Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les histoires du comte d'Omer - jour 3 :31 mars 2021

Marcher dans le désert

Le comte d'Omer est un drôle de bonhomme. On dit qu'il a voyagé un peu partout dans le monde. Un jour il m'a raconté comment il faut marcher dans le désert...

"Tu sais quoi ? Quand j'étais jeune, j'ai parcouru le désert en Afrique, et aussi celui d'Egypte, et aussi celui du Néguev. Les gens croient qu'il fait chaud, dans le désert, mais si c'est vrai en été, je peux te dire qu'en hiver, il y fait plus froid qu'ailleurs ! Une fois j'ai refait le parcours que les hébreux avaient suivi pour suivre la piste que leur traçait Elohim. C'est un chemin tortueux, fait de traces qu'on trouve à peine entre les pierres des montagnes, qui gravit des collines de cailloux ou de sable, qui passe dans des steppes arides pleines d'arbres épineux, qui traverse des rivières de sable desséchées.

Il faut savoir marcher dans le désert. tu crois que ta marche est quelque chose de facile, un pied devant l'autre et on recommence. As-tu jamais essayé de comprendre comment tu arrives seulement à mettre un pied devant l'autre ? Tu marches toujours en poussant ton corps  vers l'incertitude de l'équilibre. Tu es debout, tu lèves une jambe et un pied et une cuisse vers l'avant, et que se passe-t-il ? les 7 kilos de viande et d'os de ta jambe et de ton pied et de ta cuisse te déséquilibrent et te poussent vers l'avant et tu vas tomber de toute ta hauteur ! et c'est ton réflexe et ta peur de la chute qui te font baisser ta jambe et ton pied et ta cuisse pour poser tout ça sur le sol. mais le balancement de ton corps sur une seule jambe t'oblige à lever l'autre jambe et à l'avancer à son tour afin que tu retrouves l'équilibre instable de celui qui n'est debout que sur un pied... 

Tu vois, quand tu marches dans le silence du désert, dans le sable du désert, dans les silex abandonnés par l'érosion des collines, c'est à cela que tu penses: comment tu arrives à marcher. Imagine maintenant que tes yeux scrutent devant toi les pierres et le sable sous le brûlant du soleil ou dans la pénombre de la nuit, parce que c'est mieux de marcher au crépuscule, vers l'endroit où le feu te protégera du froid. Tes yeux cherchent la place pour poser ton pied sans heurter une pierre, sans glisser dans les crissements de la dune, sans écraser le scorpion qui chasse, sans effrayer la vipère qui pourrait te mordre. Et ton pied se pose là où te disent tes yeux. Et tes yeux obéissent à ton idée d'aller quelque part, obstinément, loin de l'Egypte que tu veux fuir, ou vers la femme que tu aimes et qui t'attend, ou encore vers la destinée que l'Eternel te promet en guidant tes pas, malgré toi.

Lorsque tu marches dans le désert, avec l'Eternel et le silence comme seuls compagnons, tout le jour, en rassasiant ta mémoire des silhouettes minérales qui t'entourent, tes pensées s'échappent et se fixent parfois sur les milles gestes qui t'agitent depuis le moment où le sommeil t'abandonne jusqu'au temps de fermer les yeux sous les étoiles. Et si tes pas sont de cette sorte, à conquérir chaque distance avec conscience et passion, alors tu peux pérégriner pendant quarante ans avant d'arriver là où la terre t'es promise."

Les commentaires sont fermés.