
Barri s'était posé la question. Longtemps. Il connaissait Dania depuis 5 ans maintenant, mais il avait l'impression qu'elle faisait partie de sa vie. Au début, il lui envoyait des messages gentils, des boutades, des petits mots pour lui remonter le moral. Barri sentait bien que Dania n'était pas toujours au mieux de sa forme, qu'elle avait de temps en temps des crises de moral, qui viraient presque à la dépression. Aussi, lorsqu'il sentait cette perte de tonus, il lui envoyait des lettres plus sérieuses, des conseils, comme s'il s'était agi de sa propre fille, ou d'une amie d'enfance. Dania pensait que Barri lui préparait des textes longs, qu'elle prendrait plaisir à traduire lentement, comme on suce un bonbon au goût merveilleux. Ces deux-là avaient entre eux une complicité que personne d'autre au monde n'aurait pu partager. Il n'y avait rien de dramatique dans cette relation du bout du monde, rien de douloureux. Barri pensait que c'était juste une amitié comme il n'aurait su la définir, lui, si intelligent, si sensuel. Et lorsqu'il partait en Europe, et qu'il avait l'occasion de rencontrer Dania entre deux avions, il échafaudait des plans de retrouvailles, il s'imaginait l'attendre à la sortie de l'aéroport, ou encore il rêvait que c'était elle qui l'attendrait, avec des hauts talons, et ses cheveux rangés en queue de cheval, avec des lunettes noires qui l'aurait fait ressembler à Jackie Kennedy. Barri s'arrêtait aux sensations de l'emmener visiter les villes du monde qu'il connaissait, de rire avec elle, de la regarder à la dérobée, de partager un repas dans un petit restaurant presque vide, au bord de la mer. Il se disait avec un sourire, quand il écrivait à Dania, que finalement, il lui envoyait presque chaque jour une histoire pour la faire rire, pour la rendre heureuse, pour la consoler d'une misère ou d'une autre, et presque chaque jour Dania s'enfermait dans sa chambre et avant de se coucher, elle ouvrait son ordinateur, avec le désir de lire les lettres de Barri. Elle gardait près d'elle un gros dictionnaire pour chercher avec gourmandise les mots qu'elle ne connaissait pas encore, et elle gardait pour toute la nuit les belles images que Barri lui envoyait. Des photos de plages tropicales, des photos que Barri prenait de lui-même avec son appareil automatique, des images de villes, des couchers de soleil sur des endroits invraisemblables. Elle fermait alors les yeux et partait en rêve vers le chaud des tropiques, et s'endormait comme cela, affalée sur son lit, avec la souris de l'ordinateur encore dans la main. Barri se disait que finalement il lui servait de marchand de sable, de nounou pour l'endormir, mais cela n'éteignait pas la tendresse et l'affection profonde qu'il avait pour elle.