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chien

  • Confinement: jour 16

    (2/4/20)

    Ma chérie a fini (enfin) par me le dire. "Tu me manques, j'ai besoin de toi !". Ce qu'il fallait. Comme de mettre la clé dans le démarreur. Alors j'ai cherché tous le prétextes pour quitter ma yourte et mon désert...
    - la liaison internet est pourrie, ç'est uniquement le partage de connexion de mon téléphone. Un brave instrument celui-là.
    - le chat sous la yourte en a marre de faire du yoga. La nuit, là, au moment où j'écris, il miaule en copain, trois ou quatre miaulements discrets, puis silence pendant cinq minutes, et il recommence. Je pense qu'il a froid, mais il ne veut pas me l'avouer, et encore moins venir se mettre au chaud.
    - le temps fait le yoyo, ça décourage des tortues et les caméléons, ils restent confinés (eux aussi) et ils ne se montrent pas, ça me déçois beaucoup, j'aime trop ces petites bêtes.
    - pas de télé. D'un coté, tant mieux, j'ai assez d'infos sur les réseaux sociaux: si les infos journalistiques sont du même tabac, je comprends que les gens qui restent devant leur télé toute la journée deviennent dingues.
    - la voisine, adorable, ramasse des chiens en croyant qu'elle les sauvent. Elle a récupéré une chienne bédouine probablement skizophrène qui doit avoir des cordes vocales en titane. Elle aboie tout le temps, sur n'importe quoi et n'importe qui (dont moi) pour n'importe quelle raison obscure. La nuit c'est pire, elle engueule la lune...
    - le sable. Il s'invite tout le temps dans tout ce que je fais. un malotru total : se met dans mes chaussures, se glisse sous la porte, fait la dune devant la yourte juste pour que j'utilise ma pelle, s'incruste avec son copain le vent dans le clavier de mon fidèle Lancelot III (c'est le nom de mon ordinateur portable, troisième du nom, le deux ayant perdu ses moyens faute de batterie de rechange, le un ayant été volé dans ma voiture par des envahisseurs à Jaffa juste devant la vieille mosquée), et, lorsque son compère le vent vient du sud et sa copine la pluie s'y colle aussi, ces trois là transforme et ma voiture et mes vitres en tenues de camouflage dégradée de tous les ocres jaunes de la région.
    - le parquet: ça fait une semaine que je bouche les fissures avec la patience d'un ange qui aurait perdu ses ailes dans un poulailler industriel: mes genoux de vieux n'en peuvent plus. Et c'est pas encore fini...
    - le froid qui me fait perdre l'envie de boire mon café: pendant que j'écris, le soir, la température tombe dans ma tasse chaude comme une épidémie: invisible, elle éteint la chaude sensation de tenir le mug, elle tiédit tout, puis me fait frémir quand je me lève pour aller dans mon lit froid et solitaire.

    Voilà assez d'arguments pour aller rejoindre la civilisation claquemurée derrière les peurs ancestrales des épidémies séculières. On se regarde, mes vieilles chaises et moi, celles qui ont fait le tour du monde depuis quarante ans, comme si l'on assistait à une veillée de bataille, ou à une veille de départ, en se disant qu'on ne s'oubliera pas, en jurant qu'on reviendra. Et je vous vois, tous, assis autour de moi, qui me dites "vas-y, vas-y..."

    Il est temps que je rentre, j'entends des voix...