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Atlit, la vibration des arbres

f5939d30-5bc0-452c-9555-6024dd0ec5fd.jpg« Ce sera sur toute la terre, parole de Hachem ! Sur elle les deux tiers seront retranchés et un tiers restera. Je l'épurerai au feu comme on épure l’or et l’argent. Et alors il criera mon Nom, et Moi, je lui répondrai : je dirai « Voici mon peuple » et il répondra « voici mon Elohim » … »

(Zacharie 13,8…)

Dans la chaleur de l’été, j’étais arrivé de Haïfa, croyant m’arrêter pour une pause en forme de sieste, là sur le bord de la grande route. De curieux eucalyptus brandissaient leurs branches vers le ciel, espérant échapper leur feuillage de la poussière du chemin que je voulais suivre pour aller vers la mer. Mais non. Sur la droite, des baraques noircies se dissimulaient derrière les buissons, avec une entrée austère, et des mots hachés en hébreu sur un fronton sévère. Et des barbelés autour. Un camp ?

Quelques places pour se garer dans la poussière surchauffée, quelques pas pour fuir la fournaise de midi, et, passé la porte d’entrée et la climatisation du hall d’accueil, me voilà face à une allée de vieux cyprès, posés comme des cierges immobiles de chaque côté d’une longue allée brûlante.

Ils m’attirent, Ils m’appellent. Ils me crient à la mémoire. Et me voilà prisonnier d’eux. Mes mains saisissent un tronc, il s'accroche à elles, les étreigne, et je lâche l'emprise, mais un autre m'attire puis un autre, puis un autre encore. Ils vibrent tous de la même façon. Avec une douleur longue et lancinante qui me traverse comme une onde brûlante et sourde. Alors je comprends cette soudaine révélation qu’ils retiennent depuis que leurs racines ont fouillé ce sol devenu sanctifié.

Ils me disent l’histoire de ces lieux, la construction des baraquements sur un modèle qui ressemblait tellement à ceux de camps de concentration, ceux des septentrions noirs et horribles, ceux des îles proches et des îles lointaines(1), le quadrillage de l’espace ocre et bleu, sans rien pour y trouver un peu de joie ou de bonheur.

Ils me racontent les prisonniers entassés là, rescapés des camps de la mort, migrants déroutés de leur vie d’avant, usés par les privations, aux regards perdus mais dont les âmes crânaient de vouloir venir ici, quoiqu’il en eût coûté pour y arriver.

Ils disent les braises qui se consumaient dans les yeux de ces survivants, porteurs des cendres des feux promis à leurs générations, épurés par les flammes de la haine, épurés par les longs calvaires subis, épurés par les proches disparus, épurés par la survie sauvage, épurés par ce voyage sublime et fou, aux noms de tous les leurs, depuis longtemps disparus ou soudainement assassinés, tous ceux-là qui murmurent à leurs âmes dans leurs sommeils obnubilés: « oui, c’est toi qui seras demain à Jérusalem ! ».

Et pourtant. Tout parait tranquille autour de nous. Des touristes se prennent en photo dans les baraquements reconstitués pour leur dire cette folle histoire. Ils écoutent de loin les mots appris par cœur par des filles qui servent de guide, mais dont aucune n’a jamais senti les vibrations des arbres. Ils rient de la désuétude de l’endroit et filent se réfugier dans la climatisation de la salle vidéo.

Et je reste dehors, et j’écoute encore la mélopée des arbres qui vibrent et qui me racontent l’Histoire, en faisant croire que c’est le vent de la mer qui leur fait murmurer ce que personne ne veut plus entendre...

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Pour en savoir plus : https://fr.wikipedia.org/wiki/Atlit 

(1) camps de concentration de Chypre et de l'île Maurice

©Daniel Bruch - 09/2023

 

 

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