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les songes de Dania

  • le plaisir et la paix

    medium_will-boguereau-premier-baiser.jpg"mange pas trop vite, et aide ta maman à faire la vaisselle " .... alors elle répond, agacée, en se retournant vers moi "mais oui, papa ! " en appuyant bien sur les "p", comme si elle voulait envoyer des postillons de salive, avec des yeux pleins de colère, puis, elle se retourne encore pour me montrer son dos et le fuselage de ses jambes, reprend le torchon et essuie une assiette, puis une autre, puis une autre, qu'elle empile une fois sèches avec bruit sur la paillasse de la cuisine. Sa mère m'a jeté un coup d'oeil, elle préfère s'eclipser, elle quitte la cuisine avec un sourire triste vers moi, puis elle ferme doucement la porte. Dania est fatiguée, ce soir, elle gronde dans sa tête comme un volcan enervé. Soudain, elle pose le torchon et l'assiette qu'elle tenait, s'appuie des deux mains sur la paillasse, et je vois ses cheveux qui s'enfoncent dans son cou, sa tête qui se penche, son corps qui est secoué par des sanglots. Je me suis approché, j'ai posé ma main sur son épaule, mais elle l'enlève, elle me dit "laisse moi, vaï, laisse moi toute seule", et moi je lui réponds doucement "mais toute la cuisine va s'écrouler si je m'en vais ! " et j'attends...
     
    Alors, elle se retourne, elle me regarde, avec  les trainées des larmes qui ont laissé des marques brillantes sur ses joues. Elle me regarde fixement avec son menton déformé par le chagrin et la fatigue, son regard dure un peu, puis d'un coup, elle m'enfonce ses deux poings sur le torse, puis elle m'enlace en me disant " ma, comment je fais avec toi, je ne peux même pas pleurer sans que tu me fasses rire, neh ? " et elle se met à rire dans mon cou, et moi je sens le mouillé de ses larmes qui fait glisser son nez contre ma peau. j'ai mis mes bras autour de ses épaules et elle se niche contre moi comme un oiseau. Alors je ferme les yeux, essayant d'imprimer ma mémoire de ces instants, comme si ces moments de fusion, de pureté, devenaient brusquement les sommets d'un bonheur que nous serions les seuls à connaître.
     
    Elle me dit, en murmurant: "alors, c'est comme cela que tu confonds le plaisir et la paix ?".... je ne dis rien, je ferme encore les yeux, en sachant que maintenant elle me regarde par en dessous, elle suit mes paupières fermées, le contour de ma bouche, elle passe le bout de son doigt sur le profil de mon nez, avec la légèreté d'une plume. et là, avant de libérer mon étreinte, je lui dis dans un souffle ... "oui" .
     
    (c) Pablo Robinson - Les songes de Dania

  • un jour à Vérone

    medium_italie_01_07_024.jpgles ruines s'élevent comme des restes de l'orgueil du monde, et en dessous, les yeux levés vers le ciel, ils contemplent les pierres levées, équilibre  précaire solidifié par les siècles, la sueur et les sacrifices des esclaves de toute la méditerranée. Ils s'étonnent dans le froid du soir de la lumière particulière que le soleil couchant pose sur la ville, pendant qu'une voix s'élève au centre de l'arène et chante la prière de l'adieu aux armes, une voix aigüe, forte, sensible, qui fait cesser les paroles, et qui rebrousse les poils sur les bras. Certains laissent monter les larmes, qui s'écoulent, glacées, sur les joues. Et toi, je te regarde, et tu me regardes aussi, et dans tes yeux je lis une détresse grande comme la détresse du monde, au milieu de Vérone, au milieu de la foule. Tu as fourré tes poings fermés dans tes manches, tu es raide et debout comme un morceau de bois, tu trembles de froid, et tu me regardes avec des lames d'acier et des larmes d'eau dans tes yeux. Elle a cessé son chant. un silence encore et la foule crépite en applaudissements, en sifflets de reconnaissance, en liesse de retrouver après cette terrible mélopée la douceur de vivre, le sourire de l'amour, la main chaude sur la joue, la main caressante qui fait mourir tous les cauchemars ......

    (c) Pablo Robinson : Un jour à Vérone