Jour 38 : Les otages
"Et comme le désert n’offre aucune richesse tangible, comme il n’est rien à voir ni à entendre dans le désert, on est bien contraint de reconnaître, puisque la vie intérieure, loin de s’y endormir, s’y fortifie, que l’homme est animé d’abord par des sollicitations invisibles. L’homme est gouverné par l’Esprit. Je vaux, dans le désert, ce que valent mes divinités."*
Le comte relisait ce grand poême en pensant aux otages. La guerre était venue, sale, traitresse, incendiée dans le coeurs des hommes par d'atroces souffrances, par des assassinats sans noms, par des violences inouïes, et le rapt d'innocents, des plus petits aux plus agés.
De quoi rendre folle toute la nation, de quoi nourrir autant de rage qu'une guerre pût en porter, de quoi faire couler plus de larmes que de sang. Les gens de la comtée, comme le comte, n'y pouvaient rien, sinon, bien-sûr, prendre leur part de cette douleur, porter dans leur coeur l'âme des combattants, les nourrir de leur manne, leur envoyer à travers l'air chaud du désert leur amour et leurs baisers. Mais les otages étaient gardés sous la terre, menacées de mort à chaque instant, et le comte, comme tous ceux de la comtée, se demandait que faire pour eux.
Finalement, il relut encore :
"Si je combats encore je combattrai un peu pour toi. J’ai besoin de toi pour mieux croire en l’avènement de ce sourire. J’ai besoin de t’aider à vivre. Je te vois si faible, si menacé, traînant tes années de vie, des heures durant, pour subsister un jour de plus, dans l'obscurité d'un tunnel, grelottant à l’abri précaire d’un vêtement râpé. Toi si israélien, je te sens deux fois en péril de mort, parce qu'israélien, et parce que juif. Je sens tout le prix d’une communauté qui n’autorise plus les litiges. Nous sommes tous d'israël comme d’un arbre, et je servirai ta vérité comme tu eusses servi la mienne. Pour nous, fils d'israël, il s’agit, dans cette guerre, de débloquer la provision de semences gelées par la rage des terroristes. Il s’agit de vous secourir, vous de là-bas. Il s’agit de vous faire libres dans la terre où vous avez le droit fondamental de développer vos racines. Vous êtes encore des otages. C’est toujours dans les caves de l’oppression que se préparent les vérités nouvelles : des poignées d’otages méditent là-bas leur vérité neuve. Nous nous soumettrons, par avance, à cette vérité. "**
Ceux des otages qui avaient été libérés pendant les combats ont fait de leur vie une semence nouvelle, leur âme s'est transfigurée, et leur témoignage change le monde.
* Antoine de St Exupery : Lettre à un otage
** D'après Antoine de Saint Exupery: Lettre à un otage
©Daniel-Bruch-20/05/2025
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