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la plage de Robinson - Page 10

  • Haïti, c'était hier...

     

    fev 2010 119.jpgIl est des anniversaires dont on préfèrerait oublier la date et le nom. Il y a un an, le séisme de Léogâne (véritable épicentre des 35 séismes qui ont secoué Haïti) provoquait la mort d’au moins 300 000 personnes. Les jours qui ont suivi ont donné lieu à une importante manifestation humanitaire, venue de la plupart des pays du monde. L’aéroport de Port au prince est devenu rapidement le salon international de l’aviation de secours et des aides humanitaires, et, là comme ailleurs, les mieux organisés ont rapidement pris le pouvoir, organisant les autorisations d’atterrissage et de décollage, gérant la logistique locale … 

    Dans un pays où la vie et la mort se côtoient sans cesse, où la soumission aux aléas climatiques et sismiques est affaire divine à laquelle aucune volonté humaine ne voudrait dénier la réalité, il semble que personne n’ose se lever pour tenter d’inverser l’ordre des choses. 

    Une semaine après le séisme, je faisais une inspection des lieux que je connaissais près le Léogâne : léproserie des sœurs de la sagesse, hôpital, maisons de retraite… tout était détruit. La base avancée des hélicoptères canadiens était à 800 mètres, et les pilotes passaient au-dessus du centre hospitalier pour poser leurs appareils, mais personne n’avait encore vu qu’il y avait un hôpital juste en dessous, et que les malades n’avaient ni électricité, ni nourriture, ni eau… Il est vrai que les urgences étaient si nombreuses, si dispersées, si intenses que personne n’aurait été capable de donner un ordre de priorité ici ou là. Il fallait à longueur de journée chercher les vivants ensevelis, soigner les blessés, nourrir  la population, trouver des espaces pour faire des camps, trouver de l’eau, gérer des besoins en énergie, transporter des secours, évacuer les étrangers, évacuer les blessés, opérer, amputer, ensevelir les morts, faire des voies de circulation, déblayer les ruines, construire des abris, trouver des fonds, trouver des spécialistes, les transporter sur place, construire des latrines, gérer la pluie, protéger les orphelins, les loger, les nourrir, trouver des grues, trouver des camions, puis l’essence pour les utiliser, débloquer le port, stocker les arrivages de denrées alimentaires, former des équipes de déblayeurs, leur donner les ordres, loger les équipes de secours, les nourrir, faire la police, distribuer les vivres, organiser les évacuations hors de la ville, informer, piloter, rencontrer, discuter, obtenir, contrôler, trouver des solutions, et recommencer le lendemain. Et rien n’avançait comme il aurait fallu. Les chaînes de décisions étaient rompues, les uns ne prenant les ordres que des autres, et, évidemment, les autres étaient morts, disparus, absents, pas là, pas concernés. Et il fallait multiplier tout ça par le nombre de pays qui voulaient « tout faire », se disant chacun plus fort, plus spécialisé, plus expérimenté. Malgré tout, au sein d’une telle pagaille, les choses ont pris leur allure. Un entrelacs de filières s’est mis en place, des zones ont été attribuées par pays, des spécialisations ont été exploitées avec intelligence, et si des rancoeurs ont pu naître, elles n’étaient pas le fruit d’une volonté de nuire, mais d’un souhait de mieux faire. 

    Un an après, des cadavres sont toujours enterrés sous les décombres, et les archives nationales dorment dans un conteneur prêté par un mécène. Il n’y a pas assez de grues, de camions, et d’argent pour financer l’énormité des travaux de déblaiement à réaliser. Je connais le dicton : ce que vous faites en une heure à Paris vous demande un jour à Fort de France et une semaine à Port au prince. Il faudrait alors 52 heures pour redresser une ville ? Bien sûr que non. Mais je suis toujours stupéfait de voir que l’on constate toujours plus vite ce qui ne va pas que ce qui a été fait. C’est vrai : il y a tellement à faire, et ce qui a été fait semble si dérisoire !  Alors ? Aurait-il mieux valu ne rien faire, puisque nous en sommes encore là ? Je revois encore la foule des volontaires d’Urgence Caraïbes dans les sous-sols du stade de Fort de France, s’affairer comme des fourmis à trier les dons et faire les palettes qui allaient partir sur le ventôse. Je revois les militaires, organisés comme dans une guerre, structurés en unités, à la chaîne de commandement lisse et docile. Je revois les soldats américains, leurs tentes climatisées, les moyens gigantesques qu’ils utilisaient. Je revois les petites sœurs de Cluny qui partaient à pied chaque matin avec leur sac de médicaments, leurs pansements et leur sourire pour aller soigner dans des endroits improbables des inconnus sortis de la mort dont le seul sourire pouvait récompenser une semaine de travail acharné. Je revois ces gendarmes français qui partaient chaque matin faire la tournée des crèches de la ville, quêtant les besoins, apportant çà et là les petits riens qui dans ces cas-là transforment toute une vie… nous avançons tous à notre petit pas, et chacun d’eux nous apporte la fierté de le rendre utile autour de nous. Je crois qu’il ne faut pas désespérer, la vie en Haïti a déjà repris le dessus, même si ce n’est pas à notre mesure ni au goût de nos habitudes. 

    J’enrage tout de même lorsque les rouages de la solidarité se grippent pour des raisons de pouvoir, de paperasses ou de priorités. Tout ce qui est fait avec amour doit être prioritaire, parce que tout ce qui est fait avec amour devient sacré. Toujours. Il y a 3 conteneurs de dons envoyés de Martinique qui dorment sous douane à Port au prince depuis 6 mois, faute d’une volonté suffisante pour les sortir et les livrer à la structure qui pourra les distribuer. 3 conteneurs ce n’est rien face à tout ce qu’il faut faire. Mais ces 3 conteneurs sont sacrés pour tous ceux qui ont fait en sorte qu’ils arrivent à bon port. Ils portent l’espoir …

     

  • Voeux 2011

    hemistatère av (Small).jpgVous souhaiter une bonne année et une bonne santé pourrait passer pour une prévision.

     

    Mais dire à chacun de vous que parce que vous avez mis votre intelligence au service du futur, et parce que votre volonté s'y détermine à en obtenir le résultat que vous en attendez, et que par conséquent votre santé a tout pour être préservée, poussant alors vos affaires à devenir prospères au service de vos projets, c'est là une anticipation.

     

     

    la mienne,

    la vôtre.

     

    j'y ajoute tout ce qu'on ne dit jamais, les mots d'amour qu'on voudrait entendre,

    ceux qu'on voudrait dire,

    les consolations qu'on cherche lorsque tout est désolé,

    les regards où passent la force des liens qui unissent,

    une main agitée au-dessus de la foule,

    la jouissance lorsque s'en vient la réussite,

    le soleil,

    la paix.

     

    meilleurs vœux, donc. 

    Dominique BRUCH

     

    (c) D.BRUCH- voeux pour un amour - 01/2011

     

  • De race en haine, de haine en peine, de peine en rien, de rien en vide

    Plutôt qu'une réplique en supplique bien parisienne d'une Audrey rencontrée naguère , bien fière de sa réussite, à un pauvre type de la haute, endossé d'un habit de parfumeur, perdu dans ses strates embourgeoisées du 16 éme , 

    plutôt qu'un emprunt à Césaire, à la malice négrière jetée par la promptitude des mots, au lyrisme jubilatoire que donne au poète l'arme du dire,

    plutôt que les gaussements effarouchés de voix autrement silencieuses lorsque des massacres ordinaires éclaboussent nos journaux,

    plutôt que les silences licencieux de ceux qui préfèrent se taire,
    non pas par conviction, mais par peur de dire,

    je préfère mes hurlements de rue,
    mes colères publiques,
    mes rages enrougissantes,
    mes enrouements de voix
    ma force à clamer mon indignation.


    Non pas contre le racisme habituel que ce sot exprime dans son ignorance de l'autre,
    Non pas contre le blanc ou contre le noir, après tout, nous sommes différents de peau, différents d'histoire, différents de races parce que nous l'avons tous voulu ainsi,
    Non pas contre les appareils qui nous broient en faux mélanges absurdes, faisant de nos mixtures de peaux des sujets risibles victimes d'ironie et de camouflets,

    mais

    contre nos mensonges qui nous font croire identiques et nous ne le sommes pas.
    contre notre promptitude à chercher race là où n'est que culture
    contre notre facilité à passer de la race à la haine

    et de retour, après la haine, nos enveloppements de peine, subie en silence de la trahison de l'Homme.

    Et puis avec l'usure et le temps, comme bannis de nous-mêmes, rouler la peine en rien, courber l'échine vers le néant, et se voir aujourd'hui, face à l'injure renouvelée, vides,


    sans plus de voix pour hurler
    sans plus de poings pour cogner
    sans plus d'amour pour pardonner

    et de laisser dire, au poète interposé, que le nègre t'emmerde...

    alors qu'avec la même voix, la même force, elle pourrait pardonner, dire au sot sa sottise, et peut-être aller du vide au rien, du rien à la peine, et de reconstruire, peut-être, de la peine à l'amour.

  • sortir de moi (Blog à MH)

    maria nyons.jpgMH. Ton blog. Un moment j'ai reçu quelque chose qui ressemblait à ça. J'imitais ta façon de t'exposer, comme une mode où l'on joue à se dire. Patamodeler des phrases malhabiles ou maladroites pour faire accroire qu'on existe parce qu'on parle avec les doigts: je veux dire tracer des mots avec une plume ou pianoter des lettres comme une musique sur un clavier que d'autres liront, bien ou mal, mais "pourront lire"... Parce ce que dans nos solitudes, on ne sait plus parler avec nos bouches, sûrs d'être assourdissants et incompréhensibles, avec, par derrière, le doute que "les autres" ne tendent pas l'oreille vers nos suppliques.

    A force de parler tout seul à nos miroirs, dans le secret de nos salles de bain, on se prend à ne plus parler du tout, puis à ne plus savoir le faire.

    Je te regarde et c'est comme si je me voyais courbé sur moi-même, tentant avec mon nez de toucher mon nombril, aveuglé sur ce centre et oublieux de ce qui m'entoure.

    Tu m'avais dit, "pour écrire, oublies-toi". Alors j'ai renoncé à moi, à CE moi, et en renonçant à lui, j'ai perdu ce qu'il aimait, pas tout, mais de grandes parties de lui.

    Ma faim d'expression a baissé.

    Ecrire n'est plus une obligation passionnelle, c'est devenu un élan.

    Et il suffit d'un rien pour que je me taise, et que ce que je croyais être des trésors d'alignements de mots deviennent aussi volatils que des pétales de coquelicots. Je me dis que personne n'a envie de lire ça, tellement ça ressemble à tout le monde, tellement ça parle de personne. Finalement les mots construisent des phrases en cathédrales, en citadelles que Saint Exupéry aurait pu aimer. Mais il ne reste de lui que ce que les éditions ont publié, et c'est bien après lui que les secrets sortent des pages bien sages rangées sur l'étagère. Que restera-t-il de nos blogs, dans cinq ans, dans dix ans, s'ils ne sont pas imprimés, publiés, lus ?

    Alors, il faut tracer, si l'on veut que ça profite dans le futur.

    Tu avais dit: c'est le duende qui nous mène. Laisse le venir. Mais écris.

  • la lettre et l'universel

    commentaire sur l'article concernant le prix AFD décerné à Raphael Confiant pour son livre "l'hotel du bon plaisir" dans "politiques publiques".

    Les intitulés intestinaux glanés ici et là feraient sourire. Le colon, l'étron, crottes en somme en forme de déchets d'une société en fin de fermentation, qui expulse douloureusement semble-t-il des fécès longtemps cachés et devenant enfin visibles. Mais comme dans la plupart de ces déchets, on y fait pousser des roses, on y trouve parfois des diamants. Raphael Confiant serait peut être dans ce registre. Un descripteur, un analyste de société, sans doute, mais aussi imparfait que nous, montrant parfois de son être la brillance de son regard observateur ou quelquefois le trou de son cul.

    Il traite les uns d'innommables, les autres d'étrons, il emploie des mots de caricatures en place des truculences de nos créoles, qui placeraient nos manaouas au ciel du seiziéme arrondisement, lesquelles se feraient coquer par des barons sudoripares dans des bordeaux qu'elles appeleraient vagabonnageries, et que les autres maquerelles citaient au nom délicieux de case à manaouas, en martinique, et de case à bobos en guadeloupe.

    Qu'il engrange les fruits de son travail, ce n'est que justice, et si d'autres yeux ont vu dans sa prose des éclairages pittoresques du passé, et qu'ils l'en félicitent, tant mieux. Il n'y a pas là de quoi être jaloux.

    Tant que les témoins de cette récompense n'y voient pas un blanc-seing à l'injure, une courte échelle au racisme primaire, un encouragement à l'ordure, fût-elle ordinaire, de nos jours ....

  • les mensonges de l'Histoire

    la france juive.jpgLes plus monumentales des fautes humaines consistent à ne pas vouloir laver l'Histoire des miasmes qui la salissent, à refuser la rigueur des faits, à ne pas les dénouer des ressentis.

    On finit par ne voir de la vérité que des crasses obscènes, des mensonges adulés et entretenus, et par léguer aux générations futures des galets de mémoire émoussés, aux faits mentis, qui finissent en interrogations inconscientes, en legs de non-dits qui tuent la spontanéité politique.

    (c)- 03/2010 -

  • Ombre de toi

    Il me reste de toi
    ton odeur, ta bouche, tes doigts,
    le touché de ta main sur mon corps,
    appuyée sur moi quand tu dors....
    Il me reste l'insomnie, le silence,
    et tout ce que tu es dans ton absence ...

    Comme si tu revenais, espérance,
    hallucination, je caresse le vide
    et mes bras dansent en l'air, évidence
    de ma mémoire stupide.

    Comme si tu revenais, là, maintenant,
    je prépare la soupe, celle aux oignons,
    écoutant dans le bouillon un instant
    un murmure, un souffle, un son.

    Sur la table ton couvert est mis
    et ta serviette est posée sur ton assiette.
    Une louche pour toi, une louche pour moi,
    et ce silence de pendule, ce silence de cri
    qui m'enserre la gorge et me fait tout petit.

    Rien. En face, la montagne est seule
    maintenant comme moi, sans toi, sans rien.
    murmure des peupliers au soir
    et la soupe est là qui reste froide.

    A la cheminée même il n'y a plus de chaud
    des flammes seules qui allument la pièce,
    des tisons qui ne chauffent pas
    comme le faisaient tes bras le soir
    quand tu m'embrassais.

    Au silence, et je reste, et j'attends.


    Pablo Robinson - Noces d'algies 1 - (c) 03/2010 -

  • Vérité de Foi ou mensonge d'amour ?

    il 070807 033.JPGOn peut se dire amis. Il suffit de croire qu'on aime quelqu'un assez pour espérer que c'est réciproque. Des fois ça ne l'est pas. Ou ça ne l'est plus. L'ami(e) sincère le dirait clairement, avec plus ou moins de douceur, de "tact", comme on dit sous certaines latitudes aux parquets boisés, avec franchise au moins. Mais la lâcheté qui nous fait humains pousse à trahir l'amitié par un silence, un oubli, un dos tourné, ou plus simplement encore en ne répondant pas aux sollicitations sincères de celui ou celle qui croit encore avec naïveté à cette amitié. Les douleurs affectives qui en résultent sont lourdes, longues, et elles ne diparaissent qu'avec des calendriers comptés, plusieurs calendriers si l'amitié était sincère, plusieurs calendriers si c'était un mensonge d'amour, une illusion de partage, une vraie préhension de l'affectif de celui (celle) qui y puisait une éspérance de bonheur. c'était un leurre. C'était un jeu.

    On peut se dire amours. Le jeu n'est plus un jeu. Le partage est profond, durable, chacun mettant dans la foi qu'il porte à l'amour de l'autre tout ce qu'il croit y puiser qui a une importance. Il (elle) en fait une oblation, il (elle) en donne une mesure d'offrande posée sur un autel à la prière de ce qui le (la) lie à l'autre. Un sacrifice. Ce mot là en fait toujours sursauter quelques uns ou quelques unes. Cela ne m'étonne pas : le sacrifice est une légende d'un autre temps, l'on ne retire rien de soi, ni le temps, ni les choses, ni les convictions, car l'amour n'a de valeur aujourd'hui qu'à condition de ne rien coûter. Enfin, c'est ce que j'entends de certains de mes contemporains, et de beaucoup de plus jeunes que moi.

    Mais c'est faux. La condition qui nous fait mériter l'amour de l'autre est celle de ce que l'on est capable d'y sacrifier, d'offrir, de compenser de ce que l'on est de soi-même et qui ne serait pas compatible avec ce que l'on aime chez l'autre. Les femmes savent mieux y voir que nous les hommes, à ce jeu. Il n'y a qu'à comptabiliser le bonheur que le commerce santo-valentinois suscite auprès de ceux qui y sacrifient quelques pécunes, une tablée de restaurant, un bijou, ou quelque autre chose qui "ferait plaisir" . J'ai lu sur un blog quelques relations de femmes aux offrandes reçues à ces occasions. Leurs confidences en font le plus souvent une misère aux efforts de leur amoureux, lorsque ce n'est pas une comptabilité en règle, du genre "il m'a offert une bague. Comme à noël. Il ne vaut que ça, son amour ?"

    L'amour se signe en actes de foi. Tout le monde ne sait pas y faire. J'ai un souvenir de fleurs cueillies à l'arrache dans un champ de fin d'été qui ont eu plus d'effet qu'un bouquet ordonné et dispendieux acheté sur un boulevard à l'occasion de cette "fête". Le temps que j'y avais consacré ? Le choix des fleurs des champs, parures minables mélées d'épis sauvages ? La misère de ma brassée à la porte ouverte ? Elle m'avait sauté au cou, ravie de ma collecte, plus heureuse que si je lui avais offert un diamant. Je suis resté marqué par cette simplicité, elle y avait vu la vérité de ma foi en elle. Mille ans plus tard, je doute du cadeau "à faire". Je préfère lui consacrer ce que je suis, poser dans le panier de ce qui fait notre amour la franchise de mes idées, le curage de nos casseroles, l'écoute de ses histoires, l'éffleuré de ses caresses, et si elle préfère trouver un contentement à dévorer une salade landaise dans le boui-boui d'à coté, alors je l'y emmenerai sans discuter, le jour qu'elle le voudra. Pas forcément le 14 février.

  • Les patayos: -2- Les pieds au mur

    pieds au mur.jpgSi certains français de Martinique ont des volontés politiques marquées, s'ils ont des idées d'émancipation, s'ils souhaitent partager leur amour indéfectible d'une liberté de pensée ou d'opinion, tout en restant dans leur pays de naissance qui (qu'ils le veuillent ou non) appartient à la France, alors ils seront respectés, adulés parfois, dans tous les cas écoutés.

    Le texte cinglant de Raphael Confiant ( lire en annexe ci-dessous) est d'une illogique implacable. Je ne doute pas que les quelques milliers d'agitateurs et de bloqueurs de zones économiques vitales qui ont "agi" entre les mois de février et mars 2009 aient tous voté pour le OUI à l'adoption de l'article 74 de la constitution française. Ils sont très probablement parmi les 32 453 votants adeptes du OUI.

    Ils étaient bien moins nombreux dans les rues de Fort de France à faire fermer les commerces sous la menace de pillages ou à bloquer les zones commerciales. Et effectivement, ils l'ont fait avec la complicité lascive des autorités, manipulées probablement par le machiavélisme Sarkozien qui voyait là une bonne opportunité pour monter un coup politique et une manipulation de grande envergure.

    Le résultat du referendum en est aujourd'hui la preuve éclatante.

    Mais voilà : ils ne sont pas seuls. Ils sont ce qu'on appelle une "minorité agissante" . Laquelle ne tient pas devant l'inertie pacifique de la démocratie. 126 648 autres français de Martinique ont dit NON. Peut-être ont-ils eu en arrière pensée que sous une autonomie partielle un autre coup d'état serait possible avec encore moins d'acteurs... et encore moins de protection...

    Ceux qui ont dit NON sont probablement les mêmes que ceux qui ont été assignés à résidence pendant plus d'un mois, probablement les mêmes salariés aujourd'hui chômeurs par la seule faute de ceux qui ont voté le OUI franc et massif des patayos.

    Ceux qui ont dit NON sont les Tamoins et les Tanous, ceux qui construisent chaque jour la Martinique avec autre chose que des paroles utopiques ou des mensonges truqués par les vitrines des fausses libertés environnantes: Cuba, Haiti, Saint Domingue...

    Ceux qui ont dit NON sont les milliers de familles désemparées, privées de toute espérance, privées des droits les plus basiques: se déplacer, travailler, apprendre.

    Ceux qui ont dit NON sont les artisans, les commerçants, les professions libérales, ceux qui ont perdu leur droit légitime à gagner leur vie par leur propre travail.

    Non! Tous ceux-là ne sont pas titulaires, comme l'auteur Confiant, d'un poste dans une administration de l'état français, qui octroie plus qu'un salaire, une vraie pension, augmentée de 40% de la valeur travail, à des gens qui seraient probablement incapables de gagner le même salaire s'ils travaillaient dans le "vrai" monde du travail : celui de l'effort, celui de la concurrence, celui de la jungle des affamés de la vie, celui des diplômés sans travail.

    Les insulter de la sorte relève d'inintelligence. Ceux qui devaient dire OUI l'ont fait. Mais ils ne sont ni le peuple, ni même le ferment du peuple, car le levain qu'ils portent est un poison qui détruit, un virus qui étouffe, une fausse espérance, une insulte au bon sens et à l'intelligence.

    Les insulter, c'est reconnaître sa propre impuissance, c'est porter en soi la fange excrémentale qu'on ose vomir sur ceux qui ont été probablement les plus cohérents avec leurs idées, c'est admettre que ceux qui ont porté ces idées-là en matière de dogme irrésolu ne sont pas des démocrates, mais des hommes violents, de futurs tyrans sans doute.

    Mais par dessus tout, ce molard craché à la tête de nos concitoyens permet de mesurer la vraie valeur de la démocratie, le vrai poids du nombre. Et par comparaison, l'étrange sensation que le venin peut sembler salutaire à petite dose, mais qu'il est bel et bien mortel dans son essence.

    Un jour, il faudra que Monsieur Confiant nous raconte sa petite enfance, qu'il nous parle de "ce peuple" qui est le sien, et comment il a pu vivre au milieu de "sous-merde, un ramassis d’aliénés, d’alimentaires et de lâches. Une tâche sur la carte du monde, une salissure. Un étron." (sic).


    annexe: le texte paru le lundi 11 janvier 2010 par la rédaction de Montray Kreyol

    « PÉYI-A SÉ TA NOU, SÉ PA TA YO ! » (« CE PAYS EST À NOUS, PAS À EUX ! »), CLAMAIENT-ILS EN FEVRIER 2009…


    Jamais à Cuba (communiste), ni à Barbade (capitaliste) Saint-Domingue (social-démocrate), on ne verrait le pays bloqué durant plus d’un mois à cause d’une grève générale.

    JAMAIS!

    Au bout d’une semaine, les forces de police ou l’armée débloqueraient les routes, rouvriraient les commerces et entreprises, rétablirait la libre circulation des personnes et des marchandises. Il n’y a que dans ces colonies de consommation que sont la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane qu’une telle chose est possible. Dans ces OVNI politiques, le Papa Blanc autorise ses chers enfants nègres à brailler, défiler, réclamer, exiger autant qu’ils le veulent. De toute façon, personne ne mourra de faim! Il les autorise même à proclamer que «le pays leur appartient désormais» et que le temps de la «profitation» est fini et bla-bla-bla…

    Le Papa Blanc se marre. Ses enfants nègres ne sont pas sérieux. Ils ne croient pas un mot à ce qu’ils disent. D’ailleurs, pourquoi ont-ils «déboulé» en février, mois du carnaval, et pas en octobre ou en novembre? La preuve: quand on leur organise une consultation pour savoir s’ils seraient prêts à entamer un tout petit début de commencement d’autonomie, ils battent aussitôt en retraite comme des «crabes-c’est-ma-faute». Oublié le «Péyi-a sé ta nou!»! Aux orties les rodomontades du genre «Jou nou ké ajounou pòkò wè jou»!

    Tout le monde aux abris!

    73% de «NON» en Guyane et 80% en Martinique. Donc si l’on comprend bien, les mêmes qui ont défilé et braillé en février pour faire plier l’État «colonialiste» votent aujourd’hui comme un seul homme pour rester à jamais enlacés dans les bras de ce même état colonialiste. Français jusqu’ad vitam aeternam, voilà ce qu’ils veulent être et rester!

    À ces gens, je dis: allez vous faire foutre! À ce peuple, je dis qu’il n’est qu’une sous-merde, un ramassis d’aliénés, d’alimentaires et de lâches. Une tâche sur la carte du monde, une salissure. Un étron.

    Je comprends pourquoi vous ne voulez ni de l’autonomie et encore moins de l’indépendance. Dans un Martinique libre, comme à Cuba, à Barbade ou à Saint-Domingue, jamais vous n’auriez été autorisés à foutre la merde et à bloquer tout le pays pendant plus d’un mois.

    Vous avez raison: restez français jusqu’à la fin des temps et continuez à brailler et à manifester régulièrement pour que le Papa Blanc vous accorde 200 euros d’augmentation de salaire et n’augmente pas le prix de l’essence, même si le cours du brut augmente sur le marché mondial.

    Adieu (ou plutôt «Au Diable!»)…

    Raphaël Confiant

  • voeux 2010

    voeux 2010 03.jpgSous les ombres tropicales, je me suis réveillé décembre, déjà dans le creux du matin, déjà saoûlé de ces temps qui émaillent la vie, déjà repu de chaleur, en faim d’autres choses inconnues. J’attends des jours qui viennent qu’ils m’apportent une renaissance, un croisé du soleil avec mes yeux, un éblouissement qui m’éveillerait de l’aveugle que je suis devenu.

     

    A entendre les ressacs de la mer, les allées et venues de l’eau perpétuelle, l'usure des roches altérables, en chuintements imparfaits et sonores, je mesure à petits pas les limites de nos mondes, le franchi d’un jour de marche sur la grève, tandis que les vagues effacent mes pas derrière moi.

     

    Et lorsque je m’endors, rien de la nature ne change autour de moi, sinon la course des astres, sinon le remuement fébrile du végétal et de l'animal, qui, petits ou grands, finissent par s’endormir aussi, après un bref parcours, se croyant déjà plus loin dans leur temporel inimaginé.

     

    Mes songes de Socksann ne me donnent plus l’éveil de l’initié, ni la trempe d’acier du vent gelé qui fouette mon visage à la douloureuse marche de la nuit, ni la force têtue qui me faisait marcher sans trêve sur des traces inconnues…

     

    Et quoi ? A la ville, il ne resterait rien de l’effleurement minéral, du touché des doigts sur le velours de la pierre, de ces senteurs subtiles d’essences remontées de la forêt, il n’y aurait plus que des dégradés gris, froids, lointains, comme des brumes de marais à la lune sortie, dans un univers urbain, solitaire, écœurant, triste, où l’âme serait perdue, périe de solitude, d’abandon, d’indifférence, errante dans des rues sans lumière où les murs n’auraient plus que la chaleur des mots tracés du désespoir de tous…

     

    Mais justement, voici que les nuages se déchirent. Et je m’approche du mur. Les mots gravés, peints, écrits, tracés, sont des mots d’amour, jetés les uns sur les autres, en couleurs chaudes comme du sang.

     

    A la lumière nouvelle du soleil renaissant, les serments d’amour gravés là prennent leur force, le volume des cœurs grandit, les noms inscrits pétillent et donnent à la fresque des allures festives, des tons de liesse que le soleil tout à coup enflamme.

     

    Ils sont deux, ils sont quatre, ils sont cent, des milliers, qui chaque jour sont venus confier à ce mur sombre leurs espérances les plus douces, à graver dans le stuc, par-dessus d’autres noms déjà exaucés, leurs propres initiales, mettant ainsi en scène l’alliance de leur amour, pour un futur radiant.

     

    Ma vision s’épuise, au loin disparaît Vérone, la maison de Juliette, les dalles usées par les pas de danse, les brumes lacustres et alpines, et je retrouve le calme sérénal de ma forêt tropicale qui s’endort. De ce crépuscule naîtra une vie nouvelle, faite de pas de deux, faite de tendresses, faite d’espérance. A l’aurore nous irons voir danser les frégates dans l'alizé revenu, jusqu'à toucher les nuages, et nos yeux s’empliront des bleus du monde….