Caïn
Eve ne comprenait pas cet esprit vivant
qui était sorti de son corps douloureux nécessaire et maudit.
Cet être remuant qui cherchait quelque chose,
Reniflant sur son corps la trace de son sein,
la perle de son lait qui coulait à présent.
Eve, ma pauvre Eve, qui n’eus pas de mère
Pour tendre le bras et montrer le chemin,
Tu chéris ton enfant, n’osant couper le lien
Que la chair a tissé liant son corps au tien,
Et c’est Adam comme un acte d’Amour
Qui trancha le cordon et souffla sur l’enfant.
Débattus ensemble dans la Nuit des temps,
Cherchant le sommeil, ou la pluie ou le vent,
ou le repos encore quand l’enfant s’endormait.
Un soupir de plus quand les yeux se fermaient
Premiers parents inquiets du demain qui venait
Du cri des bêtes, de la nuit et du soleil ardent.
Quelques lunes encore et Caïn a grandi,
Au sein de sa mère la source s’est tarie,
Son père a présent dompte la nature
Et donne à ce fils la leçon de culture
Et d’Amour et de nuits Eve a reparu
Plus ronde et plus forte pour un autre petit.
Abel arriva deuxième homme de la terre
né d’une mère et de l’Amour d’un père
avec pour témoin un autre être humain.
Eve sut cette fois lui donner de son sein
et l’autre était jaloux de cette connaissance
Qu’Abel profitât du fruit de sa naissance.
Ils n’avaient jamais vu l’Esprit du Créateur
et sans paroles leur mère leur avait dit
qu’en espoir ils avaient tous promis
de vénérer le Maître par l’offrande servie.
Caïn coupait des fruits et ramassait des fleurs
Et Abel amenait ses meilleurs agneaux.
Mais l’insidieux, ou le Créateur,
donnèrent en esprit au benjamin nouveau
La préférence de bénir son offrande,
laissant Caïn et ses gerbes et ses pleurs
En forme ainsi d’une première haine
Pour demain séparer les humains.
Nul se sait si Caïn a bien fait par le meurtre d’Abel
de pousser le destin
Hâtant son retour vers le vent du Grand Rien,
Vers la route du temps, ou le temps n’est plus rien,
Vers le bonheur perdu et retrouvé enfin,
Et Eve et Adam, qui ne comprenait plus
Ce que Faisait le Monde et Celui qui le fait.
Ce corps d’enfant meurtri qui ne bouge plus
Cet Esprit échappé, évadé et serein.
Pablo Robinson © janvier 1996