Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Giono

    L'automobile laissait échapper dans l’habitacle son odeur de voiture neuve. Giono s’était levé tôt, il devait travailler encore aujourd’hui pour finaliser un dossier malgré la migraine qui lui tenaillait encore  le crâne  depuis hier. Il n’en finissait pas de réfléchir à tous ces dossiers à préparer. Cela faisait plusieurs semaines qu’il était constamment occupé par la refonte de l'entreprise. Il avait fallu revoir de fond en comble l’organisation de la fabrication des machines, remettre en cause avec les employés de la petite usine les  habitudes gardées depuis des années. Giono s’en voulait d’être malade. Il voulait à tout prix démontrer à son père que c’est lui qui avait raison, et que la réorganisation de l’usine devait passer par des changements profonds, et que la concurrence ne leur ferait pas de cadeaux. Giono avait fait des études de planification industrielle pour reprendre quand le moment viendrait la petite usine que son père avait développée. Il fabriquait  des machines pour les charcuteries et les boucheries, des appareils à couper, trancher, cuire et dresser les viandes. Son père avait commencé en fabricant des appareils à couper le jambon en fines tranches, avec l’idée de développer son invention pour les producteurs de jambon de Parme. Ce qui n’avait pas tardé à se faire. Depuis, il avait développé de nouvelles machines, dans la grande tradition de la région industrielle. Beaucoup de bricoleurs des années d’après guerre avaient profité des accords avec les américains pour développer des petites industries qui fabriquaient des machines spécialisées pour envoyer au Etats-Unis. Des fours à pizzas, des meubles frigorifiques, des articles de cuisine et de conditionnement pour les applications alimentaires. Mais la récente ouverture des marchés asiatiques, la folle course aux prix, et par voie de conséquence l’abaissement de la qualité des produits fabriqués sous le sceau de la mondialisation avaient failli faire disparaître toutes ces petites usines de la région.

    Ce qui sauvait les petits fabricants comme le père de Giono, c’était finalement de pouvoir faire des produits de haute qualité pour des clients moins regardants sur le prix que sur la durabilité des machines qu’ils achetaient. C’est là que Giono voulait changer les choses. Faire des équipements haut de gamme, avec une qualité irréprochable et un service commercial digne des grandes marques. Il travaillait donc depuis des mois sur le nouveau catalogue, discutait des heures avec l’agence de communication qu’il avait engagé, et finalement avec aussi son père et l’équipe existante, peu encline à de tels changements, et inaccessibles aux risques que l’époque faisait peser sur leur avenir.

    Dania avait compris depuis plusieurs mois que le projet de Giono lui prendrait encore des semaines et des mois de travail, et qu’il ne serait pas aussi disponible qu’elle le souhaitait, comme le souhaiterait d’ailleurs n’importe quelle femme. Giono était bien conscient de cette difficulté, mais il ne sentait pas que cela remettrait en cause l’amour qu’il avait pour Dania, ni la fidélité qu’il lui sacrifiait, même si cette vertu est rarement exprimée chez un homme. Il pensait à ce mot sacrifice, car les tentations pouvaient être nombreuses. Les filles étaient belles dans le monde dans lequel il évoluait, il était beau garçon, avait une situation enviable, même si elle n’était pas encore assise et définitive. Mais Dania n’était pas pour lui une obsession, ni  une idée fixe. Ils se voyaient depuis 5 ans, ils avaient fidélisé leur amour avec le ciment de la régularité de leur rapports, même s’ils n’habitaient pas ensemble, même s’ils ne rentraient pas chaque soir dans la même maison, même s’ils ne dormaient pas dans le même lit. Giono sans tout à fait le dire avait placé sa carrière avant la création de son foyer, et chacun faisait semblant de croire que tout irait bien comme cela. Giono vivait comme tous les célibataires, en utilisant  les besoins de la vie comme des moyens de fusion, en croyant que cet échange artificiel de relations affectives et sexuelles pouvaient suffire à créer des liens durables. Giono ne pensait même pas qu’il puisse être père et mari. Son obsession du moment était son entreprise, il pouvait à la rigueur imaginer que son enfant était stigmatisé par cette chose  incorporelle que peut être la vision d’une entreprise, et la place de l’amour était inexistante dans un tel chantier de construction. Giono disait qu’il aimait Dania, mais la définition qu’il donnait à l’amour avait une allure trop matérielle et physique pour que Dania y prête l’attention que leur relation devait mériter. D’ailleurs, Giono n’aurait pas parié pour comptabiliser le temps qu’il consacrait en pensée à Dania, même si, lorsqu’ils étaient ensemble, il donnait l’impression de n’être là que pour elle. En fait, même quand ils étaient ensemble, lui, il était toujours dans son rêve de réussite sociale.

    Giono roulait vite, comme à son habitude. Il venait d’acheter une grosse Berline de marque italienne, avec des sièges en cuir beige, un moteur puissant et un habitacle silencieux. Il entendait à peine les bruits de l’extérieur. Perdu dans ses pensées et harcelé par son mal de tête, il ne fit pas attention au vélo qui arrivait, et il donna un coup de volant pour l’éviter au dernier moment. La voiture dérapa sur le bitume mouillé et finit par glisser sur le bas coté, sans dommages. Le type sur le vélo alla s’affaler dans le champ à coté, se releva avec un juron, et, après avoir redressé le guidon, reprit son chemin comme si de rien n’était. Giono posa ses mains sur le volant, ferma les yeux pour se calmer, puis sortit de la voiture pour inspecter les dégâts. La voiture n’avait rien, elle avait juste glissé sur l’argile du bord de la route, et elle était enfoncée dans la terre du champ. Giono prenait son téléphone pour appeler son père quand une voiture de police passa et s’arrêta un peu plus loin. Un jeune policier sorti et vint lui demander ce qui se passait. Giono expliqua la situation, montra ses papiers. Le collègue du policier arriva à son tour, plus suspicieux. Il fit souffler Giono dans un sachet en plastique, puis contrôla le taux d’alcool, qui s’avéra négatif. Les policiers appelèrent une dépanneuse du village d’à coté, mais Giono dût attendre encore près d’une heure avant que sa voiture soit sortie du champ et qu’il puisse repartir. Pendant ce temps là il essaya d’appeler Dania sur son portable, qui restait muet. Giono ne s’en inquiétait pas plus que cela, il était plus de 10 heures, et le dimanche, Dania allait à la messe de son village avec ses parents.  Sur les coups de 11 heures, il put enfin reprendre sa voiture, après avoir versé un solide pourboire au chauffeur et remercié les policiers. Il arriva au siège de la nouvelle usine, ouvrit la porte, et s’enferma dans son bureau, tout au fond, là où il y avait un peu de chauffage électrique, un ordinateur et des moyens de calcul. Il commanda une pizza au restaurant de Gonzaga, puis il se mit au travail.

    Dans l’après midi, il reçu un appel sur son portable, venant de Marcello, qui lui demandait si Dania était avec lui. Il sentit de l’inquiétude dans la voix du frère de Dania. Il répondit qu’il était seul, et qu’il ne l’avait pas vu depuis 2 jours mais qu’ils s’étaient parlés hier soir. Giono avait de plus en plus mal à la tête. Il avait pris des comprimés de paracétamol, sans succès, sinon de lui avoir provoqué une suée qui avait trempé le maillot qu’il mettait sous sa chemise. Il avait eu l’impression de baigner dans son jus. Cela lui rappela d’une manière très fugace un souvenir très ancien où il avait mouillé sa culotte à l’école maternelle, sans le dire à personne, et qu’il était rentré à la maison en sentant son urine le brûler entre les jambes au contact du slip avec sa peau. Ce jour là, il sentait la même brûlure au niveau de sa ceinture. Le maillot devait être assez trempé pour l’irriter à cet endroit, pensa-t-il. Un peu plus tard, il fut pris de tremblements de froid. Il regarda le thermomètre posé sur son bureau. Il indiquait 23°, et Giono avait maillot (mouillé), chemise en laine, pull et écharpe autour du cou, et il avait froid. Il en conclut qu’il devait avoir de la fièvre, et il alla dans l’atelier, mit un jeton dans l’appareil de boissons destiné au personnel, et revint dans le bureau avec un thé fumant. Il devait absolument finir les textes sur les nouveaux catalogues, ajuster les dessins, vérifier les photos, pour que tout soit prêt pour lundi matin, de manière à ce qu’il aille directement à Parme voir l’agence de pub et traiter les commandes avant la fin de la journée. Le nouveau catalogue devait être fini avant la foire alimentaire de Parme, qui lui assurait les commandes pour presque le reste de l’année. L’après midi passa ainsi dans le silence. Giono aimait travailler comme ça, sans être dérangé par le téléphone ou par quelqu’un de la production. Il était têtu et ne décrocherait pas de son travail tant qu’il ne serait pas terminé. Mais le thé et les comprimés ne faisaient rien de bon. Vers cinq heures, il se senti mal, faillit tomber en se levant de son fauteuil, et se tint aux murs pour atteindre la porte. Il attendit un peu, retrouva un peu ses esprits, et tenta une nouvelle fois d’appeler Dania, sans succès. Il appela alors son père, chose qu’il détestait faire, pour l’informer qu’il n’allait vraiment pas bien. Son père, avec sa voix rocailleuse et basse lui proposa de venir le chercher, mais Giono refusa. Il promit  de reprendre un peu de force, de boire un autre thé, puis de rentrer.

    Une heure après, on vit la porte de la nouvelle usine s’ouvrir. Giono en sortit avec son cartable, pâle comme les pierres de la décoration. Il monta dans sa voiture et partit à petite vitesse.

    Giono conduisait de plus en plus lentement. Il entra en ville, suivit l’itinéraire pour aller chez lui comme un robot, appuya sur le bouton de la télécommande du portail, entra la voiture. Il habitait seul dans une petite villa bâtie au milieu d’un jardin d’ornement. Dania n’avait pas voulu qu’il arrache les arbres fruitiers qui étaient là lorsqu’il avait acheté ce terrain, mais personne n’avait ramassé les fruits et  le parfum des pommes tombées donnait un goût acidulé à l’air. Il entra, posa le cartable et s’affala dans le canapé. Le jour était tombé, il faisait sombre dans la pièce. Giono s’endormit presque tout de suite.

  • -2- Dania (3)

    2914af3ee174b6bfadf6a8fb5c68f65b.jpgElle pensa furtivement à cette phrase "je ne veux pas te perdre" .... Elle ouvrit les yeux. la musique avait changé, le CD était passé au concerto "il sospetto", l'ambiance n'était plus la même, Jerry avait repris une allure de peluche posée sur un lit, le jour était tombé, et Dania entendait des bruits de cuisine. Ses parents étaient rentrés sans qu’elle les entende, et eux n’avaient pas osé la déranger dans sa rêverie. Il était temps d'aller dîner. Giono allait venir la chercher tout à l'heure pour l'emmener au cinéma. Elle ne savait même pas ce qu'ils allaient voir. Elle ne savait même plus si elle aimait Giono. Elle posa Jerry sur le lit, essuya ses joues, se regarda dans la glace de la coiffeuse, prit son visage dans ses mains comme pour une prière, puis décida d'aller manger.

    Le dîner fut morose. Dania se sentait abandonnée, mais elle ne voulait pas le montrer. Juste comme elle allait rejoindre la salle à manger, le téléphone sonna. C’était Giono qui annonçait  qu’il ne viendrait pas, car il avait une crise de migraine et se sentait trop fatigué. Elle se doutait un peu du message, mais elle avait espéré encore sortir avec lui. Elle gardait tout cela dans son cœur, mais son père comprit et lui demanda si elle voulait rester avec eux pour la soirée. Dania prétendit que des amies l’attendaient à la salle des fêtes de Guastalla, et qu’elle s’était engagée à les rejoindre, avec ou sans Giono. Sa mère ne dit rien, mais elle n’en croyait pas un mot. Elle savait le désarroi qu’une jeune femme de l’âge de sa fille pouvait ressentir à rester « vieille fille » chez ses parents : elle ne dit rien, donc et ils la laissèrent partir au bal avec son vélo. Après s’être changée, elle mit sa veste blanche et sa grande écharpe jaune, récupéra son vélo dans la remise et partit pour le bourg. Les rues du quartier étaient éclairées, mais elle devait faire attention à traverser la voie de chemin de fer sans protections, puis à grimper la petite côte pour atteindre la route de Guastalla. Comme la plupart des routes de la plaine du Pô, celle-là était aussi juchée sur une des nombreuses digues qui surmontait la plaine, afin d’éviter le blocage des communications en cas de crue. Dania prit la route et arriva rapidement  à l’entrée du village par la Via Gonzaga. Elle s’arrêta au bar Ambrosia, regardant par la vitrine si elle rencontrerait quelqu’un de sa connaissance, mais le café était presque vide. Elle reprit son vélo et descendit jusqu’au café Mazzini, tout près de l’église. Elle y rencontra Alexandre, un copain de classe qu’elle n’avait pas vu depuis des années. Il lui offrit de prendre un café. Ils discutèrent un bout de temps, le temps qu’il soit l’heure d’aller à la salle des fêtes où se déroulerait le bal du samedi soir. Alexandre n’aimait pas et ne savait pas danser. Il déclina donc l’invitation de Dania, et elle partit en reprenant la Via Gonzaga jusqu’à la salle de bal. Sur la place, les groupes de jeunes  se formaient, puis entraient après avoir payé leur ticket, sous la garde d’un vieux bonhomme dont la femme sans âge vendait les billets derrière la vitre sale de sa caisse. Dania rangea son vélo, puis déroula son écharpe et entra à son tour, seule. La salle de bal était bruyante, on y sentait le tabac et la sueur ….

    Elle l'avait vu depuis son entrée. Les lustres désuets diffusaient une lumière blafarde et rose, qui donnait aux visages des reflets tristes. Dania s'était assise, comme la plupart des autres filles, sur une des chaises alignées sur le coté de la salle. Le parquet, usé par des générations de danseurs, luisait doucement dans cette fausse pénombre, et les garçons passaient lentement devant les filles, comme des maquignons à l'aune d'un marché, pour choisir leur cavalière, pour la prochaine danse, ou pour la soirée, et pourquoi pas pour la nuit, et si le miracle pouvait s'accomplir, pour une partie de leur vie à chacun d'eux.

     Dania les regardait par en dessous, sentant à leur passage l'odeur de leur sueur de travailleur ou le parfum trop fort de l'eau de Cologne que ces jeunes célibataires aspergeaient sur leur corps avant de venir. Elle regardait d'abord leurs chaussures, pour y déceler un minimum de propreté, une brillance du cuir ou le poli du cirage bon marché qui pourrait lui montrer qu'ils avaient fait un effort de plus pour venir danser. Ensuite, elle remontait son regard vers cet endroit du pantalon où les filles font semblant de ne pas regarder, mais où elles placent de secrets espoirs, diffus par la forme ou cachés par la honte, mais rendus ardents par des désirs inassouvis. Rien de particulier ne lui venait à l'esprit quant à cet endroit là, elle ne portait pas de jugement sur la sexualité de ce point de vue là au moins. Ensuite, elle cherchait les yeux de ces partenaires indécis, leur manière de la toiser, d'éplucher de son corps des avantages à leur mesure, de fouiller avec leur regard dans son corsage pour y trouver la naissance de ses seins, comme si  les renflements naissants de sa gorge pouvaient donner la mesure de sa capacité à être tendre, à embrasser, à chérir et à trembler pour un homme qu'elle aimerait. Elle cherchait leurs yeux, leur manière de planter les leurs dans les siens, leur regard fuyant sur le coté si elle les fixait, comme si la franchise de cet échange avait quelque chose d'indécent. Elle regardait aussi leurs mains, souvent cachées dans les poches des pantalons. A ceux-là elle ne répondrait même pas, considérant que ce sont les mains de ces hommes qui leur apprendraient d'abord ce qu'elle est, ses formes, ses rondeurs. Elle n'avait pas d'illusions sur la gentillesse de ces garçons, elle n'était là que pour chercher autre chose que la monotonie du travail ou de la famille, pour fuir quelques heures les contraintes d'une vie sociale rangée mais indécise, partagée entre le temps de travail et les devoirs ménagers, avec quelques exceptions  pour Giono, quand il était libre, ce qui l’empêchait de croire qu’ils pourraient construire un futur diffus et incertain, tant ils étaient séparés par l'espace et le temps, tant elle attendait de lui des gestes et des rêves presque impossibles.

     L'orchestre avait fini les musiques de prélude, ces musiques indansables, faites de morceaux inconsistants que les gens écoutaient comme s'ils étaient dans un supermarché. Les garçons n'en finissaient pas de passer devant elle, et elle ne se sentait attirée par aucun d'eux. Un moment plus tard, la musique lente d'un début de tango commença. L’ultime garçon arrivait, celui qu'elle avait vu de loin, le regard sombre, mais il donnait l'impression d'être beau ou propre, avec un costume clair que la lumière irisait. Il avait des chaussures en toile neuve, il la regarda en souriant, dans les yeux, sans perdre son assurance, comme elle aimait qu'on la regarde. Il ne baissa pas son regard vers son décolleté, et cela lui plût. Sans bien comprendre, elle se leva et ils se tendirent la main pour aller danser, sans un mot. Il la prit dans ses bras et ils commencèrent à danser doucement. La musique était faite de notes harmonieuses, douces, d’attente initiale,  et elles devenaient sensuelles, résolues, satisfaisantes.

     Elle ferma les yeux et se laissa emporter dans les passes de la danse. Elle sentait son parfum, qui n'était fait ni de sueur ni d'eau de Cologne, elle sentait ses mains dans les siennes, et elles n'étaient ni calleuses ni oppressantes. Elle le garderait pour toutes les danses de cette soirée là. Au moins.

    "Au moins quoi?" le garçon lui avait murmuré les mots en la retournant dans un paso doble, ce qu'elle avait apprécié, car le geste avait été doux et la courbure du corps que lui imposait la figure ne lui avait pas fait de mal, si bien qu'elle était devenue souple dans les bras du garçon tout en gardant sa maîtrise d'équilibre. Elle se demanda comment il avait pu deviner ce qu'elle pensait. Il dansait maintenant plus vite, suivant l'amplitude de la musique, mais il ne la quittait pas des yeux. Et ses yeux lui posaient encore la question: "Au moins quoi ?". Elle lui répondait dans un souffle "au moins pour toutes les danses de ce soir, s'il vous plaît." Alors il avait souri, d'un sourire de maître, en conquérant, et elle, elle avait pris ce sourire pour un acquiescement secret à plus loin que les danses...

     Les musiciens étaient partis boire de la bière, et les couples formés par les danses s'égayaient autour de la vieille bâtisse, au gré des bancs sous l'ombre de la lune. On sentait venir des champs l'odeur de la terre qui buvait la rosée, les effluves des vasières du fleuve, les fumets de pizzas des gargotes de la ville. Ils s'étaient éloignés un peu, bras dessus, bras dessous, sans parler, en se regardant avec des sourires, sans s'éloigner de la salle de bal, en attendant la fin de l'entr'acte. Les garçons de la campagne roulaient de vieux mégots en mouillant trop leur papier à cigarette, ceux de la ville offraient des cigarettes américaines à leur partenaire d'un soir, qui se cachaient derrière les platanes pour faire semblant de fumer, et faire croire qu'elles seraient à la hauteur des espérances partagées.

     Dania et son danseur, dont elle ne savait rien, avaient, eux aussi fui la salle maintenant enfumée, et s'étaient assis à une table de restaurant fermé. Elle avait pris les mains de son cavalier sur la table en fer, et elle lui souriait sans rien dire. "je m'appelle Malko, je viens d'arriver dans la région, et j'habite à Pomponesco". Elle continua à sourire. Elle n'aimait pas ce village bizarre de Pomponesco. Il ressemblait à une ville fausse, comme fabriquée de toute pièces, avec des rues à angles droits, son cours trop plein de soleil, et ses cités industrielles, sans doutes créées après la guerre.. Mais ça ne faisait rien. Son visage était doux, il penchait un peu la tête pour la regarder, et elle aimait ça. "Moi je travaille à Luzzarra, mais je vis ici, avec mes parents". Après un nouveau silence, elle murmura:"je m'appelle Dania. je m'ennuyais. Je suis venue voir le bal. J'aime la musique argentine." et lui, il la regarda plus profondément encore: " mon père est venu habiter là, car il a hérité de la maison de mon oncle. Il est à la retraite à présent, et moi, ça ne me fait rien de venir ici, je travaille avec une société de Rome, je fabrique des programmes informatiques, et je peux travailler à la maison". La musique reprenait. Elle se leva:"on y retourne ?". Il lui fit signe de la tête, et ils revinrent dans la foule pour de nouvelles étreintes, plus intimes, plus claires aussi. Elle sentait les cuisses du garçon se serrer contre les siennes, son torse s'appuyer contre ses seins, mais cela ne lui faisait rien de particulier, juste un peu de plaisir, comme un jeu subtil, où l'un et l'autre s'apprenaient, se jaugeaient, avec une fausse innocence, une fausse ignorance, mais un début de désir qui ne voulaient pas encore dire son nom...

     Lorsque la soirée prit fin, les couples se défirent sous les yeux des anciens. Les jeunes savaient bien que ces vieux-là n'étaient là que pour les épier et raconter plus tard le menu de la soirée, en n’oubliant pas de donner des noms précis, histoire de mettre un peu plus de confusion dans les familles des villages. Les filles quittaient les garçons avec des yeux embués de larmes, et les garçons repartaient en fumant, les mains dans les poches, par groupes, en parlant fort. Leurs voix résonnaient contre les murs des maisons hautes, et faisaient aboyer les chiens derrière les portes. La place était presque vide lorsque Dania et Malko sortirent. Il s'apprêta à la quitter en lui tendant la main, mais elle l'enlaça et elle l'embrassa longuement. Puis elle baissa la tête, et lui dit en regardant ses pieds: "va-t-en, maintenant, j'ai des marques de toi partout sur moi pour que tu restes sans être là. Je garde cette soirée dans mon livre de vie comme un rêve, et je voudrais l'oublier, mais ce sera difficile, alors pars maintenant, avant que naisse de nous une aventure qui pourrait nous faire du mal. Les gens d'ici sont cruels. Ils nous regardent. Ils vont dire des choses. Tout le monde ici le sait." Plus tard, elle se dira qu'elle ne l'avait peut-être pas dit, qu'elle l'avait pensé très fort seulement. Peut être elle ne l'avait même pas embrassé, d'ailleurs. Mais ça ne faisait rien, son corps, lui, ressentait le contraire.

     Il fit un geste pour remonter une mèche de ses cheveux. Il recula d'un pas, et, d'aussi loin, il lui murmura que la soirée avait été très belle, qu'il avait bien aimé danser avec elle, et qu'il la reverrait peut être, qu'elle ne se fasse pas de soucis, il était patient et n'était pas un garçon d'aventures. Elle le vit partir comme un fantôme pale dans la pénombre de la place, et la lune par moment le faisait réapparaître, plus loin, plus petit, jusqu'à ce que la rue l'avale pour toujours. Dania récupéra son vélo qu'elle avait rangé sur le coté de la salle des fêtes, débloqua la dynamo, et prit la route du nord pour rentrer chez elle. La nuit était devenue froide, les odeurs avaient changé, elle sentait les passages des fumées de charbon qui descendaient des cheminées, puis, au sortir du bourg, l'air plus pur de la campagne. La lumière du vélo faisait semblant d'éclairer la route qu'elle connaissait par coeur, la dynamo chuintait contre la roue, la rassurant un peu du vide de la nuit, et le vent lui glaçait les joues. Elle ne savait pas si c'était bien le vent ou si c'étaient les larmes, et elle ne savait pas si les larmes venaient du vent qui lui piquait les yeux, ou si c'était le regret d'un amour perdu ou d’un autre  à peine commencé. Elle cherchait dans le noir de la nuit la négation de son bonheur perdu, celui de son bonheur nouveau et naissant, tout en espérant très fort qu'il dure, qu'il grandisse,  qu'il éclate. Elle prévoyait déjà l'arrivée à la maison, descendre du vélo avant de passer la barrière, bloquer la dynamo, caresser le chien pour qu'il n'aboie pas, puis ranger le vélo sous la soupente avant de rentrer sur la pointe des pieds...

    On avait vu le vélo avec sa lumière blanche devant et la lumière rouge derrière, et l'écharpe jaune de Dania que tout le monde connaissait, et tout ça était passé sur la route surélevée, jusqu’au carrefour de Tagliata. Le chien n'avait pas aboyé.

  • -2- Dania (2)

    Le silence la réveilla, elle était trempée de sueur, malgré la fraîcheur de sa chambre. Elle se demandait ce qui se passait dans sa tête. Elle n'avait pas faim, plus faim peut être, trop troublée par le songe, trop perdue par ses sens. La nuit était profonde maintenant, les voitures ne passaient plus. Les voisins ne discutaient plus si fort en commentant la télé. Seule la plainte cristalline des crapauds du canal faisait tinter l'air froid de la nuit. Elle repensa encore longtemps à son rêve, longtemps après avoir pris une douche, longtemps après s'être glissée dans son lit froid et solitaire, longtemps après avoir regardé les photos collées sur le mur d'en face, jusqu'à ce que sa nuit la reprenne pour un autre voyage immobile, avec l'assurance qu'elle se réveillera encore pour un autre jour, pour un autre soleil, pour d'autres pluies, avec une espérance inouïe de croire qu'elle marchera vraiment sur les sables des îles, vers cet autre qui le la quittera plus jamais ....
    Le réveil sonnait depuis un moment. Dania émergeait d'un sommeil aveugle, abrutie par la fatigue de ne pas avoir assez dormi. La chambre était encore plus démoralisante que les autres jours. Des souliers dans tous les coins, les livres empilés, les chemisiers et les jeans jetés n'importe où .... Elle se leva et ramassa comme une voleuse une culotte qui traînait par terre, mue par une vieille culpabilité héritée de sa mère. Elle s'enferma dans la salle de bain et entama une longue douche brûlante que seuls les coups de poings de sa mère sur la porte lui firent cesser. Elle entendit presque en souriant la phrase mécanique "ça va !!! tu peux sortir ! tu es propre maintenant ! ". Sa mère lui criait cette phrase à travers la porte chaque jour depuis qu'elle était petite, et chaque jour, Dania attendait cette phrase pour fermer le robinet d'eau chaude. Elle savait pourtant très bien qu'elle n'avait pas besoin de laisser couler l'eau chaude sur son corps plus de temps qu'il n'en fallait, mais elle aimait tant sentir le liquide couler sur elle, sur ses cheveux, sa nuque, ses épaules, ses seins, son ventre, en fermant les yeux, le visage au plafond, en ne pensant à rien ... Cette fois ci elle ramassa ses affaires et les mit dans le panier de linge sale. Ce n'était pas courant. Dania était la petite chérie, l’aînée de la famille, et même si sa mère faisait semblant de l'élever à la dure, comme le croient les gens qui ne sont pas d'ici, elle gardait une fausse tendresse pour elle, avec une vraie pudeur de mère, une manière de gronder lorsqu'elle était à table et de pleurer en silence quand elle revenait à la cuisine. Dania mélangeait tout ça dans sa tête en se séchant avec la grande serviette de bain, trop rêche à cause de l'eau calcaire, mais qu'elle aimait à cause de la plage, cette plage où elle avait découvert la séduction et le plaisir de se faire courtiser par un garçon. Elle se regardait dans la glace de la pharmacie, cette glace en 3 vitres, où l'on peut se voir de face et de profil en même temps. elle matait derrière le miroir son corps nu, ses cuisses de sportive, ses épaules dont il restait du bronzage de l'été à cause des filigranes blancs laissés par le fil des soutiens gorge qu'elle avait porté.  Dania se trouvait sensuelle et jolie, surtout quand c'est elle qu'elle voyait dans la glace. Elle se coiffait de la main gauche en tenant ses cheveux de la main droite, comme pour éprouver sa capacité à faire deux choses à la fois. Elle se disait qu'elle devrait passer acheter encore de l'eau oxygénée pour ses cheveux, mais redoutait en même temps de perdre le châtain de sa couleur naturelle. Elle aurait voulu résister à la demande de Giono qui se croyait fier d'avoir une blonde près de lui au café Amari de la place Mazzini à Guastalla, même si elle savait bien qu'elle ne l'était pas, ni dans ses cheveux, ni dans sa tête, mais n'étant pas méchante, elle ne disait rien. De toutes façon, elle n'avait plus le temps d'aller chez Amari, et plus aucun garçon ne lui donnait rendez vous à 5h au bar Ambrosia, tout simplement parce que l'école était finie depuis longtemps.
    Elle regarda par la fenêtre de sa chambre les nuages gris qui filaient vers l'Est, et les traits mouillés que la pluie traçaient sur les vitres. Elle opta pour le jean, avec un chemisier sombre en popeline. Elle mettrait sa veste rouge sombre pour avoir chaud jusqu'à l'usine. Le parfum du café de maman (ce café a vraiment une odeur spéciale, et Dania l'avait toujours appelé ainsi) était arrivé jusqu'à la chambre, indiquant que si elle venait en retard, elle partirait encore avec une sensation de culpabilité qui la rendait folle quand elle s'en rendait compte, malheureusement toujours après. Sa mère bougonnait en faisant semblant de faire quelque chose dans le placard de la cuisine, et Dania savait très bien qu'elle lorgnait sur la pendule en se faisant déjà du mouron pour un éventuel retard au travail. Mais Dania avait le temps, elle était rarement en retard, et en plus, le patron de l'usine semblait avoir de la bienveillance pour elle, bien qu'elle n’ait jamais eu l'occasion de la tester. Le nylon crissait sur ses épaules quand elle mit son imperméable, elle embrassa rapidement sa mère et s'enfuit vers l'abri du bus de l'autre coté de la route .
    Dania arriva un peu en retard au bureau. Le chef de service n'était pas encore arrivé, comme d'habitude, mais Josetta, sa collègue de la comptabilité avait déjà préparé le café, et il régnait dans les bureaux cette odeur de cuisine du matin qui plaisait beaucoup à Dania. Elle avait pris depuis quelque temps l'habitude d'allumer son ordinateur en arrivant et de charger les messages électroniques. Elle se disait que cela devenait presque une drogue, tellement elle aimait la chasse aux messages. Pendant plusieurs semaines, c'étaient les messages de Barri qui la tenait en laisse à coté de l'écran. Mais il y avait aussi ceux de Giono, son fiancé. Mais lui il lui envoyait des messages plus pratiques, moins poétiques et moins amicaux que ceux de Barri. Le café était chaud, onctueux, avec des parfums de chocolat lorsqu'elle le sentait couler sur le fond de sa langue. Elle tenait la tasse en verre des deux mains et buvait le café avec les yeux clos. ses cils papillonnaient quand elle avalait le liquide, ce qui faisait rigoler Josetta. Josetta avait un rire épouvantable, qui montait dans les aigus et perçait les tympans. Dania se demandait souvent comment cette fille faisait quand elle avait un orgasme. A son avis, tout le quartier devait profiter de ses jouissances ... Giono avait envoyé un message laconique, qui lui ressemblait bien. Il parlait peu déjà quand ils étaient ensemble, ce qui allait aussi à Dania, car elle était assez fermée, mais elle aimait quand même que son "garçon" comme elle disait tout le temps, lui raconte sa vie et surtout ses soirées. Dania n'était pas sotte et elle imaginait que les filles de Mantoue pouvaient aussi bien qu'elle mettre la main sur un beau garçon comme Giono, brun avec des yeux bleus "comme la mer Adriatique", grand et juste assez fort pour la prendre dans ses bras. Le message disait que les banquiers avaient enfin donné l'accord pour son prêt, et qu'il pouvait commencer à chercher des bureaux à louer dans la région. Dania eut un tic dans l'oeil, comme un pincement : "dans la région..." Elle se mit à rêver. Elle allait enfin pouvoir vivre avec lui, rentrer chaque soir "chez eux", partager les repas et pouvoir faire l'amour sans voisins ...  pour l'instant, elle vivait chez ses parents et ils se retrouvaient le dimanche, "comme de vrais fiancés" disait sa mère. Mais Dania avait aussi une solide indépendance, et elle se sentait très bien en jeune femme du 21ème siècle: libre par dessus tout, travailleuse, indépendante, et curieuse de toute la culture que la vie moderne pouvait lui apporter. Dans ses moments de célibataire, à la fois pour éviter les sempiternelles soirées à regarder Rai Uno et ses programmes débiles avec sa mère qui finissait toujours pas s'endormir dans son fauteuil que pour éviter aussi les remontrances de ses vieux parents, décidément largués par le saut inimaginable de générations entre la sienne et la leur, elle s'enfermait dans sa chambre et passait presque des nuits entières sur Internet à lire des documentations les plus variées ou à converser avec des interlocuteurs variés. Barri était son préféré, mais c'était un homme très occupé par ses obligations, et le joindre n'était pas toujours facile.Josetta la regardait du coin de l'oeil quand le patron arriva. C'était un homme maigre et très grand, très distingué aussi, qui avait beaucoup de respect pour ses employés. Dania avait l'impression qu'il lui faisait une révérence à chaque fois qu'il lui disait bonjour, ce qui lui amenait automatiquement un grand sourire aux lèvres, que lui prenait à son tour pour une marque de reconnaissance. Mais Dania était aussi appréciée pour son travail. Elle s'occupait des ventes export, et ses connaissances en Allemand, en Français et en Anglais attirait l'admiration des autres employés.Elle travailla toute la matinée sur le projet de conversion d’un catalogue en Français, allant chercher des idées sur des sites Internet,  remodelant des pages de catalogue. Mais elle était troublée par le courriel de Giono. Elle sentait que quelque chose allait se passer bientôt qui ne serait pas facile. Dania avait pris l’habitude de cette fausse cohabitation, de ces rendez-vous volés où Giono et elle partaient presque furtivement en fin de semaine pour passer une soirée en amoureux, et de temps en temps une nuit chez lui ou dans un hôtel, où se mêlait leur envie commune de tendresse et de sexe. Pendant ses moments là, Dania était dans un autre monde, elle oubliait tout sauf Giono. Puis, le dimanche passant, elle revenait chez ses parents, en sentant quelquefois que cet abandon entre Giono et elle ne ressemblait pas beaucoup à la construction d’une vie à deux. Et ce moment là semblait venir, et il provoquait en elle un vrai désarroi, même si elle était considérée comme une femme à la tête froide et réfléchie….
    En rentrant de son travail, Dania trouva un mot sur le guéridon de l’entrée. Un mot plié en deux, avec écrit « pour Dania » dessus. Elle le prit machinalement  et alla poser son cartable dans le petit bureau où elle se réfugiait pour travailler à la maison. C’était un mot griffonné à la hâte par Giono et laissé là en passant. Il disait qu’il passerait la prendre pour l’emmener au cinéma, avec un post scriptum « pas sûr, je crois que je suis malade ». Dania avait l’habitude, Giono avait une santé fragile, sous l’apparence d’un homme fort et beau. Elle détestait ces situations, et elle détestait Giono quand il était malade, elle détestait cette manière de venir la prendre chez elle comme si elle était à son service. Il aurait pu lui téléphoner,  lui envoyer un petit sms gentil avec un baiser posé, comme elle les aimait. Mais rien que ce mot sec et froid, qui sentait le gâchis d’un samedi soir à venir.La maison était vide. Ses parents avaient dû partir aller chercher son petit frère à la gare et en profiter pour faire aussi quelques courses. Elle monta dans la cuisine, trouva le plateau en bois avec son repas que sa mère avait laissé pour elle, mit la télé en marche et alla s’installer sur le canapé pour manger, en prenant soin de récupérer sa serviette de table pour ne pas salir. Sa mère détestait qu’on mange devant la télé, et Dania ferait tout qu’on en sache rien. Les chaînes publiques diffusaient encore des émissions d’après midi, avec des concours, des couleurs et des commentaires insipides. Elle fit défiler les chaînes pour chercher quelque chose de distrayant, et finit par tomber sur le film « la ragazza con l’orecchino di perla ». le film était commencé, elle le prit au moment où Griet demande à  Catharina si elle doit nettoyer les vitres de l’atelier. Dania avait lu le livre, elle l’avait adoré, et comme tout ce qu’elle aimait, elle l’avait lu à petite bouchée, lentement, pour s’en délecter, comme lorsqu’elle suçait une glace au restaurant, comme quand elle aimait Giono quand  il était gentil, pas malade, reposé et qu’il  avait envie d’elle. Elle était fascinée par la qualité des prises de vue. Elle imaginait les scènes comme elles se déroulaient sous ses yeux, avec ce bonheur grisant d’avoir la même vision des choses, le même regard, la même sensibilité que ce qu’avait traduit le metteur en scène. Elle regarda le film jusqu’à la fin, en picorant ce qu’il y avait dans son assiette. La solitude de la maison ne l’effrayait pas, et le silence environnant captait encore plus son attention sur l’écran. Au moment où Griet sortait de la boutique du receleur, elle entendit la voiture arriver. Son frère ouvrit la porte et l’appela d’en bas. Elle était en larmes. Elle s’essuya les yeux avec sa serviette de table,  laissa le générique se dérouler pendant qu’elle allait poser le plateau dans la cuisine en répondant à son frère. « Mais tu as pleuré, neh ? » lui demanda Marcello en prenant l’accent de Milan. « c’est ce film à la télé. Ah ! tu sais comment sont les filles neh ? » Elle reprenait en riant l’accent du nord. Elle embrassa son frère, puis ses parents qui montaient à leur tour. Ils discutèrent un moment du voyage et de la semaine de son frère, puis des courses, puis du programme de la soirée. Dania leur expliqua que Giono viendrait « peut être, peut être pas, vous savez bien comment il est, non ? », et s’il ne venait pas elle irait faire un tour au village, elle avait besoin de distractions. Son père lui sourit comme il sourit toujours quand sa fille  annonce ce qu’elle veut faire. Sa mère lui dit, comme d’habitude, que ce n’était pas raisonnable, mais Dania connaissait cet air là, elle n’y porta pas d’attention. Marcello, après avoir bu un café préparé par sa mère, décida d’aller voir ses copains à Guastalla. Sa mère et son père repartirent pour une réunion de quartier, et Dania resta seule dans sa chambre, avec l’idée d’attendre Giono, ou peut être de l’appeler au téléphone… Elle mit un CD de musique classique. C’était les quatre saisons de Vivaldi.
    Dania regardait sa peluche, posée sur son lit fait, avec le couvre lit tendu. C'était une peluche qui avait été autrefois faite à la forme de la souris Jerry, selon le dessin animé américain. Ce qui était sur son lit ne ressemblait plus guère à une souris, mais rappelait plutôt un ourson, de loin. Elle y avait versé presque toutes les larmes de sa vie d'enfant, elle y avait confié tous ses secrets, elle l'avait étreint comme jamais elle n'oserait étreindre un homme, elle lui avait parlé avec des murmures de petite fille, profitant du silence muet de la poupée et du mou de sa consistance pour la serrer contre son cou et s'y endormir. Jerry avait senti depuis sa naissance toutes les odeurs de sa vie, que son cerveau reconnaissait inconsciemment lorsqu'elle le pressait contre elle aux moments de tristesse et de solitude. Il avait senti le lait caillé de sa mère, qu'elle avait régurgité dans ses sommeils de nourrisson, il avait eu aussi l'odeur de maman, celle qui la rassurait dans son sommeil de bébé. Puis Jerry avait dû assumer les fuites de la petite enfance, perdu dans le petit lit à la faveur des sommeils troublés par les orages en été, confondu par les terreurs que provoquaient les grondement du tonnerre dans l'esprit de la petite fille. Jerry avait été lavé, séché, recousu, mais ces odeurs de vie étaient toujours là, et Dania les reconnaissait, sans jamais pouvoir les identifier. Jerry était innabandonnable, Jerry ne pourrait jamais disparaître, pas maintenant, pas tout de suite, pas sans qu'un autre amour plus fort, plus vrai, plus plein, ne puisse remplacer tout ce que Dania avait abandonné dans sa souris. Cet amour là ne pouvait pas émaner  comme cela, avec autant de  constance, autant d'humilité, autant de sérénité, autant de discrétion que Jerry n'avait pu le faire depuis 27 ans.... Il faudrait qu'il soit immense, lointain et proche, fervent et patient, donnant tout et ne réclamant rien, qu'il ne parle jamais, sauf avec les mots et le plaisir que Dania pourrait entendre.... Dania regardait Jerry, elle fut secouée par un tremblement, elle sentait l'émotion l'envahir, comme une vague de froid derrière un mur protégé par le vent. Dans sa chambre, les violons de Vivaldi se mêlaient en une douce mélopée. le deuxième mouvement du concerto 4 en fa mineur. L'hiver des 4 saisons. elle ferma les yeux pour remplir son coeur de tous les sens qui lui traversaient la tête. Elle sentait les larmes couler sur ses joues et descendre dans son cou. Cette sensation la soulageait, elle lui donnait presque une justification à son tourment. Se sentir pleurer était comme une délivrance, l'assurance que le coprs suivait ce que ressent l'âme. Elle se berçait doucement, avec des sensations diverses, les répons des violons, le rêve de l'amour, la douceur presque oubliée de Jerry, ses souvenirs d'enfant, ses siestes sous le soleil d'Italie, la tendresse de l'épaule amie, les murmures de couloir dans l'école quand elle était petite écolière, les gouttes de pluie au printemps qu'elle regardait couler le long de la vitre de la cuisine, le brouillard des hivers où elle marchait à tâtons en appelant son frère pour ne pas le perdre et ne pas se  perdre......
     

  • -2- Dania (1)

    medium__cid_i1_picture076.jpgEn dehors de la vieille ville, vers, l'est, s’était bâti un faubourg dans les années 1900, d'abord des fermes et des ateliers d'artisans, puis, après la guerre, les maçons avaient construit des pavillons plus modernes pour les habitants de la vieille ville, lassés de la chaleur des étés étouffants, et des bruits des rues commerçantes. Il reste au milieu de ce quartier une zone boisée qui cache aux yeux des passants une vieille habitation faite de la ferme traditionnelle de la plaine et de ses dépendances, posées contre la bâtisse comme des enfants à couver. Les grands arbres perdent leurs feuilles au vent du nord, et le bruit des branches à la nuit effarouche les filles qui rentrent de la ville, mais lorsque les chaleurs du printemps font revenir les hirondelles, ces arbres deviennent un délice pour s'y reposer, et un havre pour les oiseaux de la région.
    Curieusement, les églises ne sont pas au centre de l'histoire de la ville, mais reléguées presque au sud et à l'est, comme si les affaires divines n'avaient pas la prime dans cette bourgade ancestrale. On aurait pu croire que la via Gonzaga, qui avait longtemps fait concurrence avec la via Garibaldi, tenait par ses bâtiments publics la préférence de sa population fière et parfois ténébreuse sur les jardins de la via Trento ou de la piazza Garibaldi. Mais, à l'habitude, les moeurs lentement évoluées des paysans  devenus citadins démontrèrent que cela n'avait pas d'importance. Les cours intérieures étaient toujours aussi bruyantes, les odeurs de cuisine aussi puissantes, et chaque villa, chaque cour, se comportait au milieu de la ville comme un château féodal et fortifié, où l'étranger à la courée était traité en animal ou en prince...  
    Et les puits cachés sous les auvents donnaient à chacune de ces citadelles des allures de défis où les fièvres de marais étaient muselées et les guerres inexistantes. Pourtant, à Guastalla comme dans toute la région, les multiples forces de tous les pays d'Europe étaient venues faire le sac, ou occuper la ville pour en demander rançon, ou encore y faire la traite à la chair à canon, depuis des siècles et des siècles, si bien que l'air farouche des habitants d'aujourd'hui reflète encore des terreurs de femmes cachées, des regard ébahis d'enfants enlevés, et la colère des hommes emportés en capture. Les ancêtres de Dania, d'obscurs barons dilués depuis des siècles dans la population de la plaine, avaient autrefois une grande villa à l'écart du fleuve trop capricieux, agrémentée de grandes terres de bon rapport, où il faisait bon cultiver le blé et le seigle. Puis, avec l'épuisement des obligations testamentaires, les partages morcelant les terres, il n'était resté à ses grands parents qu'une petite maison accrochée par un chemin au village de Tagliata. Son père était né là, et elle aussi. Le village s'était construit au fil du temps autour d'une chapelle dont on disait qu'elle était miraculeuse, que l'eau qu'on y buvait guérissait  des fièvres des marais, et forcément, comme les miracles attirent les foules, quelques paysans malins y avaient contruit des granges qui servaient plus à héberger les pélerins qu'à stocker de la paille...
    Dania avait enlevé ses chaussures, qui, décidément, lui faisaient trop mal. Elle avait posé son sac sur son lit, jeté, presque, tellement elle était fatiguée. En regardant par la fenêtre, elle voyait encore quelques phares illuminer la longue plaine, et passer le carrefour qui allait à Guastalla, en faisant le double virage. La lumière des phares des voitures, à cet endroit précis, ressemblait à l'éclairage d'un phare d'une côte maritime infinie, n'auraient été les quelques bâtisses, récentes pour la plupart, qui donnaient à la monotonie plate des reliefs d'accidents, comme si les hommes s'arrangeaient toujours pour chiffonner le paysage. Un  promoteur n'avait-il pas trouvé mieux que de planter un immeuble au milieu des fermes centenaires, occupées maintenant par les maraîchers de la ville ?
    Elle regarda encore par la fenêtre les derniers rayons du jour se briser sur les arbres lointains de la plaine, là-bas vaguement vers l'ouest. Elle y voyait maintenant les feux rouges des voitures disparaître dans la brume naissante, sur la route de Correggioverde. Elle se disait que peut-être demain, elle se lèverait à l'aube et elle irait faire en vélo cette promenade promise. Elle passerait par les chemins de ferme pour ne pas suivre le bord de la route et éviter le vent des autos, elle roulerait dans la terre sombre de la Grande Plaine, elle longerait l'étang de retenue près de la ferme, puis prendrait les chemins de traverse pour rejoindre le bord du fleuve. Là, elle traverserait le pont droit et raide qui passe le Pô. Après le pont, elle quitterait la route et descendrait le talus pour rejoindre le chemin de halage, et elle partirait comme ça, tout droit vers le fleuve, en suivant les ombres des grands arbres...
    Au soleil de midi, elle reviendrait en passant par Dosolo, en traversant le village pour sentir les parfums de fruits dans les coopératives, ou pour écouter les cris des hérons qui chassent dans les marais.... Dania pensait à tout cela, machinalement, en regardant la nuit pousser plus loin ses soucis du jour.
    Elle se croyait lancée dans une torpeur digne de l'autre coté du monde, abasourdie par le rêve qu'elle venait de faire. Elle marchait sur une plage tropicale, aveuglée de soleil, les pieds doucement crissés par le sable presque blanc. Sa vision n'était pas nette, mais elle distinguait au loin des fanes de cocotiers tomber dans les cristaux du soleil qui se réfléchissait dans la mer, et en dessous une ombre qui marchait vers elle. Janis Joplin hurlait son Move Over dans sa tête, accompagnée par les guitares folles. "You know I need a man" tonnait dans ses tympans, et les reprises musicales lui hérissaient les cheveux. Le ciel était trop bleu, la plage trop blanche, tout brûlait tout à coup autour d'elle, le monde se mettait à tourner avec les spasmes de la musique Rock des années 70, puis tout à coup son corps se mettait à ruisseler de la pluie survenue derrière elle, elle sentait les gouttes tièdes caresser son dos, ses cuisses, ses cheveux retombaient sur son nez, mais la silhouette avançait toujours vers elle, aveuglée par le soleil dont le nuage passant n'avait pas encore battu les rayons. Elle distinguait le corps d'un homme, plutôt grand, plutôt élancé, mais elle ne voyait toujours pas son visage. Elle marchait péniblement dans le sable mou, ses jambes ne voulaient pas la suivre, elle avait l'impression de tendre les bras vers l'impossible, et l'autre qui ne semblait jamais venir ...

     

  • -1- Barri

    medium_nigeria_1977.jpgPourquoi a-t-il envoyé cette photo-là ? Elle datait de trente ans, elle avait été prise au  Nigeria, au début de sa carrière, quand il traçait des lignes électriques au milieu de la jungle infestée de serpents, inaccessible et dangereuse. Il l'avait fait prendre dans un petit village de brousse, par un photographe local, qui avait un vieil appareil à soufflet, posé sur un trépied mille fois réparé. Cette séquence lui rappelait Tintin au Congo, et la scène y ressemblait vraiment. la photo avait été prise dehors, avec la toile de la 404 bâchée en arrière plan. ce souvenir lui apportait beaucoup de joie. Il lui semblait que son visage à ce moment là était différent, mais elle penserait que non. Dans ses yeux il y avait encore plus de candeur que maintenant. On pouvait peut être mieux y lire toute la poésie qu'il mettait dans sa vie, dans sa manière d'aimer. Son visage, plus jeune, était aussi plus tendre. Mais il devinait qu'elle le saurait déjà, qu'elle devinerait que tout ce qu'elle ressentait de lui n'était pas nouveau, qu'il devait traîner ça dans sa vie depuis très longtemps, mais que ce n'était que maintenant qu'il pouvait l'exprimer .... et à elle seulement.

    Barri s'était posé la question. Longtemps. Il connaissait Dania depuis 5 ans maintenant, mais il avait l'impression qu'elle faisait partie de sa vie. Au début, il lui envoyait des messages gentils, des boutades, des petits mots pour lui remonter le moral. Barri sentait bien que Dania n'était pas toujours au mieux de sa forme, qu'elle avait de temps en temps des crises de moral, qui viraient presque à la dépression. Aussi, lorsqu'il sentait cette perte de tonus, il lui envoyait des lettres plus sérieuses, des conseils, comme s'il s'était agi de sa propre fille, ou d'une amie d'enfance. Dania pensait que Barri lui préparait des textes longs, qu'elle prendrait plaisir à traduire lentement, comme on suce un bonbon au goût merveilleux. Ces deux-là avaient entre eux une complicité que personne d'autre au monde n'aurait pu partager. Il n'y avait rien de  dramatique dans cette relation du bout du monde, rien de douloureux. Barri pensait que c'était juste une amitié comme il n'aurait su la définir, lui, si intelligent, si sensuel. Et lorsqu'il partait en Europe, et qu'il avait l'occasion de rencontrer Dania entre deux avions, il échafaudait des plans de retrouvailles, il s'imaginait l'attendre à la sortie de l'aéroport, ou encore il rêvait que c'était elle qui l'attendrait, avec des hauts talons, et ses cheveux rangés en queue de cheval, avec des lunettes noires qui l'aurait fait ressembler à Jackie Kennedy. Barri s'arrêtait aux sensations de l'emmener visiter les villes du monde qu'il connaissait, de rire avec elle, de la regarder à la dérobée, de partager un repas dans un petit restaurant presque vide, au bord de la mer. Il se disait avec un sourire, quand il écrivait à Dania, que finalement, il lui envoyait presque chaque jour une histoire pour la faire rire, pour la rendre heureuse, pour la consoler d'une misère ou d'une autre, et presque chaque jour Dania s'enfermait dans sa chambre et avant de se coucher, elle ouvrait son ordinateur, avec le désir de lire les lettres de Barri. Elle gardait près d'elle un gros dictionnaire pour chercher avec gourmandise les mots qu'elle ne connaissait pas encore, et elle gardait pour toute la nuit les belles images que Barri lui envoyait. Des photos de plages tropicales, des photos que Barri prenait de lui-même avec son appareil automatique, des images de villes, des couchers de soleil sur des endroits invraisemblables. Elle fermait alors les yeux et partait en rêve vers le chaud des tropiques, et s'endormait comme cela, affalée sur son lit, avec la souris de l'ordinateur encore dans la main. Barri se disait que finalement il lui servait de marchand de sable, de nounou pour l'endormir, mais cela n'éteignait pas la tendresse  et l'affection profonde qu'il avait pour elle.

  • prologue

    Pondichéry (Inde) - de notre reporter Alan Mac Weill.
    Le congrès mondial sur les maladies virales s'est terminé sur un résumé pour le moins surprenant. Si les chercheurs ont constaté depuis plus de cinquante ans une montée en puissance du nombres d'infections virales, ils sont tous d'accord pour reconnaitre que la voie sexuelle reste la plus énigmatique pour la transmission des virus pathogènes. Les études récentes font ressortir que le virus du SIDA ne devrait pas de transmettre que par la voie sexuelle, mais aussi par tous les autres moyens contenant des cellules : salive, sang, cellules mortes etc... Or, force est de constater que la transmission pathogène ne se situe que dans le cas d'activités sexuelles ou lors de transfusion de sang ou d'utilisation d'aiguilles sales par voie intraveineuse. Le paradoxe devient plus opaque encore lorsqu'on sait que d'autres virus pourraient très bien se transmettre par les voies sexuelles, y compris bien sûr celui qui touche le plus grand nombre d'êtres humains, la grippe, ce qui est loin d'avoir été démontré, puisque le virus de la grippe se propage par voie aérienne, au sein d'aérosols naturels évacués lors d'éternuements, par exemple. Des chercheurs Russes ont également décrit une théorie basée sur des calculs informatiques très complexes  concernant des échanges d'ADN et des mutations biologiques et génétiques liées aux transformation des virus, que l'homme pourrait fabriquer lui-même une sorte de sérum contenant les anticorps pouvant le protéger contre des éléments communs à tous les virus, empêchant ainsi par une barrière naturelle l'infestation de son propre corps. Mieux encore, un chercheur Brésilien a indiqué qu'il avait réussi à produire ce sérum chez une variété de souris sauvages de l'Amazonie, mais qu'il n'était  transmissible que par voie sexuelle, donc, in fine, ce sérum permettrait de concevoir des dynasties de souris  immunisées contre tous les virus, à l'exclusion d'autres espèces. De nombreux participants ont crié à l'imposture lorsque ce jeune chercheur a présenté son "abstract" concernant ses recherches. Mais les enjeux sont énormes. On imagine ce que pourrait devenir l'humanité si une dynastie particulière était immunisée contre les virus, le pouvoir qu'elle aurait sur le reste des femmes et des hommes, et les atouts que cela impliquerait au niveau social. Mais les chercheurs sont tellement septiques sur ce point que l'on peut être rassuré : ce n'est pas encore demain que l'homme sera immunisé contre les virus !
    Un laboratoire s'oriente aujourd'hui sur de nouveaux process de fabrication de molécules immunisantes, fabriquées avec des machines aujourd'hui tenues secrètes et installées sur la frontière entre la France et la Suisse, dans une ancienne mine de fer. Ces médicaments ont une durée de vie encore trop courte, mais leur fabrication, à l'état de conception expérimentale, a déjà permis de sauver quelques cas particuliers de dépression immunitaire fulgurante, constatés lorsque le virus du SIDA s'attaque à des porteurs de caryotypes particuliers, souvent issus de croisements de populations génétiques très différentes.
    A ce titre, une équipe de chercheurs installée aux Antilles a présenté un exposé révélant que les habituels groupes sanguins A, B, AB et O, n'étaient en fait que la façade de sous groupes beaucoup plus importants. En fait, la vulnérabilité aux virus s'exprimerait en fonction des composantes génétiques issues des croisements entre les être humains, à tel point que ces chercheurs ont montré que les détenteurs de certains caryotypes étaient beaucoup plus résistants à certaines maladies virales. Cet exposé, assez controversé par les grands pôles de recherche, met en cause la notion d'uniformité génétique chez l'être humain. Selon les chercheurs, l'évolution humaine aurait pour composante principale le croisement des chaines d'ADN, sans lesquelles la pérénité des générations ne tiendrait pas dans le temps. Les chercheurs ont indiqué que les déficiences génétiques responsables des maladies dégénératives comme  le mongolisme, dont on pensait jusqu'à maintenant qu'elle avaient pour origine une réplication trop homogène des chaines d'ADN, ont en fait pour origine non seulement l'homogénéité de l'ADN, mais en plus la réplication exacte des éléments définissant les caryotypes. Mais ces mêmes chercheurs, qui veulent garder espoir au sujet de la capacité de trouver un vaccin immunisant contre les virus, ou, du moins, certains d'entre eux, ont montré dans leur exposé très technique que la voie était ouverte dans ce sens, mais que les vaccins qui pourraient être envisagés devraient être adaptés à plus de 250 caryotypes différents, et certains types de porteurs ne pourraient pas être signés, car leur profil de défense intégré dans leur ADN ne pourrait en aucun cas fabriquer les défenses nécessaires contre les virus.
    Le congrès s'est achevé ce soir par une grande réception à l'ancienne ambassade de France, pays qui avait la charge d'organiser cette manifestation mondiale. On a remarqué que le sujet des virus n'interesse pas que les chercheurs et les médecins. De nombreuse délégations militaires étaient inscrites à la participation à ce colloque, ainsi que quelques représentations officielles. C'est ainsi qu'on a reconnu parmi les délégations d'états des responsables de services de renseignements, des ministres de la santé, des responsables de l'environnement.