'en faire le moins possible, il répond avec fierté que ce que lui donne l'Etat (ou les collectivités) - c'est à dire l'argent des autres - est en fait la "réparation", qu'il considère comme un dû, bien que ni lui ni son grand-père n'aient jamais été les esclaves de personne. Il râle contre la vie chère que son propre salaire a aidé à créer, fustige la "justice" mais se comporte en tyran avec ses locataires pauvres, invective l'artisan qui travaille pour lui, ne paye pas ses factures et malgré tout roule dans des autos haut de gamme, le plus souvent fabriquées en Allemagne. C'est le partisan idéal et incontournable des évènements de février. Sa revendication consiste à rejeter ce qui ne lui ressemble pas: "Matinik cé pa ta yo" : la Martinique ce n'est pas à eux. Mais il ne dit pas qui son les "yo"... on se doute qu'il parle des "tamoin", mais ce n'est jamais clair ... quand à dire que ce sont les tanou, il s'en défendra toujours, respect de castes oblige ...

    le "tanou": Martiniquais de souche, souvent xénophobe "par le haut" (il est allergique à toute concurrence), le tanou est ancré depuis des siècles sur les roches visqueuses qui bordent l'île, souvent face à l'atlantique. Le tanou sait saisir les opportunités, traquer les monopoles, et surtout s'en servir. Il connait les rouages du commerce, les leviers des subventions, les ploiements nécessaires aux obéissances serviles, les mots endormeurs pour les politiques, les acquiessements aux promesses sociales, mais il sait surtout le sens des flux économiques. Il dit oui aux patayos pour augmenter les salaires, du moment que ce n'est pas lui qui débourse l'argent, et du moment que cet argent se retrouvera de toutes façons dans ses affaires, magasins, grande distribution, entreprises de services. Le tanou a le menton haut, la sympathie du requin, et se targue d'une chevalière portant des armoiries souvent ramassées dans les poubelles du royaume de france, seigneuries ou baronnies balayées par les guerres et la révolution, dont la particule n'a pas plus de valeur que la voiture allemande que conduit avec fierté le patayo d'en face, que le tanou lui a vendue, bien entendu.

    Le tamoin représente la plus grande partie de la population. Il détient le pouvoir social et économique, mais il ne le sait pas. Il pourrait faire changer les choses, mais le temps qu'il devrait y consacrer mangerait celui qu'il consacre à son travail. Le tamoin est rustre, il n'aime pas trop la compagnie, se méfie des grandes messes et des foules. C'est ce qui fait sa perte.

    Le patayo représente le pouvoir social actif: les patayos ne sont pas nombreux, mais ils parlent fort, s'agitent souvent, et consacrent plus de temps à la gesticulation sociale qu'à la tâche que leur octroie leur condition professionelle. Comme il ne travaille pas beaucoup, le patayo a le temps de comparer comment vivent les tamoins et les tanous, et il ne comprend pas bien comment ils arrivent à être heureux alors qu'ils travaillent plus que lui. Le patayo est un as du rassemblement, il sait faire vibrer la corde de la solidarité et faire croire que ce qui est donné pour la "cause" est juste et sera tésaurisé au paradis des gogos.

    Le tanou a pour lui l'inertie immense des patayos et la faiblesse des tamoins: ainsi il peut faire tranquillement ses affaires, cibler ses victimes, et remplir ses poches tranquillement. Le tanou utilise la Martinique comme une mine, mais il a placé ses interêts ailleurs, à Paris, en Chine ou aux USA. Le tanou passe ses dimanches à attraper son cancer de la peau en grillant sur le roof de son bateau, sait faire des réunions secrètes, sait tenir sa langue, sauf quand il a trop bu après avoir été invité par des journalistes de "là-bas". C'est un spécialiste des contre feux et des diversions, un homme de l'art, que Machiavel aurait pu citer.

    En février 2009, les patayos ont lancé une révolution: ils voulaient que les tamoins continuent à travailler, mais en leur donnant le fruit de leur travail, et que les tanous continuent à les fournir en denrées alimentaires et autres, mais sans faire fortune.

    Ce fut un échec.

    (fin du premier épisode)

  • Yom Kippour

    DSCF0985.JPGle jour du "pardon" (Yom Kippour), on chante le Kol Nidrei (tous les souhaits). Mais peu de gens connaissent la traduction française de ce texte chanté avec tant de solennité. La voici :

    " Tous les vœux que nous pourrions faire depuis ce jour de Kippour jusqu'à celui de l'année prochaine (qu'elle nous soit propice), toute interdiction ou sentence d'anathème que nous prononcerions contre nous-mêmes, toute privation ou renonciation que, par simple parole, par vœu ou par serment nous pourrions nous imposer, nous les rétractons d'avance; qu'ils soient tous déclarés non valides, annulés, dissous, nuls et non avenus ; qu'ils n'aient ni force ni valeur ; que nos vœux ne soient pas regardés comme vœux, ni nos serments comme serments"....

    Tout ce que nous pourrions souhaiter de bien ou de mal pour nous-mêmes n'a pas de valeur de serment. Autrement dit, un croyant de la thora ne peut se renier, ni renier ce qu'il croit, ni renier ce qu'il est.

    Est-ce pour cette raison que les juifs sont autant persécutés ? Faut-il comprendre que l'impossible reniement attesté par cet acte de foi (qu'est-ce d'autre, sinon cela ?) rend illusoire toute pression, toute persécution, toute obligation de renoncer à sa "religion" (entre guillemets, car pour de nombreux docteurs de la Loi, l'appartenance au judaïsme n'est pas l'appartenance à une religion, mais à un peuple) ?

    Quid, alors de tous ceux qui avaient un nom hébraique et qui ont été convertis de force ? Quid, alors, de tous ceux qui ont été assassinés par les ultras de toutes nations ? De par l'énoncé de ce serment, fait le jour du Pardon, tout reniement futur est inutile et d'avance forfait...

    Donc, et ce sera ma réponse à tous ceux qui disent aux "anussim" (les violés) ou aux "marranes" (les cochons, en espagnol), qui portent en eux un nom hébraïque qui leur a été transmis par leurs parents, dont les ancêtres ont été massacrés ou convertis de force, qu'ils ne "sont" pas juifs et qu'ils doivent se "convertir à la religion juive" pour redevenir juifs: le reniement étant impossible à cause du serment du jour du Pardon, tous ceux dont les ancêtres ont subi une obligation de renoncement à ce qu'ils étaient, et qui ont été, par la force, obligés de recevoir un baptème, ceux là sont déliés de ces obligations, parce que rien, ni aucun serment ne peut être tenu contre eux-mêmes, sinon d'accepter leur condition initiale, celle des gènes qui les ont créés, depuis le jour où un homme reçut un autre Serment, eternel celui-là, et pour lequel ses descendants ne peuvent plus se renier, eternellement.

    Je suis de ceux-là. D'autres, qui portent mon nom, ont péri dans les chambres à gaz, ont été assassinés dans leur maison, dans leur ville, ont été spoliés de leurs biens. Ceux-là étaient ou n'étaient pas croyants. Ce n'est pas cela qui les a tué. Seulement leur nom, seulement leur manière de vivre. Seulement à cause du serment solennel de ne pas se renier, ni de se maudire, ni d'espérer être sauvés. Parce qu'ils portaient ce nom, que je porte aussi, et qui pèse depuis longtemps de ce poids dans ma conscience et dans mes actions.

    Mon père, qui m'a donné mon nom, le savait, et il me l'a dit. C'est à lui que je pense aujourd'hui. A lui et à tous ceux qui portent mon nom et qui récitent ou chantent le Kol Nidrei en ouvrant le jeûne en ce jour de Yom Kippour.

  • Des quais de gares

    Tous ces gens qui se cotoient, ce fourmillement de consciences qui vont et viennent sur les quais des gares, rencontres muettes et instantanées entre ceux qui partent ailleurs, et ceux qui en reviennent. Ces sourires, ces pleurs, ces rages d'amours qui se finissent là, étirés par le rail étendu. Et les agents des gares, qui chargent sans le savoir dans leur coeur ces témoignages vivants, croyant sous leur casquette ne pas en être émus, et qui solidifient les émotions qui les traversent comme un ciment inaltérable.

    Il faut voir tous ces regards, les capter à l'instant où ils se croisent avec les autres, capter le fugace d'un étonnement, l'étincelle de l'envie, le froncé de sourcils et puis l'instant d'après l'oubli de ces rencontres multiples et incertaines.

    On se surprend des complicités des voyageurs, l'instant d'avant inconnus, l'instant d'après devisant comme de vieilles connaissances, captés les uns et les autres par cette brêve aventure commune et croyant que l'excitation du voyage les baigne dans une communauté nouvelle: le train.

    Mais je me suis pris à ce jeu, prisonnier de la foule des accompagnants, agitant la main pour dire au revoir à l'être cher qui était maintenant enfermé dans la voiture, aussi muet que lui par le bruit de la gare et l'épaisseur de la vitre, pendant que le convoi prenait doucement son allure. Je me suis surpris à croiser son regard comme les autres en faisaient autant, certains avec des larmes silencieuses, d'autres avec des sanglots de tragédie. Un instant ses yeux ont croisés les miens, puis tout a disparu, et mouton dans un troupeau sans maître, j'ai suivi la marche du quai, croisant des yeux les nouveaux arrivants qui partiront dans un autre train, et qui revivront les mêmes scènes, indéfiniment, jusqu'à la nuit, avant que demain tout recommence...

    Nous sommes ainsi faits, sans bien nous rendre compte de tout l'amour qui suinte au petit matin sur les quais des gares, aura volatile de tous ces sentiments échangés, partagés, qui ne laissent aucune trace, sauf, peut-être, dans l'humide d'un mouchoir oublié qui roule avec le vent que font les trains, lorsqu'ils disparaissent dans la brume du bout des quais ...

  • La lettre pour Edith

    DSCF0004.JPGJ’imaginais au cours d’un voyage que tu aurais pu fouler la poussière de ces chemins rendus roses par la pierre si particulière de Jérusalem. Je fermais les yeux quand je me reposais sous les figuiers du sentier. J’imaginais te voir, petite fille, marcher avec les autres enfants du kibboutz au croisement des ombres des arbres, avec une petite robe et des sandales de cuir blanc, tenant dans ta main des fleurs cueillies au bord des champs, entre les pierres, guidés par ces jeunes filles au visage bronzé.

    L’autre jour, les photos passées qui posent le regard dans ton séjour avaient attiré mon attention. J’y avais rencontré les traces de ton histoire, avant que tes confidences étreignent ma mémoire, avant que s’épanchent tes mots pour me dire ce qui avait fait ta vie, et comment les éclats du temps avaient bouleversé ton monde, ton histoire, celle de tous, finalement.

    Tu aurais pu être cette petite fille, il y a soixante ans, qui allait avec les autres enfants porter quelques fleurs à Ben Gourion, au moment où les Rescapés allaient fêter la création du Pays, le havre attendu depuis deux mille ans. Tu ne le savais pas. Tu avais appris à suivre des chemins détournés, tu avais obéi avec confusion aux injonctions qui disaient que nulle part il ne pourrait y avoir une place, ta place, sinon par des jeux de ruse, par les truchements de compromissions qu’il ne fallait pas chercher à comprendre, moins encore à dominer. Tu avais construit ta vie comme des sauts entre des trains en marche, attrapant ici et là des occasions de mieux être, profitant de visions infimes d’un avenir meilleur. On regarde toujours le monde par le bout de sa vie, et il n’est pas donné souvent d’avoir des indices forts pour donner d’autres choix, sinon de rencontrer ceux qui nous bouleversent et nous ouvrent des yeux que nous gardions fermés. Nous avons peur parfois de la lumière, comme nous croyons avoir peur des ombres.

    Tes pas de petite fille n’ont pas foulé la poussière millénaire des kibboutz. Ils ont suivi la boue des chemins des campagnes de France. Ils ont martelé le plancher des trains à vapeur. Ils ont glissé sur les parquets cirés des écoles de filles. Et toi tu n’imaginais même pas que ta place aurait pu être ailleurs, autrement, jusqu’au jour où tu as retrouvé au fond d’une boite de couture le morceau de feutre jaune taillé en étoile, avec le mot « juif » brodé en travers.

    Alors le monde a changé. Les rideaux opaques de l’Histoire sont tombés, et une autre lumière est entrée dans ton coeur. Plus forte, plus douloureuse, plus vraie. Et depuis ce jour-là, le bleu du ciel n’a plus jamais été le même. Ton univers a pris corps, les montagnes que tu voyais sont devenues des tours, les chants devenaient des cris d’amour ou de victoire, et tout ce que tu as fait depuis s’est calé comme une pièce exacte dans un montage immense dont tu ignores le sens mais que tu sens devoir faire plus que tout…

    A ce point du chemin, soixante ans après, on se demande toujours pourquoi on est là et pas ailleurs. On se prend à croire qu’on aurait pu être cette petite fille qui tendait les fleurs au grand homme. Tu aurais pu être la même femme, soixante ans plus tard, habitant à Beersheba, et tu te prends à imaginer un croisement de vie différent et impossible. Il n’y aurait rien eu d’absurde à y croire. Cela aurait tenu à si peu ! le regard d’un policier, un tampon d’encre noire effacé d’une carte d’identité, une étoile jaune cachée, des solidarités différentes, un train manqué, peut être. Mais tout aurait été aussi si difficile à changer ! le monde était comme il était. Moi je n’existait même pas, et toi tu étais si petite. Et rien ne pouvait rien mouvoir de ces carcans qui se dressaient contre les hommes et les femmes, de ces carcans qui ont forgé ce que nous sommes aujourd’hui. On se dit aussi que nos destins sont si ténus, qu’ils tiennent à si peu de choses, que notre obéissance à cet Inconnu est finalement bien grande, malgré nous, puisque nous ne sommes pas si certains d’être capables de revendiquer autant de liberté.

    Je n’ai pas retrouvé les fleurs du bouquet que cette petite fille aurait tenues. J’aurais voulu te les offrir pour cet anniversaire si particulier. J’aurais voulu télescoper quelques instants les univers du possible et ceux de nos rêves, mettre à la place la bienveillance que nous devons à nos âmes.

    Bon anniversaire, Edith.

  • vomir

    On croit réver ! l'homme de l'ombre, celui qui tire les ficelles derrière le rideau du collectif se détache de son camouflage à la lumière de la réprobation légitime... Le fossoyeur "innocent" des entreprises martiniquaises estime que "la victoire viendra de la détermination des travailleurs et travailleuses de Guadeloupe et de Martinique. C'est notre principal et essentiel atout! " Quel atout ? 15000 chomeurs en plus ? 5000 commerces perdus ? 1500 professions libérales qui jetteront l'éponge et iront rejoindre "le français moyen dans sa chaumière". Demain, le peuple martiniquais sera encore plus pauvre, encore plus dépendant, encore plus consommateur, encore plus pleutre, parce que ceux qui ont pris le pouvoir de la rue ne sont pas ceux qui ont été élus, parce que ceux qui raptent les entreprises, les salariés, les outils de travail et l'espace martiniquais ne sont pas ceux qui les payent, mais ceux qui sont hors du jeu, fonctionnaires hypocrites, profiteurs privilégiés et escrocs d'un système dont la faiblesse du pouvoir leur donne l'apparence d'une pseudo liberté qu'ils n'assument même pas en prenant la responsabilité publique de "leur" quête. Ils ne signent même pas les accords qu'ils ont éxigés "au nom du peuple" !

    Combien de Besancenot, de Pagot, de Joachin-arnaud, de Bové et consorts mettront la main dans leur portefeuille pour nourrir ceux qui n'auront plus d'emploi demain ? A U C U N ..... Comme aucun d'eux ne construit quoi que ce soit, ni entreprise, ni association, ni groupement d'artisans, ni groupement d'agriculteurs, tous porteur de travail, de production locale et d'indépendance économique et sociale. Ce sont des DESTRUCTEURS et l'efficacité de leur rôle politique n'a RIEN apporté au peuple martiniquais depuis 40 ans, sinon d'avoir renforcé l'emprise des puissants et la soumission des plus faibles, comme on ne peut en faire que le constat aujourd'hui...

    Je croyais retrouver un parfum de fleurs de café au lendemain d'une nouvelle fraternité, je croyais que le collectif se serait attaqué aux VRAIS problèmes sociaux, je croyais qu'ils auraient séquestré les VRAIS responsables, le représentant de l'ETAT qui se comporte comme un gouverneur aux ordres d'une politique d'abandon, tout en suçant les taxes à tous les niveaux de la chaîne captive des marchés de consommation auxquels nous sommes condamnés, le patron de la CGM qui ment et se rend complice des vieilles pratiques coloniales de marché captif, les exportateurs de l'europe qui demain se frotteront les mains de la manne des 200 euros "gagnés par la lutte", soit 16 millions CHAQUE MOIS de consommation captive déguisée en "pouvoir d'achat", les importateurs qui augmenteront encore plus leur mainmise sur la distribution locale, les collectivités locales qui récupéreront bien vite les picaillons donnés en aumone....

    Je sentirai demain l'odeur des vomissures débilées par les convulsions de rage d'un peuple une fois encore grugé par les bonimenteurs, une fois encore appâté par une fièvre de l'or, mais qui sera anéanti par toutes les conséquence de cette "grande victoire": perte d'allocations familiales, perte d'allocation logement, paiement de l'impot sur le revenu, perte des aides socales, mais aussi : augmentation des prix locaux, perte des emplois, disparition des services et des petits commerces ....

    Il manque au tableau de chasse du collectif de ne pas avoir encore réussi à condamner les lâches travailleurs qui refusent de partager leurs primes de vie chère, leurs 25%, leurs 40%, avec ceux dont ils défendent la cause d'être des pauvres et des excommuniés de la grande messe de la consommation. S'il devait rester un espoir, serait-il celui-là ?

    J'ai peur d'avoir encore envie de vomir .....