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  • La mort de mon ennemi

    Voilà comment mon ami d'il y a longtemps était devenu mon ennemi. Il avait trahi ma confiance, et avait abusé de ceux que j'aime. Je ne m'étendrai pas sur ce sujet, mais l'envie de meurtre n'était pas loin. Et avec le temps, ma haine s'était encroûtée de pitié, et de loin en loin, mon acharnement à le poursuivre pour que la Justice fasse entre nous un partage équitable, l'envoyer lui en prison, et me donner à moi un peu de quiétude et de reconnaissance de ce que j'avais souffert, était devenu un rite, presque une habitude amie. Après bien des années de lutte microscopique, ma cause avait été enfin écoutée, et nous devions en découdre dans quelque tribunal, afin qu'elle fût enfin entendue, définitivement.

    Mais, à la justice attendue depuis si longtemps, celle de la nature a résonné bien avant le marteau de la Cour. Mon ennemi est mort hier, de la plus belle des morts dont il aurait rêvé, en traversant l'azur de haut en bas, plongeant tête la première dans son avion privé, à la fin d'une vrille dantesque, vers la pelouse d'un stade déserté.

    Et là, devinant que ma haine resurgissante pourrait à ce moment crier à la Justice que je ne serais pas rassasié de son équité, je me retrouvre penaud de cette mort idiote, lui écrasé sous le poids du métal, et moi envahi par le doute sur la raison de ma vieille fureur. Et pourtant, je la vois en face, ma haine, maintenant honteuse  d'avoir perdu son amant, laissant en moi un vide ou le pardon pourrait se glisser, ma douleur tout à coup éteinte, comme une chaux mouillée par une pluie d'hiver.

    Mon ennemi est mort, paix à son âme, paix à ses victimes, paix à moi-même, finalement, et qu'on me donne le droit de m'endormir avec une innocence retrouvée, avec la candeur de croire que sa mort a calmé ma colère, que demain,  je pourrai regarder ma glace et y voir mes cheveux blanchis par la sagesse, et mon front plein de couleurs du soleil.

    Va, mon ennemi, et comme nos combats ont fini dans le sable et la cendre, que le silence enfin endorme nos souffrances, apaise nos craintes, et te conduise à la paix du pardon.

    (c) Pablo Robinson - 11/2005

  • Lutte ordinaire d'un banlieusard ordinaire

    Tu le vois bien ,que je me suis levé tôt. tu les vois les cernes sous mes yeux. Je me suis levé à 7 heures, juste eu le temps de passer sous ma douche, d'avaler mon café sans t'embrasser... Oui je suis énervé, comme souvent. Comment faire autrement. Là du coté de Noisy le grand, un jour comme un autre, je prends ma voiture pour aller de l'autre coté de Paris. Tu me crois, hein ? je suis parti à huit heures, et je suis arrivé à la porte de Versailles à onze heures trente !!!!  3 heures et demi pour une si petite distance!!

    Que s'est-il passé ? je ne sais pas. Rien n'avancait. J'ai raté mon rendez-vous. J'ai téléphonné pour mon retard, mais lui non plus n'était pas arrivé. On s'est perdu à chercher des pistes comme des sioux pour se rejoindre, du coté de Montparnasse. Mais dans ce coin là, vers les onze heures c'est l'enfer. Je ne pouvaqis pas prendre le métro, ou le bus: les colis que je devais lui apporter étaient juste assez encombrants pour poser de gros problèmes dans les transports en commun ...

    On a fini par se retrouver du coté du panthéon: il n'était pas content, et moi j'avais perdu ma matinée et un client. Tu vois, là, je rentre, donne moi une bière que je calme ma soif, j'ai les boules de payer des impots pour des routes qui ne me font pas avancer, pour des transports en commun qui sont justes bons pour y être transporté comme un tronc debout et nu, et pressé contre des autres inconnus et absents, j'en ai marre de faire la queue assis dans une boite de conserve qui pollue mais qui me protège de la pluie comme ce matin. Je suis fatigué d'une vie qui n'est pas celle dont je rêvais quand j'étais petit, j'en ai marre de te donner de moi une image qui ne me ressemble pas et qui me tue à petit feu.

    Aime moi, bon sang, toi qui restes à la maison bien au chaud, qui ne brave pas cette lutte des nerfs et du temps tout le temps, chaque jour. Lutte avec moi dans ma vie de citadin perdu dans la ville....

    Aime moi, moi qui lutte chaque jour dans le combat des banlieusards ordinaires, essoufflé de ce carcan des distances rendues stupides par les rues fermées, les sens uniques, les boulevards étranglés de trottoirs inutiles, puisque les piétons ont peur.

    Pablo Robinson