
la plage de Robinson - Page 16
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le plaisir et la paix
"mange pas trop vite, et aide ta maman à faire la vaisselle " .... alors elle répond, agacée, en se retournant vers moi "mais oui, papa ! " en appuyant bien sur les "p", comme si elle voulait envoyer des postillons de salive, avec des yeux pleins de colère, puis, elle se retourne encore pour me montrer son dos et le fuselage de ses jambes, reprend le torchon et essuie une assiette, puis une autre, puis une autre, qu'elle empile une fois sèches avec bruit sur la paillasse de la cuisine. Sa mère m'a jeté un coup d'oeil, elle préfère s'eclipser, elle quitte la cuisine avec un sourire triste vers moi, puis elle ferme doucement la porte. Dania est fatiguée, ce soir, elle gronde dans sa tête comme un volcan enervé. Soudain, elle pose le torchon et l'assiette qu'elle tenait, s'appuie des deux mains sur la paillasse, et je vois ses cheveux qui s'enfoncent dans son cou, sa tête qui se penche, son corps qui est secoué par des sanglots. Je me suis approché, j'ai posé ma main sur son épaule, mais elle l'enlève, elle me dit "laisse moi, vaï, laisse moi toute seule", et moi je lui réponds doucement "mais toute la cuisine va s'écrouler si je m'en vais ! " et j'attends...
Alors, elle se retourne, elle me regarde, avec les trainées des larmes qui ont laissé des marques brillantes sur ses joues. Elle me regarde fixement avec son menton déformé par le chagrin et la fatigue, son regard dure un peu, puis d'un coup, elle m'enfonce ses deux poings sur le torse, puis elle m'enlace en me disant " ma, comment je fais avec toi, je ne peux même pas pleurer sans que tu me fasses rire, neh ? " et elle se met à rire dans mon cou, et moi je sens le mouillé de ses larmes qui fait glisser son nez contre ma peau. j'ai mis mes bras autour de ses épaules et elle se niche contre moi comme un oiseau. Alors je ferme les yeux, essayant d'imprimer ma mémoire de ces instants, comme si ces moments de fusion, de pureté, devenaient brusquement les sommets d'un bonheur que nous serions les seuls à connaître.Elle me dit, en murmurant: "alors, c'est comme cela que tu confonds le plaisir et la paix ?".... je ne dis rien, je ferme encore les yeux, en sachant que maintenant elle me regarde par en dessous, elle suit mes paupières fermées, le contour de ma bouche, elle passe le bout de son doigt sur le profil de mon nez, avec la légèreté d'une plume. et là, avant de libérer mon étreinte, je lui dis dans un souffle ... "oui" .(c) Pablo Robinson - Les songes de Dania -
un jour à Vérone
les ruines s'élevent comme des restes de l'orgueil du monde, et en dessous, les yeux levés vers le ciel, ils contemplent les pierres levées, équilibre précaire solidifié par les siècles, la sueur et les sacrifices des esclaves de toute la méditerranée. Ils s'étonnent dans le froid du soir de la lumière particulière que le soleil couchant pose sur la ville, pendant qu'une voix s'élève au centre de l'arène et chante la prière de l'adieu aux armes, une voix aigüe, forte, sensible, qui fait cesser les paroles, et qui rebrousse les poils sur les bras. Certains laissent monter les larmes, qui s'écoulent, glacées, sur les joues. Et toi, je te regarde, et tu me regardes aussi, et dans tes yeux je lis une détresse grande comme la détresse du monde, au milieu de Vérone, au milieu de la foule. Tu as fourré tes poings fermés dans tes manches, tu es raide et debout comme un morceau de bois, tu trembles de froid, et tu me regardes avec des lames d'acier et des larmes d'eau dans tes yeux. Elle a cessé son chant. un silence encore et la foule crépite en applaudissements, en sifflets de reconnaissance, en liesse de retrouver après cette terrible mélopée la douceur de vivre, le sourire de l'amour, la main chaude sur la joue, la main caressante qui fait mourir tous les cauchemars ......
(c) Pablo Robinson : Un jour à Vérone -
voeux 2007
Le sable mouillé et noir de l’île me gratte les pieds. Un crabe minuscule joue de ses pattes, pendant que je regarde l’horizon, le dos contre l’écorce du cocotier, la main en visière. Je scrute l’éventualité d’un mât au loin, le jet de vapeur d’une baleine, le saut d’un dauphin, une sirène qui viendrait s’échouer peut-être là, juste pour moi. Lena* me trotte dans la tête sans me lâcher, avec ce mot là, JUSTE .. Et quand je me suis assoupi, lassé de faire la sentinelle, elle me dit dans mon rêve :
« ils construiront un monde de justesse et de justice, de sagesse et de sérénité... tu te souviens ? » Oui, je me rappelle. Mais la justesse et la justice, hein, c’est pas marrant. La justesse des gestes et celle des mots, c’est si difficile, on est si peu sûr d’avoir le tact qu’il faut pour tenter la vérité sans blesser, pour convaincre sans ordonner, pour servir sans obliger. Quant à la justice ! Les évènements de l’année reviennent à ma mémoire, si plein de troubles, si plein de peine…
« Etre juste, c’est mettre devant soi ce qu’on est, le poser devant l’autre, et mettre entre les deux des points de droit, des équilibres, pour que rien ne penche, pour que rien ne chute, de soi ou de l’autre. La justesse procède de ce fil qui relie le monde de chacun au monde des autres. Juste tu es si tu acceptes autant que ce que tu donnes, sans croire que l’offrande fait de toi un vassal. Juste tu es si tu retiens la haine jusqu’à comprendre les gestes de l’autre, si tu gardes dans le silence les plaintes de ton cœur malgré l’injustice, si tu tais tes convictions de juge, si tu recherches avec d’autres la vérité des faits, le sens de leur cause, et finalement si tu rends aux victimes leur droit à la justice.
Recueillir celui qui est abandonné, défendre celui qui frappe à ta porte et que d’autres ont chassé, protéger le droit à vivre , le droit au rire, combattre l’indifférence, la tête haute avec la fierté d’être humain, d’être solidaire : cette justesse là te donne la force d’aimer.
Retiens le regard de celle qui te cherche dans la foule, car elle a vu dans tes yeux ce qui pourrait apporter le contrepoids de son malheur, comme tu compenses par tes regrets les fautes qui pèsent sur ton coeur. Ainsi tu comprends : tout acte dans l’univers participe de l’équilibre de chaque chose, pour que tout soit juste, de cette justice de vie, de cette justesse des hommes, en harmonie autour de toi… C’est cela que je te souhaite, jusqu’à mon prochain retour… »
Pablo Robinson
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la mort du tyran
Je pensais à Jamillah (voir les LCE, Jamillah) ce matin, à ses yeux verts restés magnifiques dans ma mémoire. En écoutant la radio et les infos qui annoncent l'éxécution de Saddam Hussein, me reviennent les images des Kurdes de Haj Humran ou de Salahaddin, les bergers de Swara Tuka et leurs flûtes doubles en roseau, collées avec du bitume ramassé sur les lèvres des champs de pétrole de Kirkouk, les femmes aux habits colorés qui ramenaient le bois mort récolté le long de la rivière. Je me dis que la plupart d'entre eux ont disparu maintenant, gazés par les bombes chimiques de Saddam, et que je suis peut être le seul à conserver des images en souvenir de ces pauvres gens. Ce qui est définitivement absurde dans la mort, c'est d'y perdre les bonheurs qu'on a perçu dans la vie, notre incapacité à retenir cette énergie fugace qui domine toutes nos volontés et qui fait de nos souvenirs des endroits de regrets, des points de résilience ou des cordes de nostalgie auxquelles on s'attache parfois pour ne pas sombrer...
Il est deux heures du matin à Bagdad, et celui qui fut un monstre redevient un enfant et se surprend à croire aux fées, au père noel, à la grâce divine, à Mickey et aux personnages de Wald Disney. Il se passe fréquemment la main sur le cou, et ses doigts ne rencontrent que sa peau rapeuse et mal rasée. Quelquefois il pleure en silence, en se demandant comment il en est arrivé là. Encore quelques heures, et dans un brouillard de somnolence, de faiblesse et de fatalité, il sortira au petit matin dans la cour de la prison, montera hébété sur les marches de bois, d'un bois frais cloué à la hâte pendant la nuit, sans que personne ne puisse être là, sinon des bourreaux anonymes, des caméras braquées avec leur petite lumières rouges allumées. Un imam dira une prière, puis le sol se dérobera d'un coup, comme une balle traverse la nuque, comme un poison entre dans les poumons, comme une bombe éclate, comme tous ceux dont il a pris la vie, avec violence ou avec patience, tous ceux qui l'attendent dans le grand rien, il s'étirera jusqu'à la brisure de son cou, jusqu'au tremblement ultime, et nous regarderons en silence l'homme mourir et le tyran disparaître, en silence encore après la mort, recueillis non pas au souvenir de sa vie, mais à celle de ceux dont il aura été le destructeur, l'oméga sans but, les poings fermés dans les poches, avec une grande douleur dans le coeur, pour tourner une page douloureuse d'un livre qui n'est pas fini...
(c) Pablo Robinson-12/2006
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D comme dépression
Il en est mon frère de la dépression comme d’un long voyage. Marcher sans arrêt, un pas après l’autre, pendant des années, suivre des routes qui ne sont pas nôtres, des chemins de traverse obligés, longtemps suivis par des temps concentrés, des temps d’amour et des temps de haine, des chemins de nuages, où la terre est sentie, mais où elle n’est pas vue, des pas en aveugle avec la main tendue vers un inconnu qui nous guide là où l’on ne connaît pas.
Puis peu à peu le corps s’essouffle, l’esprit n’est plus là. l’on se prend de lassitude à force de marcher ainsi sans connaître la route, à perdre l’horizon d’un paysage sans brouillard, on se lasse de tout. Encore des pas à poser sur un sol sans nom, des ornières boueuses à longer sans faillir: puis vient la première chute.
Et d’un coup, les émotions te noient, tout devient trop dur, un geste de compassion, un regard de pitié, un rire dans le dos et la foule qui passe, lente et dense, imprécise et silencieuse. Les larmes qui montent à chaque honte sentie, à chaque trahison de ces nerfs qui lâchent. Des rages sourdes de violences contre soi, de menaces internes pour croire qu’on va vaincre, des batailles perdues à vouloir se parfaire.
Ce long chemin d’une pente aride, à comprendre enfin que l’esprit est infirme, qu’il faut marcher humble, à petits pas comptés, accepter de soi la limite du temps, un pas après l’autre, une main en avant, sans orgueil pour monter un peu, et sortir de ce trou. Et ainsi apprendre du temps la maîtrise du corps.
Un matin le soleil ne se lève pas pareil. Il est un peu plus jaune, un peu plus chaud, un peu plus prés: les pas de chaque brassée de volonté sont un peu plus sûrs, un sourire s’esquisse quand l’esprit se libère, et arrive un peu de guérison, un peu de vaillance retrouvée. Mais le temps a passé, et le combat a duré. Il reste des forces à quérir encore pour se sentir à nouveau homme, aspirant pour sa force les forces d’alentour, laissant à d’autres de perdre à leur tour la quiétude de soi.
Ce combat-là, mon frère, si tu le gagnes, il fait de toi un homme, plus humble que les saints, plus fort que les puissants, plus pur que les enfants...
(c) Pablo Robinson 12/2006
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lettre d'un innommable à un trou du cul
Monsieur le trou du cul.
Vous ne m'en voudrez pas d'attacher un tel adjectif à votre identité, mais eu égard à la consistance et à l'odeur de ce qui sort de votre bouche, je ne vois pas, de ma part d'innommable, d'autre nom à vous affubler.
Je suis né de Blancs, comme vous le dîtes. Leur origine pourrait être Africaine ou autre, mais puisque vous avez ajouté le mot blanc en balance au mot Africain, je vous prends au mot, et je découvre avec vous que les Blancs ont une origine géographique au même titre que les Africains, lesquels, pourtant, ont des couleurs de peau multiples et des coutumes ou des habitudes sociales diverses dont l'origine ne saurait être liée à la couleur noire, mais bien à des histoires et des légendes à la hauteur de ce qui fait notre monde. Et de ces couleurs de peau, je me fous royalement, sachant que puis l'aube de l'humanité, la sexualité reproductrice de la gent humaine s'est depuis longtemps débarrassée de ce détail pour préserver l'espèce, ce qui prouve encore plus que la peau n'est pas affaire de race, mais de contexte génétique dont le code n'est en rien discriminatoire pour en faire une nouvelle génération.
Donc, foin de votre racisme au vitriol, vous êtes vous même le fruit d'utéri successifs dont personne n'a à déterminer la couleur, du moment que vous avez une identité humaine, à la nuance près que si les autres fruits humains se comportent comme tels, vous, vous semblez renier tout ce qu'il y a de plus beau et de plus pur dans l'humanité: l'amour, la solidarité et la tolérance.
Je n'étais pas innommable à ma naissance, mais j'en ai pris la couleur et le caractère. Non seulement en frottant ma carcasse aux soucis de la Vie, mais aussi en pélerinant autour du monde, et -nous y voilà-, particulièrement en Afrique et au Moyen Orient. J'ai pu traverser dans mon espace-temps des confrontations africaines où les massacres se faisaient à la machette ou au marteau de soudeur (coté pointu d'un coup sec à l'arrière du crâne), ou encore par des bombardements irakiens sur les populations kurdes, laissant des milliers de morts empoisonnés, ou encore aujourd'hui, par des festins de guérillas dont les victimes pourraient être nos cousines germaines mutuelles, le Darfour étant considéré par les plus éminents paléontologues comme étant le berceau de l'humanité, dont vous et moi ne sommes que les pâles rejetons.
Il y a quelques années, lors d'un voyage pour le moins touristique en Palestine-Israël ou Israël-Palestine (on ne saura pas le vrai nom de notre vivant, n'est ce pas ?), j'ai visité un mémorial (Yad Washem) consacré aux victimes du nazisme, et je pris ce jour là une grosse baffe dans ma figure de nommable, en découvrant que 160 personnes portant mon nom avaient été avalée par le Moloch Baal nazi, et depuis ce temps erraient sous forme gazeuse autour de notre planète (la vôtre et la mienne).
Du coup, sans y chercher une "histoire" ou un "prétexte", je me suis mis une peau d'innommable sur le dos, espérant avec ce manteau de gloire et de force, pouvoir comprendre de l'intérieur comment on fait pour vivre dans un monde fait de rejet et de haine. Comprendre que le but ultime de nos vies n'est pas dans nos vies, mais ailleurs et plus tard. Employer nos forces pour gravir avec intelligence les degrés difficiles de la vie sociale, en cherchant une place utile dans les puzzles de la société, en y puisant les ressources nécessaire pour y survivre et s'y faire reconnaître et, comme les alchimistes autrefois, y apporter en échange équivalent les biens et les services que ladite société est susceptible d'attendre de soi.
Je n'aurais rien d'autre à ajouter, convaincu dans tous les cas, qu'à moins d'un miracle bien catholique, je doute de changer votre vision de la vie et votre approche de l'humanité, sachant que vous préférerez toujours ceux qui se remplissent les poches à dire du mal des autres à ceux qui se les vident pour les aimer (les autres). Si vous pouviez vomir vos récents propos, vous auriez l'occasion de faire le voyage inverse à celui qui vous a amené à être si près de votre sortie, et ainsi redonner à votre bouche une place de choix au milieu d'un visage d'humain.
Pablo Robinson (c) 12/2006 -
les andouilles
Une andouille, c'est fait avec des boyaux de cochons. d'abord on les vide au jet sous pression, puis on les échaude, afin de les débarrasser de toutes les cochonneries qui sont dedans. quand ils sortent de la grande marmite à vapeur, on les appelle alors des "chaudins". Après on les enroule en commençant par un bout pour aller à l'autre bout. Pour faire l'andouille, on commence par prendre un petit intestin grèle, qu'on bourre de chutes avec des épices, et sur lequel on "chausse" un autre intestin puis un autre puis un autre et ainsi de suite jusqu'à obtenir un genre de saucisse de 1m à 1.80 de long, d'un diamètre de 8 à 15 cm. Quand on a fini de faire l'andouille, on la met au fumoir pendant 24 à 48 heures, puis on la vend aux touristes...
En Bretagne, faire l'andouille permettait de récupérer toute la tripaille du cochon, lequel, comme aujourd'hui dans beaucoupe de pays pauvres, représente la "caisse d'épargne " familiale. Et comme il n'y avait pas de fumoir dans chaque masure, les andouilles étaient suspendues dans la cheminée, oû elles étaient à l'abri des prédateurs (mouches, rats, enfants affamés, maris grognons et amants à fringale) et oû elles prenaient leur goût tout en séchant, leur avenir de conservation étant garanti par la bonne fumée des bois de chataigner qui chauffaient la maisonnée. L'andouille de Guéméné est fabriquée et séchée de manière traditionelle sous cette forme, ce qui prend du temps et assèche fortement le produit, d'oû son prix élevé et la couleur noire de sa "robe". Les andouilles modernes sont chaussées précuites et "finies" dans des fours fumoirs en quelques dizaines d'heures, avec en prime un contrôle qualité qui garantit la propreté du produit et son absence de bactéries fécales (ce qui n'était pas le cas dans le passé)....Il existe de nombreuses sortes d'andouilles, des grandes perches à walkmann incorporé avec boutons d'acné sur la figure en option, des petites avec de grosses lunettes qui savent tout avant de savoir pisser, des grosses qui bouffent n'importe quoi en décrétant que ça fait du bien par oû ça passe, et un nombre incalculable d'andouilles ordinaires, qu'on rencontre le plus souvent le long des autoroutes entre le 1er juillet et le 31 aout (précisément), et qui ont la particularité de cumuler les couches de bêtise et de couennerie, d'oû leur appellation finale.Enfin, et ce n'est pas tout, on a découvert depuis quelques années une nouvelle variété d'andouilles, lesquelles sont affublées d'un bout de plastique sur le coté du visage, et n'ont de cesse de causer dedans à longueur de temps, sans se rendre compte que les mots qu'elles égrennent leur coûte une fortune, mettant en danger leur pécule, sans oublier qu'elle le font dans toutes les circonstances, y compris en conduisant un véhicule, à tel point qu'on se demande comment le gouvernement a pu délivrer des permis de conduire à de telles engeances .... -
La lettre à Lucia
Chère Lucia
Ta lettre est sur mon bureau depuis ….. et elle me nargue. Oui, j’ai été surpris de ta décision. Oui, tu imagines que j’avale pas ça comme ça. Moi aussi, j’ai « bourlingué » dans des communautés religieuses et des monastères, en croyant que j’avais « trouvé » …. Mais il fallait à un moment que j’arrête de me mentir et de jouer un rôle, de me croire imprégné de …. Mais de quoi au fond ? Dieu , c’est si facile à dire qu’on l’a trouvé dans le dénuement, dans « les autres », les choses faciles du rapport des hommes et des femmes. Vivre aussi dans cet « écart » de la vie : vie monastique, vie d’ascèse, loin du frottement des autres vies, loin des réalités de la haine, du rejet, de la concurrence, de l’orgueil, de l’amour de soi devant l’amour des autres. Ma confession va te surprendre sans doute, mais elle est le fruit d’une (très) longue méditation, qui m’a fait faire presque le tour du monde, et presque le tour de la vie. Te dire que je l’ai cherché partout, ce Dieu là … oui. Dans les yeux de tous, les grands, les petits, dans tes regards et ton sourire, dans les bras qui s’ouvrent, dans la vie qui grouille aussi bien ici qu'ailleurs . Je l’ai cherché dans le silence du désert, dans la pénombre des forêts vierges des tropiques, au clair de lune au milieu de la mer, sous la pluie battante des automnes de la Brie, dans les bousculades des gares et les attentes d’aéroports. Je l’ai cherché dans les cris de mes enfants au sortir du ventre de leur mère, dans l’amour donné et cherché partout où je le peux, dans la compassion muette ou douloureuse, dans la tendresse donnée et reçue….
Mais je me sens toujours orphelin de ce Dieu là. Je mentirais en disant qu’il m’a parlé un jour, ou que j’ai « senti » sa présence. Ma foi est pauvre, indigeste, elle me rend triste de ce mensonge auquel j’ai cru, auquel j’ai tant donné, sans rien recevoir, pas même le frémissement de quelque chose. Oui, j’ai cherché aussi dans les textes, dans les livres, ceux qui m’ont été enseignés chez moi, et ceux que les autres lisent. J’ai essayé les prières orientales, les traditions du Sud. J’ai cherché dans la physique, les mathématiques, la thermodynamique, la littérature, mais rien n’y fait… pas un bout de témoignage que l’obéissance à l’Eglise porterait comme un baume dans mon âme. Voilà comment j’écris aujourd’hui que « l’homme a inventé l’éternité parce que son intelligence refuse de disparaître », voilà les mots que je prête à Lena Socksann pour dire mes vœux. Lucia, nos sens et notre conscience dirigent plus nos pas qu’une hypothétique présence divine qui ne se manifeste pas vraiment, qui ne dit son nom (hyaveh – je suis) qu’à travers l’unique emprise de sa réalité par le seul imaginaire humain, qui fait graver sa réalité dans la légende orale, elle-même sujette à la littérature « magique », à l’imaginaire merveilleux, au « dessin animé du pseudo divin ». Toute la tendresse et la consolation que tu reçois, ce sont tes sens et aussi ton imaginaire qui donnent à ton cerveau les moyens de les ressentir, comme le bonheur de croire que la vie se « simplifie » dans une communauté où tout le monde s’efforce de croire la même chose…. Il viendra même un moment où tu imagineras que le frottement de ton apprentissage avec la réalité « des autres » sera une « épreuve » , alors que ces « autres » ne sont que le reflet de la réalité humaine. Et Jésus ? son histoire n’est elle pas, à travers la sensibilité de saint Jean, l’expression de ce frottement entre la réalité de notre humanité et notre « espérance » permanente , qui finit par nous tuer, qui finit par manger toute cette attente, jusqu’à douter de la plus forte des convictions, celle du « père, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Je n’ai pas plus ou moins de conviction. Je navigue dans mon doute, en cherchant auprès de tous la consolation que je n’aurais pas à chercher si ce Dieu-là était vraiment là, près de moi, s’il me faisait comprendre une fois pour toute sa réalité. Mais ….
Alors je fais comme je peux pour croire à la réalité de cet Amour, dans les faits, chaque jour, avec des gestes refaits par tant d’hommes et de femmes depuis l’aube de notre monde humain : donner avec mes sens, mon intelligence et mon corps à mon âme ce que mon âme attend, et jouir quelquefois de ce qu’un miroir me renvoie un éclat de cet amour qui me brûle parfois, un sourire d’enfant, un geste, un regard, une complicité, un instant qui me fait fermer les yeux en voulant très fort qu’il ne s’arrête jamais, ce moment-là . Mais mon cheminement est sans doute sombre, mes songes me font marcher avec difficulté sur un chemin poussiéreux, et des fois je tends mes mains dans la nuit tropicale, en cherchant comme un aveugle cette réponse qui n’est pas venue, pas encore …
Debout, mais aveugle, et je crie, et des échos de ma voix me reviennent, qui ne portent pas autre chose que ma voix, étouffée et lointaine, alors que le reste de la création vaque à sa destinée, roche contre roche, atomes divaguant au gré des aléas thermiques, feuille poussant après feuille, cellule après cellule, tant que…
Faudrait que je vienne faire un tour, comme tu dis. Tu dois être heureuse comme tes mots le disent. Ça te va bien ce bonheur-là. Et s’il ne dure pas, je ne serai pas loin, tu le sais. Et puisque tu t’y consacres, je sais que tu penseras à mes mots, et ta prière me fera comme un baume, et moi je saurai ton espérance…
Robinson
24.01.2002
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La poule de Robinson
vous n'êtes évidemment pas des naufragés.
moi, si.
A ce titre, j'ai quelques théories d'avance sur le commun des mortels, et en particulier sur l'art de philosopher sur l'oeuf et la poule, et de savoir si définitivement l'un serait arrivé avant l'autre. Car sur mon île déserte (enfin plus maintenant n'est-ce pas ? ) il se passe des choses bizarres.
un matin, lors de mon jogging habituel sur la plage, je suis tombé pile sur un oeuf. Ceci amène la première affirmation devant témoin. l'oeuf est apparu en premier. Remarquez, j'imagine mal une poule débarquer sur mon île avec un oeuf sous le bras, juste pour me contrarier... quoique ...
Bref, comme un père attaché aux intérêts de ses enfants, je pris l'oeuf et le rapportai à mon carbet, afin d'y trouver un havre de couvaison qui satisfasse la gent ailée qui devait s'y loger. j'installai la trouvaille dans un nid de brindilles et de kapok, et laissai à Jupiter, ou à quelque autre dieu solaire, le soin de pourvoir à ses besoins en calories.
Après quelques semaines, revenant de mon jogging matinal sur la plage je vis au loin dans la direction de ma maison un nuage de fumée s'élever au firmament. Etonné par tant de cuisine, je me rendis sur place et découvris mon carbet en ruines fumantes, et près du désastre, une poule sans plumes, sans bec, mais pourvue d'une queue fourchue et d'ailes de chauve souris, qui crachait du feu comme un âne qui pète.
Point n'était possible, sur une île pareille, de douter un instant que l'oeuf eût changé de nature entre le moment de sa trouvaille et les premiers craquement de sa coquille, laquelle semblait en tous points conforme à la norme ITX 286
695, qui calibre et filtre tous les oeufs que notre bêtise humaine voit passer sous ses yeux...à savoir, conforme en tous points à la matrice anale d'une poule commune de poulailler.
J'en tirai la conséquence que si les oeufs donnent des poules qui ont des dents, crachent du feu, dont un exemplaire de la bestiole que j'ai sous les yeux, alors les hommes savants sont vraiment idiots de croire que ces oeufs sont susceptibles d'avoir une poule comme mère, et de croire que les animaux nés de tels oeufs peuvent avoir de pareilles poules comme descendants...
Amen
Rob (c) 02/2006 -
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Voeux 2005: des suites de l'amour
Léna Socksann* revint en songe une nuit de décembre.
« De mon univers du Grand Rien, d’où seule ma pensée peut se transmettre, j’envie vos mains qui caressent, vos lèvres qui embrassent, vos cœurs qui battent et se serrent pour l’amour d’un autre, vos gorges qui rient, vos yeux qui pleurent. J’envie vos élans de tendresse ou de désespoir, vos pas qui crissent dans la neige ou dans le sable du désert, vos bras qui serrent et étreignent d’amour, vos ébats pour créer la vie, vos regards de joie ou d’inquiétude. De loin je sens de vous les forces dont vous ne savez pas l’importance et qui vous font maîtres de l’univers.
De tous les fardeaux que portent les hommes, l’amour n’est pas le plus lourd. Il crée les liens, organise les réparations de la douleur et de la souffrance. Il fait naître des enfants, assez faibles et petits pour provoquer la création des sceaux de la compassion entre les humains. Et ils y puisent leur propre force de survie. Tu verras dans les temps à venir des mains s’ouvrir tout autour de ta planète, par compassion et solidarité pour ceux qui souffrent et crient dans le silence. Et ceux qui croient être les maîtres du monde en vivant pour leur ventre verront leurs stratégies réduites par les plus petits et les plus faibles. Rien ne peut arrêter ce qui a été et sera toujours l’essence de votre humanité.
Les grands s’inquiètent des évènements qui troublent la quiétude planétaire, mais ils oublient les enfants qui les regardent ; ils ont en eux l’innocence et l’amour. Ton monde en compte six cent dix sept millions, qui ont moins de 7 ans, et ils savent choisir entre ceux qui les aiment et les autres.
Moi je ne suis rien, une entité oubliée et nomade dans l’éternité ; si tu savais comme je rêve de bercer l’un de ces petits dans mes bras imaginaires, comme je voudrais arrêter le temps à ce moment de bonheur, compter mon cœur battre contre le sien, tenir mon souffle comme il respire, reconnaître dans ses yeux le reflet de moi-même, lui transmettre enfin tous mes rêves et toute mon espérance.
Et de cet amour construire un univers vivant ; bâtir des maisons, ébaucher des voies, enchaîner les existences les unes aux autres, et enfin donner un sens à la vie. Dans ton sommeil, tu sentiras la Voie Nouvelle qui réveille les sens et donne la parfaite cohérence entre tous les évènements qui entourent la vie et les êtres humains. De toutes les actions des hommes ne peut naître que l’amour.
Sois fier de cette force qui rassemble ce qui est disséminé, qui rapproche ce qui est lointain, et qui, finalement intègre les vrais arguments de la vie au sein de la communauté des hommes.
Protège par ton courage ceux que la nature met sur ta route et pour lesquels tu ressens le besoin de compassion, sans taire le cri qui est en toi, sans remord de tes gestes pour l’autre.
Porte au devant de toi cette promesse de solidarité. Elle ne donnera pas l’éternité à ton corps, mais pour le temps que la vie te donne, elle te fera porter tes efforts en instants de bonheur, en plénitude de tes actes, en assemblée de gestes communs, solidaires, durables.
Une espérance naît, là, pendant que tu dors, qui appelle désespérément à changer la direction des pas des hommes, à les conduire non vers eux-mêmes, mais vers les autres…
Six cent millions d’enfants attendent ton sourire, un peu de temps que tu leur donneras, et surtout l’amour que tu portes en toi….
S’ils attendent des vœux, alors dis leur cela…»
Avec les meilleurs vœux de Robinson
* retrouvez les voeux de Léna Socksann sur www.robinsondesiles.com