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solitude

  • sortir de moi (Blog à MH)

    maria nyons.jpgMH. Ton blog. Un moment j'ai reçu quelque chose qui ressemblait à ça. J'imitais ta façon de t'exposer, comme une mode où l'on joue à se dire. Patamodeler des phrases malhabiles ou maladroites pour faire accroire qu'on existe parce qu'on parle avec les doigts: je veux dire tracer des mots avec une plume ou pianoter des lettres comme une musique sur un clavier que d'autres liront, bien ou mal, mais "pourront lire"... Parce ce que dans nos solitudes, on ne sait plus parler avec nos bouches, sûrs d'être assourdissants et incompréhensibles, avec, par derrière, le doute que "les autres" ne tendent pas l'oreille vers nos suppliques.

    A force de parler tout seul à nos miroirs, dans le secret de nos salles de bain, on se prend à ne plus parler du tout, puis à ne plus savoir le faire.

    Je te regarde et c'est comme si je me voyais courbé sur moi-même, tentant avec mon nez de toucher mon nombril, aveuglé sur ce centre et oublieux de ce qui m'entoure.

    Tu m'avais dit, "pour écrire, oublies-toi". Alors j'ai renoncé à moi, à CE moi, et en renonçant à lui, j'ai perdu ce qu'il aimait, pas tout, mais de grandes parties de lui.

    Ma faim d'expression a baissé.

    Ecrire n'est plus une obligation passionnelle, c'est devenu un élan.

    Et il suffit d'un rien pour que je me taise, et que ce que je croyais être des trésors d'alignements de mots deviennent aussi volatils que des pétales de coquelicots. Je me dis que personne n'a envie de lire ça, tellement ça ressemble à tout le monde, tellement ça parle de personne. Finalement les mots construisent des phrases en cathédrales, en citadelles que Saint Exupéry aurait pu aimer. Mais il ne reste de lui que ce que les éditions ont publié, et c'est bien après lui que les secrets sortent des pages bien sages rangées sur l'étagère. Que restera-t-il de nos blogs, dans cinq ans, dans dix ans, s'ils ne sont pas imprimés, publiés, lus ?

    Alors, il faut tracer, si l'on veut que ça profite dans le futur.

    Tu avais dit: c'est le duende qui nous mène. Laisse le venir. Mais écris.

  • Ombre de toi

    Il me reste de toi
    ton odeur, ta bouche, tes doigts,
    le touché de ta main sur mon corps,
    appuyée sur moi quand tu dors....
    Il me reste l'insomnie, le silence,
    et tout ce que tu es dans ton absence ...

    Comme si tu revenais, espérance,
    hallucination, je caresse le vide
    et mes bras dansent en l'air, évidence
    de ma mémoire stupide.

    Comme si tu revenais, là, maintenant,
    je prépare la soupe, celle aux oignons,
    écoutant dans le bouillon un instant
    un murmure, un souffle, un son.

    Sur la table ton couvert est mis
    et ta serviette est posée sur ton assiette.
    Une louche pour toi, une louche pour moi,
    et ce silence de pendule, ce silence de cri
    qui m'enserre la gorge et me fait tout petit.

    Rien. En face, la montagne est seule
    maintenant comme moi, sans toi, sans rien.
    murmure des peupliers au soir
    et la soupe est là qui reste froide.

    A la cheminée même il n'y a plus de chaud
    des flammes seules qui allument la pièce,
    des tisons qui ne chauffent pas
    comme le faisaient tes bras le soir
    quand tu m'embrassais.

    Au silence, et je reste, et j'attends.


    Pablo Robinson - Noces d'algies 1 - (c) 03/2010 -

  • Ne dis rien...

    1357982265.jpg Tu as voulu le silence, comme un renoncement à nous, comme un rejet de voix partagées. Entre parler et se parler, entre aimer s'aimer et maudire, entre jaser , ironiser et gémir. Soit. je me tais. Outre la parole, il reste le regard, le toucher. Mais de ces sens là, tu n'en veux plus non plus.

    On se croise comme des indifférences.

    On s'endort dos à dos avec le croire de l'inconsistance de l'autre, qui pourtant est  bien là, remuant dans son sommeil comme un animal blessé et endormi, mais qui n'accepte ni compassion ni tendresse. Les douleurs de l'âme sont rudes, invisibles, intouchables.

    On se voit comme des fantômes, on vit en mécaniques qui fonctionnent sur l'inertie du temps: ouvrir le frigo, faire cuire quelque chose, manger en regardant le vide, laver son assiette et se forcer à repartir, au boulot ou ailleurs, n'importe où, pourvu qu'on échappe à la présence de l'autre, pourvu qu'on abandonne un miroir déformé, un autre soi qui n'est plus ce qu'on croyait être le reflet de soi, à soi, pour soi.

    Mais ce n'est pas la fin d'un amour. C'est une faim d'autre chose, une faim de vivre ce qu'on ne peut plus vivre, parce qu'on n'est plus ce qu'on croyait être définitivement, parce que nos hormones nous trahissent, parce que nos peaux se flétrissent, parce que nos fatigues ne sont plus les mêmes.

    Mais dans nos têtes, nous avons toujours vingt ans, avec en plus la peur de marcher à coté du vide, la peur que tout se casse, la peur de n'être plus deux ensemble mais deux côte à côte et indifférents à nous-mêmes. Cette peur immense qui donne envie de mourir, de tout arrêter tout de suite, tellement l'appel du vide est fort, tellement il serait plus facile de se laisser tomber, de se laisser aller.

    Une vie d'homme, une vie de femme, une vie de couple, des convergences difficiles que nous avons bravées, avec nos intelligences, avec nos poings, avec nos pleurs, et dont nous ne voyons rien de l'exemple qu'elles peuvent susciter, de l'admiration qui nous est inconnue, du respect qu'elles ont imposé à d'autres qui ne sauront jamais nous les dire, qui ne peuvent pas les exprimer.

    Mon amour n'est pas un amour de la peur du vide, il n'est pas la continuité du cumul de nos présences, il n'est pas défini comme une somme de sacrifices durement accumulés que je refuserais d'abandonner, car ils auraient été vains, puisque ils auraient été incorporels et volatils. Mon amour est dur, plus intransigeant avec moi-même qu'avec n'importe qui, plus rigoureux aujourd'hui qu'il n'était hier. Parce que je me sens plus fragile, plus difficile à atteindre, plus difficile à séduire. Et si cet amour, conclu il y a si longtemps, et avec toute la légèreté de nos jeunesses, a tenu si longtemps, s'il nous a donné l'occasion de rendre tant de nos gestes sacrés, s'il est devenu pour nous ce fil si long que nous avons tiré ensemble, ce n'est peut-être pas pour qu'il se casse si facilement, au bouleversement de nos vies particulières, aux abandons irrémédiables de nos enfants, aux visions trop verticales de nos descendances.

    Alors, que ce soit en silence, que ce soit avec mes yeux, ou par un geste d'offrande pratique, qui est malheureusement un des seuls signes que la nature nous a donné pour codifier nos élans et nos scellements de serments, je te fais de moi la preuve de mon amour. Et je crois, dans ton silence, que tu ferais de même. Jusqu'au moment où nos orgueils auront été anéantis par nos raisons, jusqu'au moment où nous aurons basculé du sommet de nos égoïsmes pour tomber, pour un moment encore, dans le soulagement commun de nos vies duales, de nos rapprochements sécuritaires, de nos luttes communes contre ce qui nous divise.

    Et ce temps-là vient ...

     

    (c) Pablo Robinson- 04/2008