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roman

  • Les anges sont au nombre de quatre (2)

    715948038.jpgGiono avait passé le reste de la journée et de la nuit à délirer, à avoir froid, puis chaud, puis froid encore. Son père était resté près de lui tout l'après midi. Ils n'avaient pas parlé ensemble, mais chacun pensait que l'autre l'aurait bien voulu. Giono avait toujours quelques chose à vouloir prouver à son père, sans comprendre ni pourquoi, ni comment, sans doute une rivalité psychique, comme aurait dit Dania.  Mais là, il était trop mal. Vers le soir, sa mère vint prendre la place de son père. Giono se demandait pourquoi Dania n'était pas là. Entre deux crises de fièvre, il avait demandé à l'un de ses parents ou à l'autre, s'il avait des nouvelles, mais ils ne disaient rien de plus, lui conseillaient de se reposer et de dormir. Giono fermait les yeux, et tout commençait à tanguer autour de lui, et il restait dans ce bateau mouvant sans pouvoir en sortir. Au petit matin, il se sentit nettement mieux. Sa mère, qui avait dormi dans le canapé du salon, lui prépara un café très fort, puis lui apporta du gateau qu'elle avait fait la veille. Il le mangea avec appétit. Son mal de tête avait disparu. Il se leva, alla prendre une douche très chaude, puis s'habilla. Sa mère tenta de l'obliger à rester couché, mais il voulait absoluement savoir ce qui se passait. Il accepta qu'elle l'accompagne chez les parents de Dania. Ils trouvèrent Giovanni et Miranda en compagnie de la police. Giono compta mentalement qu'on était déjà lundi. Miranda prit sa mère à part et elles allèrent discuter à l'écart, pendant que Giovanni faisait un résumé de la situation. D'après les parents, Dania était partie samedi soir rejoindre des amies au bal municipal, tout le monde l'avait vue danser avec un inconnu, des voisins l'avaient vu repartir en vélo, et depuis, plus de nouvelles. Les policiers avaient fait un rapport détaillé du signalement donné par les parents, ils avaient appelé la police de la route pour savoir s'il y avait eu un accident avec un vélo, ou une victime sur la route. Mais rien. Aucune information, aucun indice. Ils restèrent un moment ensemble, Giono, Giovanni, les policiers, à emettre des hypothèses, à supputer des scénarios. Mais les policiers étaient réservés sur cette histoire. "Des jeunes femmes qui vont au bal et qui dansent avec des inconnus, il y en avait des centaines, et, sauf votre respect, monsieur, elle avait peut être préféré passer le week end avec une autre compagnie". Giono n'était pas dupe, Dania était une fiancée solide et fidèle. Les sous entendus qui fusaient ne l'atteignaient pas. Au bout d'une heure il préféra rentrer chez lui. Il récupéra sa mère dans la cuisine, où elle buvait du thé avec Miranda, salua les parents en promettant de rester à l'écoute. Il sentait la migraine revenir et ne voulait pas tarder.
    Il rentra rapidement, mangea avec sa mère . Au moment où elle allait partir, le médecin arriva, envoyé par son père. Elle resta là pendant qu'il l'auscultait. Il avait les résultats des prises de sang, mais la maladie de Giono, quoique virale, n'avait pu être diagnostiquée avec précision. Le médecin lui fit une autre piqûre, puis il lui donna une liste de médicaments et l'adresse d'un spécialiste que Giono devrait aller consulter dès le lendemain. Le médecin lui conseilla d'aller à ce rendez vous en ambulance, mais Giono préferait conduire, il se sentait nettement mieux. Pendant qu'il se reposait, sa mère alla chercher les médicaments, puis elle le laissa, persuadée qu'il allait dormir. A quatre heures du matin, Giono se réveilla, se doucha, prit un café et partit avec sa voiture. Il conduisait en silence, connaissant la route presque par coeur. Il avait fait ses études à Vérone, et la clinique se trouvait au-delà de la célèbre ville.
    Giono était un  peu surpris. Il se rendait compte que Dania lui manquait de plus en plus, il lui semblait que  tout ce qui composait sa force de travail était en train de se perdre, comme de l'eau qui coule dans le sable. Il n'arrivait plus à se fondre dans son entreprise, à se concentrer sur ce qu'il faisait. L'image de Dania était là, dans ses yeux. et avec elle tout ce qui entretenait son envie d'elle. Il avait quitté l'appartement avant l'aurore. Il faisait toujours nuit, mais le brouillard n'était pas au rendez-vous et la route était sèche. En conduisant, il lui semblait même quitter complètement la conduite de sa voiture et se perdre dans les souvenirs amassés dans sa mémoire depuis si longtemps. il revoyait Dania danser avec lui, en lui, autour de lui, il se rappelait les séances de répétitions pour les concours de danse, la sueur qui collait son tee-shirt contre la peau, la sensation de tenir Dania, ses hanches, ses mains, les odeurs de sa sueur, les frôlements de ses cuisses contre les siennes, leurs étreintes de danse et les simulacres qu'ils faisaient en riant, en frottant leur bassin l'un contre l'autre, en balancements lascifs liés au rythme, leurs échanges de regards, devant les spectateurs, et la complicité qu'ils mettaient à danser ensemble. Et, plus tard, les longs baisers qu'ils se donnaient dans les vestiaires, leurs étreintes amoureuses, passionnées, volées ça et là au gré des endroits, leurs rendez-vous d'amants, leur vie de couple désorganisée par l'absence de vie commune...
    Un phare l'éblouit au passage d'un virage. Il reprit conscience de la route, malgré la fatigue naissante. Dania et lui, c'était d'abord cela, un plaisir partagé des corps. Il ne discutait pas souvent de construire un foyer avec elle, même s'il devait reconnaître que Dania semblait bien attendre autre chose de lui que de se voir deux fois par semaine pour manger ensemble, et assouvir leurs envies de l'autre, sans rien vraiment construire de leur relation. Dania voulait se marier, mais lui ne se sentait pas prêt, il devait parfaire sa vie professionnelles d'abord, il aurait bien le temps de lui faire des enfants après .... Il se reprit: "lui faire des enfants ?" Il s'était mis à parler dans la voiture en conduisant. Il passait à travers des rues des villages sans les voir. Les lampadaires éclairaient trop vite son visage pâle et fatigué, on aurait dit qu'un fantôme conduisait la voiture. Il se rappelait sa mère et ses frères plus petits. Il se rappelait sa cousine, quand elle s'était mariée, puis quand elle avait eu son ventre tout rond, et quand elle avait accouchée. Avoir des enfants prenait une allure de poids dans son imagination. Il s'avoua en murmurant que les enfants, ça ne serait pas son truc, enfin, pas maintenant, sauf si cela pouvait retenir Dania près de lui. Il repensa à l'obsession qu'il avait de son corps, à la douleur qu'il ressentait de perdre le souvenir de le toucher, de caresser sa peau dans le noir, de tâter près de l'épaule la courbe de son sein, de sentir sous ses doigts l'éveil de ses sens, la sentir se retourner contre lui, et poser en dormant sa tête dans son épaule. Puis l'image se brouillait. Elle n'était plus là, et lui se retrouvait dans son lit, froid et vide, handicapé d'érections inutiles et énervantes provoquées par ses rêves d'elle, il se sentait inutile, abandonné et seul. Dania avait un sens pratique que lui n'avait jamais appris à connaître: il avait bien été obligé de se débrouiller quand il était étudiant à Rome, mais son souvenir s'arrêtait à une chambre mal rangée, avec des séances de nettoyage qui l'épuisaient, avec son horreur de perdre du temps à des tâches ménagères, sauf quand il ne pouvait plus faire autrement. Il n'imaginait pas qu'une femme vienne perturber cet équilibre qu'il avait patiemment construit, entre ses habitudes de célibataire, sa vie de travail qui lui prenait beaucoup plus de temps qu'il ne pourrait en consacrer à une famille. Il avait en tête l'image de son père, parti toujours à l'aube, revenant tard dans la nuit, les disputes entre ses parents, la vision de sa mère qui le lamentait de ne jamais pouvoir compter sur lui, les souvenirs qu'il avait quand il était petit, où son père ne le prenait jamais dans ses bras, laissant à sa mère le soin de s'occuper de lui. Giono ne voulait pas d'une vie comme celle-là, même s'il aimait Dania, même s'il faisait tous les efforts possibles pour ne pas la décevoir, pour la garder près de lui. Il se disait que bien sûr, il arriverait un moment où ils devraient faire un choix, et qu'il céderait aux demandes de Dania. Elle avait déjà visité avec lui le terrain qu'ils voulaient acheter, elle avait rêvé avec lui de leur future maison, de son orientation, et Dania semblait si heureuse à ce moment là, que Giono avait joué le jeu jusqu'au bout. Il se dit que finalement, il finirait pas céder, qu'ils allaient se marier, qu'elle serait définitivement sa femme, pour toujours, du moment que lui, Giono, pourrait travailler librement à ses projets. Il se disait que dès que Dania aurait un enfant, les choses seraient plus calmes, plus posées. Elle serait heureuse dans sa maison, et lui serait apaisé d'avoir près de lui celle qu'il aime. 
    Il avait quitté la plaine et abordait maintenant les routes sinueuses de montagne, il lui fallait faire plus attention et jouer avec les pleins phares pour ne pas perdre le fil de la route. Il mit le poste en route. La musique Cubaine inonda  l'habitacle. C’était un CD que Dania avait apporté et qu'elle avait oublié. Giono se détendit un peu. Il sentait qu'il avait moins de fièvre, mais il respirait toujours aussi mal, et il avait l'impression d'avoir du piment dans les poumons. Le jour s'était levé, il ne s'en était pas rendu compte.  Le médecin qu'il devait voir  lui avait donné rendez vous près de Schio, dans une clinique privée. Il pensait que la consultation prendrait une heure, peut-être deux, puis il rentrerait à Suzzara où un rendez vous l'attendait en fin de journée. Il se mit à tousser. Sa bouche prit un drôle de goût. Il prit un mouchoir en papier pour s'essuyer. Quand il put voir ce que sa main retenait, le papier était devenu rouge. Il voyait  les premières maisons du bourg, et plus au nord, les contreforts des montagnes. Il traversa le pont qui passait le Léogra, prit sur la gauche longea la route, jusqu'à ce qu'il vit la pancarte rouillée "clinica per convalescenti de Dr Balkani". Il prit le virage, suivit les indications, entra dans la propriété, puis s'arrêta devant la porte. Il ouvrit sa portière, se leva, puis tout devint flou, il se sentit glisser doucement, pendant que sa bouche s'emplissait de sang ...

  • Les anges sont au nombre de quatre

    1991387641.jpg"Les anges sont au nombre de quatre: Raphaël est à droite, Huriel est à gauche, devant, elle voit Gabriel qui ouvre la marche et protège ses pieds des pierres coupantes, et derrière, Michael ferme la marche. Dania est lumineuse, elle pose ses  pieds sur les pétales de roses. ... " Giono se réveilla d'un coup. il était trempé de sueur, couché sur le canapé du salon. Il ouvrit les yeux, et immédiatement, il eut mal à la tête. Il réussit à s'asseoir, la tête entre les mains, les coudes plantés sur ses cuisses, les yeux fermés. Il se demandait ce qui pouvait bien lui arriver. Dans la pénombre de l'appartement aux volets clos, il avait une vague impression qu'il faisait jour. Il regarda sa montre en se penchant vers le rai de lumière qui touchait son bras. il lut deux heures trente, comprenant qu'on était déjà l'après midi. il prit son téléphone portable, voulut appeler, mais il n'y avait plus de batteries. Il se leva péniblement, chercha dans la pénombre le téléphone fixe, vérifia dans le combiné qu'il y avait une tonalité, puis il fit le numéro de Dania. Pas de réponse. Il laissa un message, puis appela chez ses parents. Giovanni, le père de Dania, répondit. Non, il n'avait pas vu Dania et il commençait à s'inquiéter. Giono essayait de parler normalement, mais ce qui sortait de sa gorge ressemblait à un murmure rauque. Giovanni lui demanda s'il allait bien, mais, à la réponse de Giono, il comprit que ça n'allait pas du tout. Il lui proposa donc de ne pas bouger, et qu'il allait appeler le médecin. Giono n'avait plus la force de résister, il acquiesça, puis raccrocha. L'effort qu'il fit pour se lever acheva de provoquer une nouvelle crise. Il dû se rasseoir, puis s'allonger dans le canapé. La fièvre revenait, il avait froid .....

    Giono ne sut pas quand le médecin arriva. Il avait un visage rouge, des yeux tout ronds, des cheveux roux, et il sentait l'ail. Il était penché au-dessus de lui et il inspectait son oeil avec une lampe de poche. C'est sans doute cela qui l'avait réveillé. Giono regardait le plafond. Quelqu'un avait ouvert les volets, le jour faisait une ombre au lampadaire qui était allumé. Le médecin parlait à quelqu'un. Giono reconnut la voix de son père. Il tenait la cafetière de la cuisine et versait du café dans un bol. Giono  essaya de se relever, mais la douleur dans le crâne recommença. Le médecin prit le bol de café, puis il passa son bras derrière ses épaules, le releva doucement et le fit boire. Chaque gorgée lui brûlait la gorge, il se retenait pour ne pas tousser. Quand il eut fini, le médecin accompagna son geste pour le remettre à l’horizontale. "Vous êtes très malade, monsieur, il faut vous hospitaliser, mais vous n'êtes pas transportable dans votre état." Giono vit la silhouette de son père derrière la médecin qui hochait la tête en signe d'assentiment. "je vous ai fait une piqûre pour faire baisser la fièvre, mais vous avez un syndrome méningé, et vous ne pouvez pas vous lever. il faut rester allongé si vous ne voulez pas avoir trop mal à la tête. Je vais revenir demain matin pour vous faire des examens. Je vous ai fait une prise de sang pour faire des analyses ce soir. Votre père va rester près de vous". Il se releva et alla discuter avec son père dans la cuisine. Giono se sentait un peu mieux, le café lui faisait du bien, et le produit qu'on lui avait injecté lui donnait l'impression de planer.....