les ruines s'élevent comme des restes de l'orgueil du monde, et en dessous, les yeux levés vers le ciel, ils contemplent les pierres levées, équilibre précaire solidifié par les siècles, la sueur et les sacrifices des esclaves de toute la méditerranée. Ils s'étonnent dans le froid du soir de la lumière particulière que le soleil couchant pose sur la ville, pendant qu'une voix s'élève au centre de l'arène et chante la prière de l'adieu aux armes, une voix aigüe, forte, sensible, qui fait cesser les paroles, et qui rebrousse les poils sur les bras. Certains laissent monter les larmes, qui s'écoulent, glacées, sur les joues. Et toi, je te regarde, et tu me regardes aussi, et dans tes yeux je lis une détresse grande comme la détresse du monde, au milieu de Vérone, au milieu de la foule. Tu as fourré tes poings fermés dans tes manches, tu es raide et debout comme un morceau de bois, tu trembles de froid, et tu me regardes avec des lames d'acier et des larmes d'eau dans tes yeux. Elle a cessé son chant. un silence encore et la foule crépite en applaudissements, en sifflets de reconnaissance, en liesse de retrouver après cette terrible mélopée la douceur de vivre, le sourire de l'amour, la main chaude sur la joue, la main caressante qui fait mourir tous les cauchemars ......
(c) Pablo Robinson : Un jour à Vérone