Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

békés

  • Les Tamoins, les Patayos et les Tanous

    devise shadock 01.jpgEn Martinique, le slogan des évènements de février 2009 était: "matinik cé patayo, matinik ceta nou":
    (la martinique c'est pas à eux, la martinique c'est à nous) .

    De ce slogan, j'ai tiré 3 profils:
    les "tamoin" (à moi),
    les "patayo" (pas à eux),
    les "tanou" (c'est à nous)


    le "tamoin" : Martiniquais de souche, ou "étranger" qui s'est installé depuis longtemps, il travaille pour son compte ou est salarié dans le privé: il travaille beaucoup, participe à l'économie du pays, a réussi à mettre un peu d'argent de coté, s'est acheté un bout de terrain ou a hérité, s'est construit par les moyens du bord sa petite maison. Il adore la France, est fier de son passeport, paye tant bien que mal ses impôts. Il tient au statut de son île, déclare facilement que ce qu'il a, il ne l'a volé à personne, et revendique que la Martinique "c'est à moi" (cé ta moin)

    le "patayo": Martiniquais de souche ou "négropolitain" revenu au pays, il travaille (si l'on peut dire) dans une collectivité municipale, départementale ou régionale, ou encore est "fonctionnaire" de "l'Administration". Il revendique avec force les 35 heures, touche les 40% de vie chère, avec lesquels il investit dans l'immobilier défiscalisé. Lorsqu'on lui reproche d'en faire le moins possible, il répond avec fierté que ce que lui donne l'Etat (ou les collectivités) - c'est à dire l'argent des autres - est en fait la "réparation", qu'il considère comme un dû, bien que ni lui ni son grand-père n'aient jamais été les esclaves de personne. Il râle contre la vie chère que son propre salaire a aidé à créer, fustige la "justice" mais se comporte en tyran avec ses locataires pauvres, invective l'artisan qui travaille pour lui, ne paye pas ses factures et malgré tout roule dans des autos haut de gamme, le plus souvent fabriquées en Allemagne. C'est le partisan idéal et incontournable des évènements de février. Sa revendication consiste à rejeter ce qui ne lui ressemble pas: "Matinik cé pa ta yo" : la Martinique ce n'est pas à eux. Mais il ne dit pas qui son les "yo"... on se doute qu'il parle des "tamoin", mais ce n'est jamais clair ... quand à dire que ce sont les tanou, il s'en défendra toujours, respect de castes oblige ...

    le "tanou": Martiniquais de souche, souvent xénophobe "par le haut" (il est allergique à toute concurrence), le tanou est ancré depuis des siècles sur les roches visqueuses qui bordent l'île, souvent face à l'atlantique. Le tanou sait saisir les opportunités, traquer les monopoles, et surtout s'en servir. Il connait les rouages du commerce, les leviers des subventions, les ploiements nécessaires aux obéissances serviles, les mots endormeurs pour les politiques, les acquiessements aux promesses sociales, mais il sait surtout le sens des flux économiques. Il dit oui aux patayos pour augmenter les salaires, du moment que ce n'est pas lui qui débourse l'argent, et du moment que cet argent se retrouvera de toutes façons dans ses affaires, magasins, grande distribution, entreprises de services. Le tanou a le menton haut, la sympathie du requin, et se targue d'une chevalière portant des armoiries souvent ramassées dans les poubelles du royaume de france, seigneuries ou baronnies balayées par les guerres et la révolution, dont la particule n'a pas plus de valeur que la voiture allemande que conduit avec fierté le patayo d'en face, que le tanou lui a vendue, bien entendu.

    Le tamoin représente la plus grande partie de la population. Il détient le pouvoir social et économique, mais il ne le sait pas. Il pourrait faire changer les choses, mais le temps qu'il devrait y consacrer mangerait celui qu'il consacre à son travail. Le tamoin est rustre, il n'aime pas trop la compagnie, se méfie des grandes messes et des foules. C'est ce qui fait sa perte.

    Le patayo représente le pouvoir social actif: les patayos ne sont pas nombreux, mais ils parlent fort, s'agitent souvent, et consacrent plus de temps à la gesticulation sociale qu'à la tâche que leur octroie leur condition professionelle. Comme il ne travaille pas beaucoup, le patayo a le temps de comparer comment vivent les tamoins et les tanous, et il ne comprend pas bien comment ils arrivent à être heureux alors qu'ils travaillent plus que lui. Le patayo est un as du rassemblement, il sait faire vibrer la corde de la solidarité et faire croire que ce qui est donné pour la "cause" est juste et sera tésaurisé au paradis des gogos.

    Le tanou a pour lui l'inertie immense des patayos et la faiblesse des tamoins: ainsi il peut faire tranquillement ses affaires, cibler ses victimes, et remplir ses poches tranquillement. Le tanou utilise la Martinique comme une mine, mais il a placé ses interêts ailleurs, à Paris, en Chine ou aux USA. Le tanou passe ses dimanches à attraper son cancer de la peau en grillant sur le roof de son bateau, sait faire des réunions secrètes, sait tenir sa langue, sauf quand il a trop bu après avoir été invité par des journalistes de "là-bas". C'est un spécialiste des contre feux et des diversions, un homme de l'art, que Machiavel aurait pu citer.

    En février 2009, les patayos ont lancé une révolution: ils voulaient que les tamoins continuent à travailler, mais en leur donnant le fruit de leur travail, et que les tanous continuent à les fournir en denrées alimentaires et autres, mais sans faire fortune.

    Ce fut un échec.

    (fin du premier épisode)