Un pays qui a besoin de pilule pour faire ses enfants et de pilules pour ne pas faire des enfants n'a plus grand'chose à faire dans l'univers. La terre est une poussière de la galaxie de la voie lactée, laquelle est un petit point de la constellation du centaure, laquelle est un amas commun d'un coin du grand large insondable que nous ne pouvons même pas imaginer. Et pourtant quelque chose de vivant est accroché là, qui n'est pas fixe, qui découvre le temps, ces espaces entre les évènements sidéraux phénoménaux qui nous entourent. Fractale insidieuse de l'univers, un photon frappe une matière et le capteur visuel y voit une couleur, plus petit encore que n'importe quoi, il répète inlassablement la danse des atomes, les interactions physiques de nos gestes brutaux d'atomes mathématiquement liés, en une société comparable à un liquide... tous ensemble, mais sans autre structure que d'être collés les uns aux autres avec un semblant d'attaches sociales ou économiques, rapidement disparues si la température augmente un peu. Et pourtant, au coeur des corps bénis des femmes, autre fractale d'une cellule qui en rencontre une autre, qui perce par sa structure chimique la paroi de l'oeuf, et ensère des chaines adéniques aux chaines complémentaires, et la vie surgit, complète, indivise, unique et inutile, grain de lumière pour une petite part d'éternité, faite de surprises et de souffrances, de gestes répétés des millions de fois, pour rien, pour le temps qui va passer, pour l'espace de l'univers que la galaxie immobile mais en marche va traverser pendant un bref instant. La vie... Il faut que la vie continue, et personne ne sait pourquoi. Les instincts des vivants inférieurs, qui ont un mécanisme de marche plus petit, plus attentif aux reflexes qu'à la reflexion, passent leur temps à survivre pour que d'autres survivent à leur tour, sans qu'ils sachent compter, ni les jours ni les nuits, qui ne sont capables de rien d'autre que de la transmettre cette vie là.. Et les hommes, incapables de donner cette vie, de la porter en eux, de sentir les coups de pieds d'un foetus en mangeant une pomme, incapables de rire de ce bonheur si fort et si simple, incapables de sentir la vie s'échapper de leur corps, prolongement d'eux mêmes dans l'extérieur de soi, miroir vivant de la continuité de soi dans le futur de la vie, ces hommes là n'ont d'autre consolation que de créer autre chose que la vie d'eux-même: des charrues et des épées, des avions et des missiles, des téléphones et des poisons, et aussi de quoi croire qu'ils seraint capables de faire autre chose encore, bien plus tard, bien plus longtemps, par exemple de donner la vie. Mais ils sont menteurs avec eux-mêmes, menteurs avec l'histoire de la vie. Ils veulent simplement jouir de la seule souffrance qui soit objective dans le sens de la vie et du futur. Générer dans leur corps de nouveaux orgasmes, symboles de leur limite, symbole de leurs faiblesse. Souffrance des orgasmes masculins matérialisée par les décharges d'adrénaline, preuve médicale et chimique que ce n'est pas un plaisir. Et pourquoi ne pas faire durer le plaisir de tous ces étalons abrutis qui ne comprenent rien au sens des gestes que la nature a élaboré depuis des millénaires pour transmettre la vie... Pendant ce temps, pendant qu'ils croient par leurs érections stupides détenir la clé des mystères de la nature humaine, d'autres fruits de cette vie là, cette vie des hommes, enfants ou pas enfants, d'autres disparaissent pour rien, cadeaux de traits d'union de vie gâchée pour une mort facile, guerre, famine, abandon, soif, tous rongés par l'hébétude de ne pas avoir compris pourquoi ils devaient mourir comme cela si bêtement, alors qu'ils pouvaient écrire un opéra, inventer un nouveau monde, jouer avec leurs doigts dans les rayons du soleil, dormir en rêvant qu'ils n'allaient pas mourir. La pilule bleue rendra les hommes plus stupides encore. Il vont croire comme il y a trente mille ans que le monde va tourner autour de leur sexe érigé en centre de l'univers. Personne ne trouvera la pilule arc en ciel qui rend les gens libres et généreux, conciliants et respectueux de leur bête condition, amas de chair fragile, imparfaite et finie, qui ne peut durer sans aimer, qui ne peut subsister sans amour, sans qu'aucune femme de sente un enfant bouger dans son ventre, comme un miracle mystérieux qu'elle ne peut partager. Donner la main à un enfant, et le conduire avec pureté et résolution jusqu'à la fin de la vie, la mienne ou la sienne, peu importe, pourvu que.... Pablo Robinson