«vous êtes blessé ? Vous avez eu un accident ? Qui c’est ces chauffards ? » dit-il en montrant la route devant lui. Malko essaya de parler mais il claquait trop des dents et sa réponse ressembla plus à une espèce de longue vibration. «venez avec moi, je vais vous emmener à l’hôpital !» Malko reprit un peu ses esprits et réussit à articuler : «pa pa pa pa blé blé bléssé ! Aidez aidez moi moi à à re re prendre mo mo mon vévé lomo lomo teur …. Si s'il vous vous plait ! ». L’homme balaya alentour avec sa lampe, la lumière accrocha l’engin qui était tombé. «je ne voudrais pas le décevoir, mais s'il comptait rentrer chez lui avec ça, neh !» Et il montra à Malko le vélomoteur écrasé : la fourche était tordue, et on voyait bien que la voiture avait roulé sur les roues couchées après l’accident et les avait complètement voilées. L’engin était inutilisable. «je vais le ramener en ville. Il habite loin ? Il veut appeler la police ?» Malko fit signe que non. Il était tout près de son sauveur maintenant. Il murmura plus facilement :
«- ces gens-là ont voulu me tuer, mais je ne sais pas qui c’est, celui qui me cherchait ne parlait pas italien.
- montez dans ma voiture, je vais vous ramener chez vous, nous parlerons en route.
- mais je suis trempé et plein de boue ! Je vais salir votre voiture !
- on s’en fiche, vous grelottez ! Attendez ! »
Il ouvrit le coffre, en sortit une couverture, la déplia autour de Malko et l’enroula dedans. La couverture sentait le chien. « C’est la couverture que j’utilise pour promener mon chien, elle pue, mais elle va vous réchauffer, et elle protégera mon siège, neh ? » Malko reconnu l’accent milanais. il monta sur le siège du passager, le conducteur ferma la porte sur lui. « Nous reviendrons demain chercher le vélomoteur. Pour l’instant je vous ramène chez vous ! Vous habitez loin ? » Malko lui répondit qu’il était à Pomponesco, à quelques kilomètres. Le conducteur connaissait le bourg, il travaillait dans la zone industrielle, il était responsable de la sécurité dans la grande usine de fabrication de contreplaqué. Malko se dit qu’il était surtout très bavard. C'était un grand type, avec un tête longue et un menton en galoche. Malko remarqua qu'il était habillé avec un col roulé noir, on aurait dit un curé.
« Ah ! Je ne me suis pas présenté, n’est-ce pas, neh ? Mon nom est Petro, Petro Vicenti. Voilà, nous arrivons ! Je vais le ramener chez lui, neh ? Et nous appellerons la police. Il faut le faire, ce qui lui est arrivé est grave, neh ? Ils ont voulu le tuer, neh ?» Malko ne l’entendait plus, le chauffage de la voiture l’engourdissait, la couverture lui faisait comme une carapace, il avait chaud, il était presque bien. Sauf son slip mouillé qui lui collait aux fesses. Il détestait sentir du linge mouillé contre lui, et pire encore, au niveau de la ceinture et en dessous. Il avait fini par donner l’adresse de la vieille maison, après la place centrale du vieux village, oui, tournez encore à droite, puis à droite, oui. Oui c’est là, à gauche….
La voiture s’arrêta en face du vieux portail à deux battants qui donnait sur la cour. Malko se disait à chaque fois qu’il passait sous le porche que cette bâtisse avait dû être l’atelier d’un maréchal ferrant. Il sentait ça dans les murs, mais il n’aurait su dire pourquoi. Petro était descendu de sa voiture. Pendant qu’il faisait le tour pour lui ouvrir la portière, Malko s’était rendu compte que c’était une wolkswaggen récente, d’un beau bleu marine. Les reflets des éclairages publics orange lui donnaient une allure particulière. Il descendit remercia son sauveteur et l’invita à rentrer à l’intérieur. Petro semblait prendre toutes les initiatives : il ouvrit la porte de la cuisine sans frapper. La gouvernante, en le voyant rentrer avec un fantôme couvert de laine brune poussa un cri de surprise et lâcha l’assiette qu’elle tenait et qui alla se fracasser sur le carrelage. Petro s’excusa, et, entourant Malko avec ses bras, il défit la couverture. Magda le reconnut et poussa un nouveau cri, et alla s’asseoir sur une chaise. « Vous allez me tuer, monsieur Malko ! que vous est-il arrivé, vous êtes plein de sang ! » Malko la calma, finit de se débarrasser de la couverture, lui demanda de faire chauffer de l’eau, proposa à Petro de prendre un café, le temps qu’il aille se changer. Magda s’empressa de proposer un chaise à son hôte, et commença à s’affairer autour du vieux fourneau. Petro semblait ravi. Il reprit son couplet de présentation avec Magda. Il faisait bon dans la cuisine, ça sentait la soupe, avec des odeurs de poireau, de chou, de céleri. Pendant que Malko s’éclipsait vers la salle de bain, Magda invitait Petro à goûter la soupe en lui demandant de lui raconter tout sur cette épouvantable histoire.
«- ces gens-là ont voulu me tuer, mais je ne sais pas qui c’est, celui qui me cherchait ne parlait pas italien.
- montez dans ma voiture, je vais vous ramener chez vous, nous parlerons en route.
- mais je suis trempé et plein de boue ! Je vais salir votre voiture !
- on s’en fiche, vous grelottez ! Attendez ! »
Il ouvrit le coffre, en sortit une couverture, la déplia autour de Malko et l’enroula dedans. La couverture sentait le chien. « C’est la couverture que j’utilise pour promener mon chien, elle pue, mais elle va vous réchauffer, et elle protégera mon siège, neh ? » Malko reconnu l’accent milanais. il monta sur le siège du passager, le conducteur ferma la porte sur lui. « Nous reviendrons demain chercher le vélomoteur. Pour l’instant je vous ramène chez vous ! Vous habitez loin ? » Malko lui répondit qu’il était à Pomponesco, à quelques kilomètres. Le conducteur connaissait le bourg, il travaillait dans la zone industrielle, il était responsable de la sécurité dans la grande usine de fabrication de contreplaqué. Malko se dit qu’il était surtout très bavard. C'était un grand type, avec un tête longue et un menton en galoche. Malko remarqua qu'il était habillé avec un col roulé noir, on aurait dit un curé.
« Ah ! Je ne me suis pas présenté, n’est-ce pas, neh ? Mon nom est Petro, Petro Vicenti. Voilà, nous arrivons ! Je vais le ramener chez lui, neh ? Et nous appellerons la police. Il faut le faire, ce qui lui est arrivé est grave, neh ? Ils ont voulu le tuer, neh ?» Malko ne l’entendait plus, le chauffage de la voiture l’engourdissait, la couverture lui faisait comme une carapace, il avait chaud, il était presque bien. Sauf son slip mouillé qui lui collait aux fesses. Il détestait sentir du linge mouillé contre lui, et pire encore, au niveau de la ceinture et en dessous. Il avait fini par donner l’adresse de la vieille maison, après la place centrale du vieux village, oui, tournez encore à droite, puis à droite, oui. Oui c’est là, à gauche….
La voiture s’arrêta en face du vieux portail à deux battants qui donnait sur la cour. Malko se disait à chaque fois qu’il passait sous le porche que cette bâtisse avait dû être l’atelier d’un maréchal ferrant. Il sentait ça dans les murs, mais il n’aurait su dire pourquoi. Petro était descendu de sa voiture. Pendant qu’il faisait le tour pour lui ouvrir la portière, Malko s’était rendu compte que c’était une wolkswaggen récente, d’un beau bleu marine. Les reflets des éclairages publics orange lui donnaient une allure particulière. Il descendit remercia son sauveteur et l’invita à rentrer à l’intérieur. Petro semblait prendre toutes les initiatives : il ouvrit la porte de la cuisine sans frapper. La gouvernante, en le voyant rentrer avec un fantôme couvert de laine brune poussa un cri de surprise et lâcha l’assiette qu’elle tenait et qui alla se fracasser sur le carrelage. Petro s’excusa, et, entourant Malko avec ses bras, il défit la couverture. Magda le reconnut et poussa un nouveau cri, et alla s’asseoir sur une chaise. « Vous allez me tuer, monsieur Malko ! que vous est-il arrivé, vous êtes plein de sang ! » Malko la calma, finit de se débarrasser de la couverture, lui demanda de faire chauffer de l’eau, proposa à Petro de prendre un café, le temps qu’il aille se changer. Magda s’empressa de proposer un chaise à son hôte, et commença à s’affairer autour du vieux fourneau. Petro semblait ravi. Il reprit son couplet de présentation avec Magda. Il faisait bon dans la cuisine, ça sentait la soupe, avec des odeurs de poireau, de chou, de céleri. Pendant que Malko s’éclipsait vers la salle de bain, Magda invitait Petro à goûter la soupe en lui demandant de lui raconter tout sur cette épouvantable histoire.
Malko ferma la salle de bain. Pendant que le robinet remplissait bruyamment d'eau fumante le broc en émail, il se déshabilla. La veste en cuir était tachée de boue et trempée, mais il avait toujours l’écharpe sur lui. Elle avait été protégée par la veste, et, à part les extrémités restées dehors, elle était encore propre. Malko sentit encore le parfum prisonnier de la laine, puis il rangea l’écharpe sur un portemanteau cloué derrière la porte. Une fois nu, il se réchauffa au contact de l’eau chaude, lava les plaies superficielles qu’il avait sur les mains, se sécha vigoureusement, badigeonna les plaies avec un coton teinté de mercurochrome, une bouteille antique qu’il avait repéré en arrivant, puis remit son kimono, et, par-dessus, un peignoir en éponge qui lui tiendrait chaud. Il récupéra les chaussons ancestraux qui étaient posés sous le meuble et sortit.
De retour dans la cuisine, il remarqua le regard de Petro. Il avait un sourire particulier et fixai Malko comme s’ils se connaissaient depuis cent ans. Non seulement Malko le trouvait bien bavard, mais en plus, il se demandait si cet homme là n’avait pas des tendances un peu homosexuelles. Il décida de s’asseoir à l’opposé de la table de la cuisine. Avec Magda comme gardienne entre Petro et lui.
« - Alors, vous voulez vraiment que j’appelle la police ? Je n’ai aucun élément, je ne sais même pas ce que c’était comme voiture, je ne suis pas sûr qu’il l’ai fait exprès, même si le comportement de l’homme qui me cherchait me semblait très bizarre. Le seul élément dont je dispose, c’est qu’il ne parlait pas italien. »
Petro ne se découragea pas : « vous savez, monsieur Malko, oui, madame Magda m’a dit comment vous vous appelez, vous ne pouviez pas me parler tellement vous étiez choqué dans la voiture, oui, monsieur Malko, donc, si vous, vous n’avez pas d’éléments, vous savez, avec le métier que je fais, j’ai pris l’habitude de réagir très vite en cas d’accident. Vous comprenez, quand vous devez faire un rapport d’enquête à la suite d’un accident dans une usine aussi importante que la nôtre, vous devez savoir tout enregistrer tout de suite, neh ? Donc ne vous en faites pas pour la voiture, neh, j’ai tout enregistré, vous savez. Cette voiture, c’est une voiture de location, neh, à cause de la marque et parce que elle vient de Parme, neh ? oui, j’ai réussi à retenir le numéro, donc, neh, il n’a plus à s’inquiéter de la voiture, madame Magda, neh ? et avec le numéro de la voiture, on saura qui était le locataire, neh ? »
Malko ouvrait la bouche pour se défendre, mais l’autre tenait à continuer.
« monsieur Malko, vous savez, dans mon usine, il y a beaucoup d’étrangers, neh, et comme ça je suis bien obligé de connaître un peu les langues qu’ils parlent, neh, alors je comprends un peu le Turc, un peu le croate, un peu le serbe. Dites moi, monsieur Malko, vous vous rappelez un peu des mots qu’il a prononcé, le type qui vous cherchait ? » Malko réfléchit un moment. La vieille Magda les regardait tour à tour, médusée. « je crois qu’il a dit quelque chose comme pichou ou pichcou materina, ou un son comme ça ». Petro rayonnait : « pitchkou materina ! c’est un juron qu’on prononce surtout dans le Monténégro. Je ne vais pas vous dire ici la traduction, neh, parce qu’il y a une dame, mais c’est un vrai juron de là-bas ! hé bien, il voit que ça sert les langues étrangères dans la sécurité,neh ? Donc, là, nous avons une voiture de location et un monsieur pas très poli qui vient du Monténégro. Il ne sera pas difficile avec ces éléments de déposer une plainte, neh, et en plus, si ils sont partis comme ça, neh, c’est bien qu’ils avaient quelque chose de pas clair dans la tête, neh ? tenez, monsieur Malko, vous êtes un garçon sympathique, et madame Magda a fait une soupe merveilleuse, neh, alors je vais l’aider ce jeune homme, neh ? et comme je connais bien des carabiniers de Pomponesco, je vais aller les voir demain, et je ferai les démarches pour lui, et il aura juste à aller signer les papiers, neh ? »
Malko regarda la vieille Magda. Elle était aux anges. Il était sûr qu’elle passerait la nuit à écouter un pareil énergumène. Ils mangèrent ensemble la soupe, puis le fromage. Malko prétexta un mal de tête et une douleur à la main pour les laisser, remercia avec un sourire forcé Petro, de son dérangement, promit de passer à la gendarmerie le lendemain, et monta se coucher. La journée avait été rude, les surprises conséquentes, et Malko, roulé en boule dans le lit glacé, se demanda à quoi pouvait bien ressembler cette histoire. Comment l’écharpe de la fille avait-elle pu atterrir sur le parapet du pont ? Pourquoi ces types l’avaient sciemment bousculé dans le fossé et cherché à le trouver ? Et qui était ce Petro qui lui tombait dessus comme par hasard ? et comment se fait-il qu’il ait pu connaître le numéro de voiture de ces types aussi vite, la nuit, en pleine campagne…. Malko s’endormit avec des rêves de grenouilles dans les chaussures.