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la plage de Robinson - Page 7

  • Révolution

    Ainsi se font les révolutions : elles commencent par de petits gestes, dans des recoins obscurs, avec des hommes sincères et des femmes courageuses. Ce sont eux qui impriment par leur tâche têtue mais consciencieuse les feuillets qui crééront les aubes de demain.

    (Robinson des îles – noce d’algies ®2021.

  • le jour le plus court

    NBYK7654.JPGLa mort nous confronte toujours brutalement aux mystères de la biologie. Les gens intelligents ne se satisfont jamais des explications spirituelles ou métaphysiques. Ils dévient rapidement dans les hypothèses d’un Dieu qui est « tout et essence même de la vie » selon Spinoza, ou pire, vers l’absolu du néant, ce qui n’est pas fait pour répondre aux sourdes interrogations que pose l’absence. Le silence nécessaire à la réflexion sur ce sujet a besoin de lumière, de calme, de compréhension et de beaucoup de respect de soi et d’autrui.
     
    La création étant une et indivisible, les animaux qui nous accompagnent en faisant aussi et surtout partie, il n’est logiquement pas possible de faire une «différence » entre leur sujétion à notre égard et ce sentiment émotionnel qui nous habite, qu’on appelle l’amour, même si ce mot signe la vulgarisation que l’on porte au miracle permanent de notre existence.
     
    Demain, 22 décembre, nous aurons l’illusion dune renaissance, la longueur du jour augmentera de quelques secondes, mais ce n’est qu’une illusion de plus, un tour que nous joue notre intelligence, ce ne sera qu’un effet de rotations de sphères autour d’une étoile, celle qui tourne autour d’un trou noir lointain, au centre d’une petite galaxie perdue dans l’immensité de l’univers.
     
    Et malgré tout cela, quelques signes tracés sur la vitre d’un ordinateur sont capables de rassembler des âmes qui ne se sont jamais rencontrées.... c’est cela notre espérance.

  • Epitaphe pour ma maman

    épitaphe,mamanNaître en décembre 1929, avec le destin de traverser le siècle le plus extraordinaire de l’humanité, ce n’était pas gagné.

     Ton père, officier de réserve, se retrouve prisonnier sur parole quand tu as 12 ans.

    Quand tu as 15 ans, nous sommes en 1944. Tu t’inscris comme volontaire de la croix rouge, et à la libération, tu rejoins les scouts et les guides qui accueillent les prisonniers et le peu de déportés qui reviennent des camps. Tu en garderas un souvenir ému et traumatisant.

     Mais la guerre a créé une parenthèse dans tes études, et comme les autres filles de ta génération, il vous faut vous débrouiller pour trouver votre place dans une société meurtrie, aux infrastructures détruites, sujette à de profondes cicatrices sociétales face à la barbarie, d’où qu’elle ait pu venir, avec un bagage scolaire limité et fortement dénaturé par 4 années de collaboration d’état, sans diplôme.

     En 1946, tu fais une formation de monitrice, puis d’éducatrice, avec dans l’idée de prendre en charge les orphelins de la guerre.

     Tu rencontres Joël, jeune éducateur, en 1949, mais il part faire deux années de service militaire au Sénégal et revient en 1951. Pendant ce temps, vous construisez votre relation d’amour, des vraies fiançailles par correspondance. Vous avez tous les deux 22 ans.

     En janvier 1952 vous vous mariez, pour pouvoir bénéficier d’un logement de fonction en seine et marne et de postes d’éducateurs, loin de vos familles respectives.

    Puis nous arrivons, nous, tes enfants, au gré des années. Tu deviens mère au foyer, avec un mari qui renonce aux richesses faciles de la vente d’assurance pour revenir dans l’aventure de la sauvegarde de l’enfance. Cette vie de renoncement ne te quittera plus, elle deviendra un apostolat fait d’humilité, de discrétion, mais aussi de ténacité et de volonté farouche pour arriver à concilier l’éducation de 5 garçons et d’une fille avec les aspirations sociales qui avaient fait de papa et toi un couple de l’aventure humaine.

     De Rozay-en-Brie à Voisenon, puis à Dammarie-les-lys, puis à Rubelles, nous avons grandi et poussé, parfois avec difficulté, souvent sans comprendre les non-dits de vos orientations sociales, celles de papa et les tiennes.

     Avec les tempêtes de l’adolescence, nous nous sommes envolés un à un vers nos propres destinées, attentifs les uns aux autres, mais souvent incapables de traduire les silences et les attitudes que nous percevions de vous deux.

     Cependant, la flamme continuait à brûler silencieusement : la participation aux foyers Notre Dame dans les années 60, animés par le Père Caffarel, vous apportait le soutien moral que vous ne trouviez pas ailleurs. Puis la participation au mouvement « couple et famille » pour l’aide aux couples en difficulté.

     Mais nous étions trop jeunes encore pour comprendre l’importance que l’écoute et le soutien pouvait apporter aux personnes perdues dans une société qui commençait à dériver.

     Puis, à la fin des années 70, nous avons commencé à quitter le nid. Tu as eu plus de temps pour te consacrer à ta vocation, tu as été repérée par la préfecture pour être déléguée départementale à la condition féminine à partir de 1975, et le travail impressionnant que tu as accompli a été souligné par la remise de la médaille du mérite, décernée par François Mitterrand le 14 mai 1991. Tu es restée à ce poste jusqu’en 1995.

     Hélas, le 20 février 1993, papa nous quittait. Un monde s’est écroulé, le tien.

     Tu es restée seule et farouche, consommant ta peine comme un secret, refusant que nous entrions dans ton univers d’émotions et de douleurs.

     Tu as repris la tâche de contrôleur judiciaire que papa avait accepté, jusqu’à ce que les forces te manquent pour supporter tous les drames que ta tâche te faisait croiser.

     Puis l’insidieuse maladie a commencé, avec les trous de mémoire, l’oubli des rendez-vous, l’agressivité de plus en plus évidente. Il a fallu la diagnostiquer puis la soigner, autant que cela était possible.

    Nous avons veillé sur toi, nous t’avons protégé, nous t’avons visité autant que nous le pouvions, malgré les difficultés et les restrictions de ces derniers temps.

    Nous n’avons jamais assez parlé de cette œuvre discrète que tu as entreprise depuis ta jeunesse, à tel point que rien ne nous a permis de mesurer l’importance qu’elle avait eu dans ta vie, comme un filigrane invisible et constant, une ligne permanente que tu suivais dans ton silence têtu.

    Aujourd’hui, je suis ici près de toi, mais toutes celles et ceux que tu as aidé et qui sont ailleurs n’ont pas oublié tes conseils, la qualité de ton écoute, tes regards, tes actions.

    Nous avons tous suivi tes pas, sans pourtant que tu nous dises ta fierté de voir que finalement nous étions aussi tes enfants à travers nos apostolats divers : éducateurs, psychanalyste, organisateur d’aide humanitaire, psychologue, professeurs, avocats.

    Tes enfants et tes petits-enfants n’ont jamais entendu tes dires sur ce qui faisait marcher ton âme, mais nous avons compris que malgré tout ce que nous coûtait affectivement tes actions, cela avait un sens.

    Nous voyons chaque jour autour de nous les détresses des hommes, des femmes, des enfants, et parfois elles nous interpellent avec tellement d’insistance qu’il nous suffit de penser à ce que vous faisiez, papa et toi, pour qu’à notre tour nous prenions le relais.

    Cette longue vie humble et besogneuse trouve son origine dans la Foi et l’obéissance aux principes que Dieu propose aux hommes. Tu n’y as pas failli, même si parfois les aléas de la vie te poussaient à la colère ou au désaccord.

    Je sais maman que tu as toujours « prié dans ton cœur » pour chacun de nous, sans nous le dire, mais avec la ferveur toute discrète qui te caractérise.

    Maman.

    C’est avec ce mot et tout ce qu’il porte d’affection et de tendresse que je veux te dire au revoir. Cette affection que tu as partagée avec tant de personnes sans jamais leur dire ce qu’elle était, cette tendresse dont nous attendions l’exclusivité mais que ton cœur a voulu donner au plus grand nombre.

    Aujourd’hui, tes six enfants, tes 23 petits-enfants, et tes 28 arrières-petits enfants portent en eux, consciemment ou non, ce que tu leur lègues: l’amour du prochain.

     

  • confinement, jour 27

    confinement,code pénal,otages,israel,france,plaies(13/4/20).

    En Israël, j'accepte le confinement car la demande a été faite avec intelligence et le contrôle également. On trouve des masques pratiquement partout, on peut se faire tester si on a un doute. La police est compréhensive et intelligente:

    - elle ne sanctionne pas inutilement le couple qui s’aère quelques poignées de minutes,

    - elle respecte le statut difficile de ceux qui doivent se déplacer,

    - elle n'empêche pas les gens d'aller travailler lorsque cela est indispensable,

    - elle ne sanctionne pas le vieillard qui va faire ses courses à pied,

    - elle ne chasse pas le travailleur social qui livre à domicile...

    Et pourtant Israël est un pays qui est constamment menacé, et qui est toujours en état de guerre. Rien que pour cette dernière raison, la demande du premier ministre est acceptable, et elle est acceptée par la plus grande partie de notre population.

    En France, le confinement est devenu le fait du prince, une dictature policière molle où la force publique s'est aveuglée d'un bandeau sanglant et répressif, sans recours pour se protéger, sans intelligence de ceux qui doivent l'organiser.

    - Sanglant par les blessures faites depuis des mois aux personnes qui manifestent pacifiquement leur désaccord sur les décisions iniques et incompatibles avec le bien-être des personnes.

    - Répressif par les punitions financières et physiques faites à des personnes qui sont dans leur droit humain.

    Le confinement ne peut pas être une ordonnance ni un décret, car il est incompatible avec l'article 13 des droits de l'homme et du citoyen, y compris en période "de guerre"... Sauf que ni la France ni l'Europe n'ont fait de déclaration de guerre à qui que ce soit. Nulle agression sur le territoire, nulle armée en vue.

    Article 13 des droits de l'homme.
    - Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État.
    - Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.

    Le confinement est un procédé "d'acceptation tacite" par la population, et pour cette raison, il ne devrait pas faire l'objet de sanctions punitives, ni financières, ni physiques, sauf lorsqu'il y a une réelle mise en danger de la vie d'autrui. Mais dans ce cas, la police doit prouver que la ou les personnes impliquées sont malades ou porteuse de contagion. Ce qu'elle n'a jamais fait, car elle ne dispose même pas des moyens nécessaires pour le faire: tests et équipements de protection !

    Lorsque le confinement n'est plus une "acceptation tacite" mais devient une contrainte dictatoriale soumise à des sanctions de police, cela devient une prise d'otage à domicile.

    La prise d'otage est réprimée par le code pénal : "Prise d'otage (224-4 du Code pénal) : 30 ans de réclusion criminelle mais la peine est de 10 ans si la personne a été relâchée volontairement dans les 7 jours, sans que la condition ou l'ordre n'ai été exécuté."

    Le fait du prince qui oblige la population au confinement sous répression de police ou de violence (physique ou financière sous forme d'amendes) n'a pas d'autre définition qu'une prise d'otage (personne retenue sous condition répressive)...
    Et obliger la population à devenir les otages du prince jusqu'au 11 mai dépasse largement les 7 jours...

    Au-delà ce cette colère qui me ronge (ce soir plus encore !), je m'interroge.

    J'ai l'impression de vivre au temps de Pharaon.

    Après avoir durci la corvée, et malgré les avertissements, il refuse de plier (d'écouter).
    Les premières plaies arrivent.
    Il reste sourd encore.
    D'autres plaies surgissent...
    Jusqu'au jour où l'Ange passe et agit, sauf chez ceux qui ont écouté la voix portée par le bègue Moïse...

    La France risque bien d'être en état de guerre pour la prochaine plaie, en guerre contre son peuple.

  • confinement, jour 22, 23, 24, 25, 26

    (du mercredi 8 au dimanche 12/4/20)
    Bon, mercredi soir, c'était le seder de Pessa'h. Je ne pouvais pas écrire. Jeudi, pareil. Vendredi soir c'était shabbat, et samedi pareil. Et j'avais encore une boule de colère qui roulait sur mon clavier. Elle m’empêchait de penser. Ces jours sont des jours si importants pour le Monde.
    - ils montrent aux nations que leur destinée ne leur appartient pas et qu'elles doivent revenir à l'ordre qui gère l'univers,
    - ils montrent aux enfants d’Israël que Celui qui les a guidé, malgré leurs trahisons, leur nuque raide, et tous les avertissements qu'ils avaient reçus, depuis Our jusqu'à Jérusalem, Il tient toujours ce qu'Il a promis,
    - ils montrent que la verticalité qui nous lie au cosmos n'est pas une affaire de religions, de dogmes, mais de fidélité et d'assurance que nous ne sommes ni seuls, ni maîtres...

    Et puis j'ai pensé à celles et ceux qui attendent un message, un réconfort, une parole, un lien du sensible qui traverse les nues, le temps, et la solitude: elles et ils se reconnaîtront: Bernard, Margot, Arlette, Richard, Soraya, Juan, Isaac, Danielle, Colette, Myriam, Emmanuelle, Rachel, Capucine, Catherine, Philippe, Jean-François, Alexandre, Dania, Mario,Thierry, Hervé, Marion, Esther ... et tant d'autres.

    Ces jours extraordinaires nous révèlent tant de choses de nous-mêmes et de vous, que nous n'osons pas encore comprendre, que nous ne voulons pas encore voir. Je ne sais plus que dire. J'ai envie de me taire et de vous écouter. La douceur de vos voix, les traces écrites que vous rendez magiques, vos gestes, au loin, les danses de vos doigts quand vous fabriquez des volumes pour les mots qui n'existent pas, mais que voudriez murmurer ou crier. Et même lorsqu'ils dansent sur vos claviers, leurs hésitations, leur douceur et leur force pour dire vos colères vos rêves ou vos tourments.

    Ce qui va venir changera tout de ce que nous sommes. Nous allons découvrir que ce que le passé nous a laissé, la vérité, est la seule réponse que notre connaissance peut accepter de manière définitive et éprouvée à nos interrogations. La vérité deviendra le tremplin de notre imaginaire, et non le contraire. L'imaginaire est la base de notre futur.

    Sans rêve nous ne pourrions bâtir, sans imagination nous ne pourrions rêver.

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  • confinement, jour 21

    (mardi 7/4/20).

    Volets fermés. Ce matin, c'est jojo le boucher qui m'a réveillé. Je rêvais d'avoir encore 14 ans. C'était les vacances de Pâques. Mon père avait acheté quelques années auparavant un hameau en ruine dans un village perché et perdu aux confins de la Drôme, et nous avions pris l'habitude d'y passer nos vacances, toutes nos vacances, mes quatre frères, ma sœur, ma mère et moi, et parfois mon père, quand il pouvait en prendre.

    J'avais déjà pris le pli de voyager seul en train. A cette époque, un enfant de mon âge pouvait traverser la France, tout le monde s'en fichait. J'avais pris le soir un train de banlieue pour aller de Melun à la gare de Lyon, puis j'avais couru jusqu'aux grandes lignes avec le sac à dos de scout de mon père sur le dos, pour attraper de justesse le train de nuit qui allait terminer sa course fumante à Gap. Dans les secondes classes à l'heure des vacances scolaires, les compartiments étaient bondés, et nous faisions souvent le voyage dans le couloir, entre les valises, les cigarettes des fumeurs et les odeurs de la fumée du charbon envoyée par la locomotive...

    Je me réveillais par moment, ankylosé par les crampes à force d'avoir dormi à petite vitesse sur le sac à dos, lorsque le train commençait à faire l'omnibus entre Valence et Gap. Vers 6h, il faisait sa courte halte à Luc-en-Diois, juste le temps de sauter sur le quai vide, puis repartait en soufflant sa vapeur vers les montagnes. Il faisait froid et la nuit pesait encore sur le village silencieux. J'entendais crisser mes pas sur le gravier qui bordait la rue entre la gare et l'arrêt du car . L'air sentait le bois brûlé dans les cuisinières et les cheminées. Je m'asseyais sur la marche du marchand de journaux pour attendre le vieil autocar que conduisait le père Bouffier.

    Il arrivait par la route de Die, ouvrait la porte latérale avec le grand levier qui jouxtait son siège, prenait une botte de journaux qu'il posait devant la porte du magasin, puis me laissait monter dans son univers vide, encaissait en silence les quelques nouveaux francs du passage, puis fourgonnait dans ses manettes pour arracher l'engin au silence du village. Parfois un berger ou un paysan était endormi plus en arrière. Moi je restais devant pour voir la route défiler, regarder la montagne se réveiller en montant le col, admirer dans les lacets de la route les engradements de lumière sur les parois abruptes des cicatrices qu'avaient laissé les glaciers au flanc des à-pics. Le père Bouffier ne parlait jamais. D'ailleurs c'était écrit au-dessus du pare-brise de l'autobus: "défense de cracher - défense de parler au chauffeur".

    La halte du village d'Establet approchait, le jour avait pointé sur les sommets. Le car s'est arrêté en face de la poste du village, a déposé deux colis: le sac postal, maigre, et moi, presque aussi maigre que lui. Une fois le car parti, il régnait un silence de montagne et d'aube. j'hésitais à prendre le petit chemin qui allait vers la maison. Mes chaussures de citadin étaient vite trempées par la rosée, mais je m'en fichais : avec le jour, le parfum des violettes et des primevères envahissait l'air pur, saoulait ma fatigue de la nuit, me donnait l'impression d'entrer dans un autre univers, plein de sérénité et de béatitude.

    Tout le monde dormait. Depuis que nous venions ici, j'avais colonisé un vieux pigeonnier avec mon frère aîné, et nous y avions installé des lits picots que mon père avait déniché je ne sais où. Je m'étais déshabillé dans le froid du matin, et je m'étais glissé dans mon duvet pour m'endormir. Le soleil commençait à rosir le sommet d'en face ... La fatigue de la nuit faisait siffler mes oreilles dans le silence...

    J'ai mis du temps à me réveiller.
    Le martin pêcheur jojo a fini sa mélopée matinale.
    Ma chérie a appuyé sur un bouton, le volet s'est ouvert sur une grisaille matinale...
    ah oui ! c'est vrai. le confinement...

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  • confinement, jour 20

    (lundi 6/4/20).

    Aujourd'hui c'était la journée vitres. Je m'explique. Mon ange d'épouse chaque année fait le grand ménage de Pâques, et là, on est en plein dedans. En général elle en profite pour "ranger" (mot pudique pour faire disparaître des choses que je veux garder mais qui ne sont pas "utiles" à ses yeux) mes affaires dans des cartons, qui, si je n'y prends pas garde, finissent irrémédiablement dans une benne loin de mes yeux, surtout si je ne suis pas là. Mais là, revenu de mon isolement, je veille.

    Pour me distraire (de ses investigations, et pas pour égayer ma journée, hum !), elle m'a chargé de "faire les vitres". ha ha !! On reconnait après 43 ans de mariage les étranges spécialités qui sont les miennes: récurer le cul des casseroles et nettoyer les vitres. Depuis que je suis petit, j'ai toujours été impressionné par les laveurs de carreaux. Entre ma mère qui y allait au papier journal et à l'eau savonneuse et les laveurs de vitre des grattes-ciel avec leur coup de patte magique, j'ai appris à me confectionner la panoplie parfaite du vitrier rénovateur. le modernisme a également apporté des outils quasiment parfaits pour cette tâche autrefois ingrate et maintenant aussi respectée que le statut d'instituteur dans les villages de Provence. une cuvette de la taille de la raclette en silicone, remplie d'eau légèrement savonneuse, une éponge montée sur un manche, du type de ce qu'on utilise pour les pare-brises de voiture, une raclette en silicone avec un manche court, et une étoffe en matière non tissée et c'est parti. Comme je dis toujours, le diable se cache toujours dans les détails, et c'est là que réside le secret du travail bien fait... Elles y sont toutes passées, les vitres. dehors, dedans, et surtout sur les bords. La maîtresse de maison est contente, mais elle regarde à deux fois avant d'ouvrir la baie vitrée de la véranda: elle ne sait plus si elle est ouverte ou fermée.

    Bientôt, l'espace va se fermer un peu plus. Mercredi, on ne pourra plus sortir de chez soi, pour la première fois dans le pays. Mercredi soir ce sera le seder de pessah (le repas rituel de la pâque hébraïque pendant lequel on relit la sortie d'Egypte). "Nuit de protection de l'Eternel pour les faire sortir du pays d'Egypte: c'est là, la nuit de l'Eternel pour la protection des enfants d'Israël, pour leurs générations" (Exode, ch 12, verset 42).

    Une phrase qui me fait frémir... Le confinement passé nous a fait sortir de nos routines, de nos envies matérielles, de nos passions inutiles, de notre "Egypte"... Et voilà que dans deux jours, "la nuit de l'Eternel" protégera les enfants d'Israël.
    Qui sait ce qui va arriver d'ici jeudi matin ?

    https://www.ina.fr/video/VDD09016091

     

  • confinement, jour 19

    (5/4/20).Dimanche.

    Ici, d'habitude c'est le premier jour de la semaine. La machine économique devrait se remettre en marche. Mais aujourd'hui rien. Pas un bruit d'enfant qui part à l'école. Pas de portes qui claquent et de voiture qui démarrent dans le quartier. Un vrai bruit de désert. Les oiseaux du coin font ce qu'ils peuvent pour combler ce silence. Jojo le boucher (il a reçu ce nom car ce martin pêcheur est un massacreur de nids), perché en haut de l'eucalyptus, envoie ses triolets en descendo, comme un muezzin du haut de son minaret. Les piafs se chamaillent autour de la vasque du jardin pour s'approprier les miettes déposées là après le petit déjeuner. Une tourterelle met fin aux bavardages, picore, boit un coup et repart sur la branche voisine. Elle a attendu que les autres se taisent pour y aller de sa roucoulade...

    Mon ange a posé ses ailes dans la salle de bain et a décidé de tout ranger dans la maison. On se croirait dans Blanche Neige ou Cendrillon. Je me suis rapidement réfugié dans mon bureau. Ici, internet facile, j'arrive à mettre à jour tout ce qui se bloquait à l'autre bout du monde, et à me débarrasser de messages concernant la nouvelle-Zélande, maintenant que le master robot à lunettes a compris que je n'y étais plus. Mais il n'en rate pas une et a remplacé les pubs en anglais victorien par les messages hébraïques qui n'ont aucun rapport avec Moïse ou ses descendants.

    Je furète sur le net pour avoir des infos pertinentes sur la situation. Comme disait mon regretté professeur d'anticipation politique, Franck Biancheri, ce n'est pas en première page qu'on trouve les données les plus intéressantes... Par exemple ce qui se passe dans les pays d'Amérique du Sud... on est loin des chiffres "officiels": à Guayaquil, les gens brûlent les cercueils dans les rues, faute de services municipaux pour ramasser les cadavres. Au vénézuela, 65 % des hôpitaux n'ont pas d'eau courante, le personnel de santé nettoie les locaux avec des seaux d'eau sans détergent ou chlore. Seulement 10 % des hôpitaux ont mis en place un protocole pour traiter des patients contaminés par le coronavirus c19... Et nous sommes encore qu'au début de l'infestation dans ces pays. La gestion de la pandémie dans les pays de l'hémisphère Nord, malgré un manque évident d'anticipation, a provoqué des réactions plutôt salutaires, même si l'autisme caractériel de certains gouvernements a retardé gravement la mise en place des bonnes pratiques. Dans le Sud, par contre, s'ajoute à l'inconscience des gouvernants la pauvreté logistique et technique des infrastructures. Le résultat sera probablement une catastrophe...

    Deux cent soixante quatorze amis sur ce site... et à peine une dizaine à réagir à ma prose prisonnière du quotidien. 3% de réactions, c'est peu. Alors je suis allé en parler avec Brigitte. D'accord, elle ne parle pas. Mais elle m'écoute.

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  • confinement, jour 18

    (4/4/20). Hier, j'étais arrivé avec mon bouquet dans ma voiture et mon bonheur sous le bras. Celui de retrouver les miennes, épouse et fille. Mon bonheur s'est effiloché comme une ficelle usée. Une bassine déguisée en pédiluve m'attendait derrière la porte du jardin, je devais enlever mes chaussures et les passer à l'eau de javel, mettre mes vêtements dans la machine à laver. L'étreinte dont j'avais rêvé (ces bras qui s'ouvrent et qui enferment le héros qui revient de la bataille, avec un rire aux dents blanches et un baiser de tendresse) s'est dissoute comme le savon que je devais passer sur mes mains. Pas question de bisous. Distance de sécurité. La maison ressemblait maintenant à un jeu de chaises musicales, mais ce n'était pas les chaises qui manquaient, c'était les effusions de tendresses. Un retranchement généralisé derrière la crainte de la vilaine chose qui envahit le monde. Tous ensemble, mais loin de tous. Car ne pas caresser une joue à portée de main, ne pas embrasser le fruit de ses jours à portée de lèvres, ne pas pouvoir enlacer celle qu'on aime et qui est là, juste tout près, c'est être loin.

    Je me suis endormi comme une saucisse dans un hot-dog. Roulé sur moi-même, devenu soudain sourd et aveugle, dans mon coin du lit, vexé d'avoir rêvé à d'autres retrouvailles que la situation sanitaire a rendues insupportables. Je suis (re)devenu autiste. Je me suis relégué dans un monde étanche, aseptique, inaccessible, tant que cette misère d'amour persisterait à nous gâcher la vie.

    Ce samedi, le Livre. Une échappatoire. Tsav. (Lévitique, chapitre 6 à 8). Tsav: "ordonne..." On découvre le détail des offrandes, leurs types, comment elles doivent être présentées. Et Moïse, qui doit consacrer son frère aîné Aaron et ses fils les "enfants de coeur" (Ben levi'im en hébreu), les oblige à rester confinés 7 jours à l'entrée de la tente d'assignation (qui est en fait le Temple pendant toute la durée de l'éxode) "pour faire expiation" (chap.8/33)... Mais le verset 35 répète la sentence:" à l'entrée de la tente vous resterez jour et nuit et vous ferez la garde de l'Eternel, et vous ne mourrez pas, car c'est ainsi que j'en ai reçu l'ordre." Je suis retourné: deux versets qui parlent de 7 jours... 14 jours ? Et à quelle époque sommes-nous ? la même ! (le mois de Nissan) La fête de Pessah (pâque hébraïque) commence mercredi prochain, le huitième jour du mois. La relation avec ce qui se passe ici et maintenant est très troublante. Car dans le texte suivant (Chemini, le huitième jour), on assiste à la consécration de Aaron et ses fils, et à la manifestation de Elohim... Et on y apprend que plus un acte est sacré, plus il requiert une période de préparation morale et spirituelle importante. Et là, tout le peuple hébreu est requis de "rester à l'entrée de la tente (dans leur maison)" depuis sept jours...

    J'avais annoncé au mois de septembre 2019 que cette année 5780 serait celle de l'entrée du Monde dans le septième jour de la création (le vendredi soir de la création à 18h41, heure du coucher du soleil à Jérusalem le soir du 8 Nissan, soir du seder de Pessah), et de grands bouleversements montreraient au monde cet avènement extraordinaire. A la lumière des évènements qui nous entourent, je crois que nous sommes sur ce chemin.

    Le chat est resté sous la yourte. Les caméléons aussi. Notre chienne Françoise et sa copine Brigitte la tortue l'ont remplacées... Entre l'isolation et le confinement, je ne vois qu'une différence. L'amertume. Mais je ne fais pas ma promenade "autorisée" avec Brigitte. Elle est trop lente...

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  • confinement jour 17

    (3/4/20)

    "Hesguer". c'est comme ça qu'on dit confinement en hébreu... et dire que j'ai mis 17 jours pour le savoir !
    A ne pas confondre avec "bidoud", isolement...

    Aujourd'hui je déménage... En fait je quitte mon "bidoud" pour passer en "hesguer"... Dans les faits, ça ne change rien: rester dans l'espace d'habitation, sortie minimale pour faire les courses ou pour faire pisser le chien (ou la tortue ou le caméléon ou le crocodile - plus rare, mais on sait jamais...-)... Mais ça va tout changer: je ne serai plus seul, et mes relations humaines, jusque-là limitées à mes voisins dont la distance se mesurait en pas comptés vont devenir des relations de peau à peau, de souffle à souffle,dans un espace restreint où la promiscuité obligera à des concessions dont je me passais jusqu'à présent.

    Ma dernière mission en nouvelle-Zélande a duré un peu moins de deux mois. J'habitais un petit appartement, juste à ma taille de travailleur célibataire, un séjour avec coin cuisine minuscule, une chambre où mes deux valises ne se sentaient pas trop à l'étroit, et une salle de bain claire sur un parquet de bois exotique raffiné. J'y avais pris mes aises, sans faire d'autres concessions que d'aller rencontrer la vieille propriétaire une fois par semaine, le vendredi après-midi, pour mettre mon ballot de linge sale dans sa machine à laver chinoise. Ces machines sont construites sur le modèle américain et se chargent par le dessus. le mouvement circulaire de va et vient est assez surprenant pour nous-autres européens. Je me suis même dit qu'on pourrait bien y mettre son chien ou son chat à laver, tellement le mouvement semble inoffensif. L'animal en sortirait avec de sérieux vertiges, mais ne succomberait pas à la noyade...

    Donc j'y avais pris mes aises, retrouvées dans ma solitude de yourte, partagées ces derniers jours avec le chat sans nom, et chacun de nous savait très bien où se trouvaient les limites de son territoire. Bien que la faim de son coté et la curiosité du mien nous ait poussés à vouloir les franchir. Dans quelques heures, il faudra que tout cela s'efface et que cet espace que je m'étais approprié soit partagé. Mon ange d'épouse et mon autre ange de fille se sont, de leur coté approprié celui que j'ai quitté il y a plus de deux mois. Je sais qu'elles m'attendent, et elles savent que j'arrive. Par contre je ne sais pas encore comment elles vont m'apprivoiser...

    J'ai rangé mes deux valises qui m'ont suivi dans mon périple, sans avoir été perdues dans l'odyssée du retour. Elles sont dans la Jimny avec quelques boites de conserves que j'emporte avec moi. La route 40 qui traverse le pays du Sud au Nord est presque vide. Seuls des camions lancinent patiemment sur le ruban sombre. Je ne vais pas plus vite qu'eux, avec l'impression de me glisser dans une confrérie particulière de gens qui ont fait du voyage leur terre de jeux, de douleurs ou de passions.

    Je me suis arrêté sur le bord de la route, là où narguent des fleurs jaunes et  des mimosas en fleur dans ce décor monotone. J'en ai cueilli un gros bouquet. Je vais arriver à la maison...

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